Archives de catégorie : Cinéma

Les films que j’ai vus au cinéma ces dernières années.

Boyhood de Richard Linklater

Affiche de Boyhood de Richard LinklaterIl faisait lourd hier après-midi, et il y a la clim’ au cinéma, curieusement au cinéma commercial (ouf, quand même en VO), encore une bizarrerie de l’accord de programmation entre CGR et les salles d’art et essais, le TAP cinéma  et le Dietrich… Moins de 10 spectateurs dans la salle, il y aurait sans doute eu un public plus nombreux dans une salle adaptée à ce type de film, curieux choix du distributeur et de CGR, vraiment. Je suis allée voir à 17h30 Boyhood de Richard Linklater, ours d’argent du meilleur réalisateur au festival de Berlin 2014, et à la sortie, il faisait limité frais, avec de grosses flaques au sol, orage ou simple averse?

Le film: de 2002 à 2013 à Houston au Texas. Mason Jr (Ellar Coltrane) a 6 ans, vit avec sa mère Olivia (Patricia Arquette), sa sœur ainée Samantha (Lorelei Linklater). Son père, Mason Senior (Ethan Hawke), musicien et immature, est absent. Très vite ils se séparent, la mère reprend des études, tombe amoureuse d’un prof’, ils se marient, découvrent une grande maison, les deux enfants du beau-père, qui boit trop, finit par battre sa femme, nouveau déménagement, nouveaux amis, le père de plus en plus présent… et ainsi de suite jusqu’à l’entrée à la fac!

Mon avis: c’est vraiment une bonne idée d’avoir filmé les acteurs chaque année pendant 12 ans (3 jours de tournage à chaque fois), beaucoup plus original que d’avoir pris différents acteurs qui auraient marqué chaque âge de la vie de cette famille ou les habituels grimages et autres des adultes. Du coup, on a une impression fluide du temps qui passe! Ce n’est pas un documentaire, mais bien un film de fiction, qui aborde aussi la famille recomposée, le rôle du « père d’un week-end », de l’autorité parentale du beau-père (avait-il le droit de couper ras les cheveux longs de son beau-fils sans l’accord de la mère), de la femme battue, de l’apaisement des relations du père et de la mère avec le temps. Quelques scènes sont assez drôles, quand les beaux-grands-parents (euh, ça se dit comme ça?) côté paternel offre à Mason pour ses 15 ans une bible (« avec les paroles de Jésus en rouge pour mieux les repérer) et un fusil de famille, alors que Mason s’intéresse à la photographie. En dehors du scénario, c’est un tour de force d’avoir pu garder pendant 12 ans les quatre acteurs principaux (d’autres apparaissent, disparaissent au fil des ans), surtout les deux enfants, j’imagine qu’une fois devenus presque adultes, ça ne devait peut-être plus être leur priorité dans la vie! Presque trois heures de film, mais avec une relance à chaque nouvelle année, un enfant puis un adolescent qui s’adapte tant bien que mal à ses nouveaux environnements, amis et conjoints de la mère et du père, des personnalités et des situations qui se renouvellent chaque année. J’ai beaucoup aimé!

La ritournelle de Marc Fitoussi

Affiche de La ritournelle de Marc FitoussiSortie cinéma dimanche. Mon choix s’est porté sur La ritournelle de Marc Fitoussi.

Le film: dans la campagne normande, du côté d’Yvetot. Brigitte [Isabelle Huppert] et Xavier [Jean-Pierre Darroussin] Lecanu élèvent des Charolaises, taureaux reproducteurs, vaches et veaux sous la mère. Xavier, un peu bougon, vit même avant tout pour son élevage, les concours agricoles. Quand les voisins donnent une soirée, lui se couche avec un somnifère, elle se rend  la fête et fait la connaissance de Stan [Pio Marmai]. Sur un coup de tête, elle décide, sous le prétexte d’un rendez-vous chez un dermatologue, à le rejoindre à Paris, la retrouvaille tourne au fiasco, mais elle se laisse séduire par un voisin de chambre, Jesper [Michael Nyqvist], dentiste danois en congrès dans le même hôtel. Méfiant, Xavier prend à son tour la route pour Paris.

Mon avis: j’ai choisi ce film pour ses deux acteurs principaux, Isabelle Huppert et Jean-Pierre Darroussin, et parce que je préférais une comédie à un thriller violent (j’ai hésité un court instant à voir Big bad wolves). Je me suis sincèrement ennuyée, je n’ai pas vu où pouvait être la nouvelle Emma Bovary (critique de Télérama), certains passages m’ont franchement agacée, comme celui où il est question d’Italo Calvino qui pourrait être aussi méconnu à Paris que chez les « ploucs de la campagne » (ou quelque chose comme ça). Le vêlage (à l’aide d’un tire-fort) ou la visite d’un élevage géant de vaches en Israël sont le summum de l’absurdité. Je ne comprends pas comment ces acteurs que j’aime ont pu prendre part à ce film…

Au fil d’Ariane, de Robert Guédiguian

Affiche de Au fil d'Ariane, de Robert GuédiguianSamedi pluvieux, Poitiers désert (à 17h, 150 places libres au parking Carnot/hôtel de ville, plein d’habitude le samedi, même sans soldes), effet conjugué de la météo, de la crise et de l’annonce des perturbations des championnats de France de cyclisme, plus de un million d’euros de nos impôts (556.000€ ou 843.000€, ce n’est pas clair en subventions du conseil général, pas facile de trouver la somme exacte, 120.000€ de la Région Poitou-Charentes, 120.000€ de Grand Poitiers, plus la « valorisation » de l’intervention des services du Conseil général, de Poitiers et de l’agglomération) pour empirer la situation économique du centre-ville et des magasins autour du Futuroscope (et paraît-il de remplir les hôtels et donner une bonne image de la ville et du Futuroscope)… En attendant, je suis allée au cinéma voir Au fil d’Ariane, de Robert Guédiguian (revoir mon avis sur Les neiges du Kilimandjaro, déjà avec Ariane Ascaride, Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin).

Le film: à Marseille de nos jours. Ariane [Ariane Ascaride] prépare un gâteau pour fêter son anniversaire, mais au fil des minutes, ses enfants et son mari se décommandent, lui faisant juste livrer des fleurs. Elle prend sa voiture, se retrouve sur le port. Bloquée à un pont-levis, en attendant le passage d’un bateau, elle met de la musique, elle est abordée par un jeune homme à scooter [Adrien Jolivet], il l’emmène déjeuner dans un restaurant de plage tenu par Denis [Gérard Meylan], mais l’abandonne sur place, à la même table que Jack [Jacques Boudet], un habitué, alors qu’il part avec sa copine [Lola Naymark]. Ariane part en taxi [conduit par Jean-Pierre Darroussin], retrouve sa voiture en train d’être enlevée par la fourrière, se fait voler son sac à mains au distributeur… retour en pleine déprime au restaurant, fermé, mais accueillie par le gardien [Youssouf Djaoro]…

Mon avis: un film où l’on a des doutes… jusqu’à la surprenant scène finale qui explique tout, mais chut! C’est peut-être dû aux images de synthèse inserrée sans qu’on les voie vraiment, mais que le cerveau reconstitue comme une anomalie, au scénario aussi, improbable jusqu’aux dernières minutes. J’ai toujours du mal avec les films qui ont des scènes chantées, je trouve que ça « sonne faux », et c’est encore le cas ici pour quelques séquences. A part cette réserve, j’ai beaucoup aimé ce film, tous les acteurs sont très bons. La presse a beaucoup parlé de Ariane Ascaride et Jean-Pierre Darroussin. Je voudrais souligner le rôle de Youssouf Djaoro, ancien gardien du muséum d’histoire naturelle de Marseille (il y a une scène assez surréaliste dans ce beau musée fermé pour rénovation), devenu gardien du restaurant, hanté de cauchemars qu’il vit dans sa cabane peinte d’un grand décor africain. Robert Guédiguian joue sur les contes, les rêves, les peurs exprimées ou non, au premier rang desquelles la peur de l’abandon (d’Ariane par ses invités à son anniversaire, mais pas que)… Vite, allez le voir, il reste encore une journée pour la fête du cinéma et j’espère qu’il restera encore un peu à l’affiche!

Black Coal, de Diao Yinan

Affiche de Black Coal, de Diao YinanPas de cinéma dimanche, mais j’y suis allée hier soir, enfin, à 18h, histoire de ne pas m’endormir pendant la séance… Je suis allée voir Black Coal [Black Coal, Thin Ice / « Charbon noir, glace fragile »], de Diao Yinan, qui a reçu l’ours d’or qu meilleur film et l’ours d’argent pour l’acteur Liao Fan au festival de Berlin en 2014.

Le film: dans une ville indéterminée, en Mandchourie en 1999. Des fragments de crops sont retrouvés sur un tapis roulant qui reçoit du charbon, d’autres fragments sont retrouvés aux quatre coins du pays, c’était un employé d’une gigantesque mine à ciel ouvert. L’inspecteur Zhang [Liao Fan] mène l’enquête, un suspect est repéré dans un salon de coiffure mais l’arrestation tourne au carnage et Zhang est blessé. 2004, Zhang a quitté la police; devenu agent de sécurité, il arrive saoul au travail. Un nouveau cadavre est retrouvé dispersé, ses anciens collègues lui révèlent que c’est le deuxième, et que tous deux auraient dû se marier avec la femme [Lun Mei-Gwei] de la première victime, qui travaille dans un pressing. Le voici de nouveau mêlé à l’enquête…

Mon avis: Un très beau film qui se passe en majorité l’hiver (oups, ça glisse!) et de nuit… Gare, les patins à glace peuvent constituer de redoutables armes. Les scènes d’amour et les crimes sont filmés avec peu d’images (pour la première scène d’amour, long plan sur les mains), mais beaucoup de « sons ». D’autres scènes frôlent le burlesque, comme la tuerie dans le salon de coiffure qui clôt quasiment la première partie en 1999. On découvre aussi beaucoup de chose sur la vie quotidienne, les rites funéraires (et le rassemblement/repas après la crémation), les petits restaurants rapides visiblement pas chauffés, les gigantesques trains et tapis roulants pour traiter le charbon, etc. Le film a franchi, après plusieurs retouches du scénario, la censure chinoise (et a même connu, semble-t-il, un certain succès en Chine). Pourtant, les policiers n’ont pas toujours le beau rôle, en toile de fond, la transformation de la Chine en cinq ans, entre 1999 et 2004, qui montre l’entrée du monde de l’argent: le petit entrepreneur importateur de vêtement est devenu un gros investisseur sur le marché des paris en ligne, la tenancière d’un petit bar tient un grand palace (à filles?). Même si je n’ai pas bien compris, je pense, la scène finale (fatigue? pensée chinoise différente?), je vous conseille ce polar dépaysant et avec quand même son lot de rebondissements!

Maps to the stars, de David Cronenberg

Affiche de Maps to the stars, de David CronenbergLe festival de Cannes n’a pas primé Deux jours une nuit, de Jean-Pierre et Luc Dardenne, la palme d’or, Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan, n’est pas encore sortie (revoir les précédents films, Il était une fois en Anatolie, Les trois singes de ce réalisateur), mais j’ai vu ce week-end Maps to the stars, de David Cronenberg, pour lequel Julianne Moore a reçu le prix d’interprétation féminine.

Le film: de nos jours à Los Angeles (Californie), en marge de la colline de Hollywood. Benjie Weiss [Evan Bird], 13 ans, est embauché pour la suite d’un film qui a connu un grand succès. Enfant gâté de Stafford [John Cusack], psychothérapeute à la mode et coach, et de Christina [Olivia Williams], il sort de cure de désintoxication. Parmi les clientes de son père, Havana Segrand [Julianne Moore] espère pouvoir évacuer ses démons en jouant un rôle tenu dans les années 1960 par sa mère, Sarah Gadon [Clarissa Taggart], morte dans un incendie. Et voici qu’apparaît dans sa vie Agatha [Mia Wasikowska], qu’elle embauche comme assistante.  Elle a été gravement brûlée et défigurée, ce qui ne l’empêche pas de draguer Jérôme Fontana [Robert Pattinson], un chauffeur de limousine qui rêve de devenir scénariste. Juste majeure, elle sort de l’hôpital psychatrique pour schizophrénie: c’est en fait la soeur aînée de Benjie, il y a quelques années, elle avait mis le feu à leur maison, son retour va faire émerger de lourds secrets de famille…

Mon avis: un film très dur! Personnellement, même si Julianne Moore est excellente, j’aurais plutôt primé les jeunes acteurs, Evan Bird et Mia Wasikowska. Leurs deux rôles sont très forts et ne doivent pas les avoir laissés indemnes… Ce film montre la superficialité de Hollywood, et les gens qui tournent autour, agents d’acteurs mais aussi coachs et psychothérapeutes aux techniques pour le moins bizarres comme celles utilisées par Stattford. A la sortie du film, vous n’aurez sans doute qu’une envie, allez (re)lire le poème de Paul Éluard, Liberté [dans Poésies et vérités, 1942, repris dans Au rendez-vous allemand, Éditions de Minuit, 1945], qui revient en fil rouge dans la bouche de la plupart des acteurs! Ecrit en réaction à l’occupation allemande, il prend ici (surtout en anglais dans la version originale) un nouvel écho.

Deux jours une nuit, de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Affiche de Deux jours une nuit, de Jean-Pierre et Luc DardenneSortie cinéma dimanche avec de Jean-Pierre et Luc Dardenne, qui finalement n’a pas eu de prix à Cannes (des mêmes réalisateurs, revoir Le gamin au vélo, Le silence de Lorna, Deux jours une nuit, La fille inconnue).

Le film: de nos jours dans la banlieue de Liège en Belgique. Alors que Sandra [Marion Cotillard] doit reprendre son travail dans une société de fabrication de panneaux solaires après une dépression, son patron [Batiste Sornin] a fait voter ses 16 collègues avec au choix, recevoir une prime annuelle de 1000€ ou y renoncer pour permettre de retour de Sandra. Prévenue par son amie Juliette [Catherine Salée] du résultat du vote (deux pour son retour, 14 pour la prime), elle est prête à baisser les bras. Son mari, Manu [Fabrizio Rongione] la convainc de se battre. Elle obtient qu’un nouveau vote ait lieu lundi, à bulletin secret et sans Jean-Marc [Olivier Gourmet], le contremaître qui a tenté d’influencer le premier vote. La voilà  qui part à la rencontre de chacun de ses collègues, en bus puis pilotée par son mari, aidée par ses enfants et Juliette pour trouver leurs adresses…

Mon avis: après son rôle de femme amputée dans De rouille et d’os de Jacques Audiard, Marion Cotillard joue à merveille son rôle de femme désespérée, répétant une bonne douzaine de fois son laïus (le vote a été influencé par Jean-Marc, le patron accorde un nouveau vote lundi, j’ai besoin de mon boulot, ce n’est pas moi qui vous ai mis dans la position de choisir entre votre prime, dont vous avez besoin, et mon travail), en face, il y a ceux qui ne peuvent pas abandonner la prime (un an de chauffage pour l’un, le conjoint au chômage de l’autre, des travaux à payer, etc.), ceux qui sont « torturés » par leur premier vote, celle qui refuse d’ouvrir mais appelle une autre collègue, de la violence qui éclate, un tableau social dur et sans concession, le cynisme du patron… Un film pessimiste sur le rapport à l’autre, la solidarité et le « vivre ensemble », mais un très beau film!

La chambre bleue de Mathieu Amalric

Affiche de La chambre bleue de Mathieu AmalricSortie cinéma samedi dernier avec un film court (1h15), La chambre bleue de Mathieu Amalric, adapté d’un roman de Georges Simenon dont je ne me souvenais pas.

Le film: de nos jours dans un petit village, Saint-Justin dit un panneau entraperçu. Julien Gahyde [Mathieu Amalric], entrepreneur d’engins agricoles, marié à Delphine [Léa Drucker], une charmante petite fille, est rentré depuis 4 ans dans son village natal après un séjour à Poitiers. Il y retrouve une amie d’enfance, Esther Despierre [Stéphanie Cléau], la pharmacienne, et noue avec elle une relation adultère passionnée. Le voici arrêté, dans un commissariat puis dans le bureau du juge d’instruction [Laurent Poitrenaux], qui est mort? Que s’est-il passé?

Mon avis: deux lieux principaux, la chambre d’hôtel (bleue…) et la salle d’interrogatoire du commissariat, quelques autres lieux, la plage et les rues (avec les murs ornés des coquillages de Danielle Aubin-Arnaud sur l’île Penotte) des Sables-d’Olonne, une belle villa à l’architecture contemporaine, un palais de justice au décor intéressant (celui de Baugé dans le Maine-et-Loire), La Flèche dans la Sarthe qui figure Saint-Justin-du-Loup. Mais surtout une intrigue bien menée (je ne me souvenais plus du tout de l’histoire, dont il y a pourtant eu de nombreuses adaptations), un choc de deux personnages formidablement joués par Mathieu Amalric et Léa Drucker.

Bibliothèque polars avec la série des SimenonLa transposition des années 1960 du roman à nos jours est réussie, il faut que je regarde si ce titre figure dans les Simenon qui sont soigneusement rangés dans ma bibliothèque… mieux que l’étagère du dessous où vous pouvez revoir mes serre-livres chats!

Au bord du monde de Claus Drexel

Affiche de Au bord du monde de Claus DrexelDepuis plus semaines et jusqu’à mi-juin, le film Au bord du monde de Claus Drexel passe chaque lundi à 18h au TAP cinéma à Poitiers. A force de me dire que j’avais le temps pour le voir, j’aurais pu finir par le rater…

Le film : à Paris, de nos jours, presque exclusivement de nuit. Blottie le long des grilles du jardin des plantes, dans une cabane aménagée sous un pont, dans une tente (à plier avant 5h30 pour ne pas « déranger les gens du quartier), dans un réduit sous le pont Alexandre III, dans le métro, dans un refuge d’un tunnel routier, certains boivent trop, d’autres sont sobres, certains sont malades (psychiques ou autre), plus ou moins (plutôt moins) soignés (pas de médicament aujourd’hui, la maraude ne les a pas déposés), Jeni, Wenceslas, Christine, Pascal et les autres racontent leur vie à Claus Drexel.

Mon avis: un documentaire filmé de nuit, au fil des mois, en laissant la parole aux sans-abris, juste relancés par quelques questions. Des vies cassées, parfois par l’émigration, d’autres par des accidents de la vie (cette dame qui passe ses nuits près du jardin des Plantes en dit juste assez pour laisser deviner son enfer conjugal), des destins individuels, comme  celui de cet homme qui va devoir abandonner le réduit qu’il a trouvé et aménagé depuis 23 ans, ou de Wenceslas très organisé avec son charriot de gare qu’il réussit à rentrer chaque soir dans sa tente, et sur lequel il porte une encyclopédie (et se déplace à une vitesse incroyable!), cet autre qui vit sous un pont dans une cabane aménagée et qui a reçu des cadeaux (victuailles) de riverains « et même d’un flic » pour noël, tous racontent leur vie d’invisibles dans la ville, dans la rue. Des images de nuit, avec peu d’éclairage (pas d’éclairage rapporté), un montage tout en pudeur, qui laisse la parole aux personnes interrogées, sans jugement, des personnes qui ont des choses à dire, à partager, loin de ce que les autorités ou les services sociaux peuvent dire « sur eux », sans leur donner la parole. Alors, prenez un peu de temps, allez écouter ce qu’ils ont à dire, à partager, par l’intermédiaire du documentariste, et la prochaine fois, peut-être, arrêtez-vous dans la rue pour échanger avec eux au lieu de détourner le regard…

Ce film a été inclus dans le festival Télérama 2015, dans lequel j’ai vu:

96 heures de Frédéric Schoendorffer

Affiche de 96 heures de Frédéric SchoendorfferUn temps épouvantable dimanche, pluie et vent… Du coup, avec des amis, la sortie promenade s’est transformée en sortie cinéma. Au méga cinéma où je ne vais jamais seule, les salles ont plus de visibilité qu’en ville, mais l’ambiance du hall genre supermarché (où je ne vais jamais) ne me sied guère… Et ceux qui disent qu’on s’y stationne mieux qu’en ville ont tort! Gratuit certes, mais quelle pagaille sur le parking et pour en sortir! Nous avons donc vu 96 heures de Frédéric Schoendorffer, dans une salle quasi vide (les spectateurs choisissaient d’autres films plus populaires…).

Le film: en région parisienne de nos jours. Gabriel Carré (Gérard Lanvin), commissaire de la brigade de répression du banditisme, doit aller assister ce soir soit boire un coup avec son assistante, Camille Kancel (Laura Smet), qui passe aujourd’hui son concours de commissaire de police, soit assister avec sa femme,  Françoise (Anne Consigny) à l’anniversaire de mariage d’amis. Cela ne sera ni l’un ni l’autre, au petit-déjeuner, un trio de truands fait irruption chez eux. L’un garde la femme, les autres embarquent le flic pour aller « extraire de prison » Victor Kancel (Niels Arestrup). Les documents sont en règle, son avocat maître Francis Castella (Cyril Lecomte), présent sur place, ne s’y oppose pas. Et voici Gabriel Carré emporté pour 96h de garde à vue prisonnier dans une villa, où les truands, Abdel (Slimane Dazi) en tête, tenteront d elui faire avouer qui a dénoncé Victor, surtout pour savoir qui a volé l’argent l’année précédente chez l’avocat. Ca se complique, la fille de Victor, Marion Reynaud (Sylvie Testud) est l’amante de Gabriel Carré, qui refuse d’avouer alors que son adjointe sent que quelque cloche et se met à sa recherche…

Mon avis: un polar mené avec lenteur, très peu d’hémoglobine (enfin, quelques assassinats quand même, mais montrésrapidement). Impossible de ne pas penser à son rôle dans Quai d’Orsay quand Niels Arestrup tourne les pages de son dossier judicaire. Sa confrontation avec Gérard Lanvin tourne au duel de deux grands acteurs, tournant en dérision le style convenu du polar. Le Canard enchaîné et Télérama (entre autres) avaient beaucoup de réserves sur ce film, mais c’est un instant de divertissement sympathique, à défaut d’être un grand film. La villa où est séquestré Gabriel Carré me disait quelque chose, mais impossible de la retrouver dans mon « catalogue mental ». Et puis la nuit portant conseil, au réveil le lendemain, mais oui mais c’est bien sûr… une villa de l’architecte Robert Mallet-Stevens. Un petit tour sur le site de l’architecte et j’ai trouvé, c’est celle du couturier Paul Poiret à Mézy-sur-Seine dans les Yvelines, construite en 1921-1923 et laissée inachevée et rachetée en 1934 par vicomtesse Elvire Foy (née Popesco) qui a complété les travaux (suivez les deux liens qui aboutissent à des pages différentes, la première avec photographie, la seconde avec des explications architecturales).

Tout est permis de Coline Serreau

Affiche de Tout est permis de Coline SerreauJe suis allée voir samedi le documentaire de Coline Serreau, Tout est permis. Séance de 18h, moins d’une dizaine de spectateurs…

Le film (présentation officielle):

Plongée au coeur d’un stage de récupération de points pour le permis de conduire, où des conducteurs venant de tous les milieux sociaux racontent leurs expériences. S’enchaînent des témoignages édifiants et parfois amusants sur la conduite, comme cet homme qui perd son permis vingt minutes après l’avoir récupéré, ou cette femme qui prend plaisir à accélérer brutalement au volant de sa décapotable. On y parle aussi vitesse, virilité, responsabilité…

Mon avis: d’un côté, il y a les stagiaires obligés de faire un stage de récupération de points ou un stage de sécurité routière imposée par la justice (plusieurs séances sont montées), un avocat plein de mauvaise foi qui défend les automobilistes, un représentant de 40 millions d’automobilistes et deux autres des motards en colère. De l’autre, les animateurs des stages, le SMUR de Garches, des victimes handicapées à vie, un professeur de médecine, la présidente de la ligue contre la violence routière. Et des rappels de chiffres, passés ou actuels: les blessés coûtent 25 milliards d’euros par an à la sécurité sociale (sans parler du coût pour la société de ceux qui ont des séquelles), 75% des gens ont leur 12 points, 85 % 10 à 12 points, 0,7% n’en gardent que 1 ou 2. Alcool, téléphone au volant, préjugés (les vieux et les femmes plus dangereux, statistiquement faux), ça n’a pas l’air d’être très efficace! Une bourgeoise ne peut pas rouler au pas avec sa porche cabriolet… Un journaliste en est à son cinquième stage, un contrevenant a reperdu son permis quelques minutes après l’avoir repassé! Beaucoup semblent avoir eu des accidents (jamais de leur faute!), mais n’ont pas changé leur comportement… sauf ceux que l’on voit à l’hôpital et qui ne reconduiront probablement jamais. Pourtant, quelques-uns (très minoritaires) semblent à la fin avoir compris, la comparaison des crash-tests à 50, 60 et 70 km/h semble avoir eu le plus d’effet, peut-être aussi le test de freinage d’urgence à jeun et après deux verres d’alcool, filmé (je l’ai fait en vrai -sur piste- il y a quelques années, dans un stage de formation continue sur les freinage et la sécurité routière, avec juste un verre au repas, impressionnant en effet).  Pas de commentaires aux propos des stagiaires irréductibles, juste la confrontation des positions. Le pire peut-être? Le témoignage d’un employé d’un alcoolier chargé il y a 20 ans de « rajeunir l’image de l’alcool ». Distribution de mignonettes à la sortie des lycées, alcool fourni pour les fêtes, les troisièmes mi-temps (tous sports confondus), les pots de départ. Après 10 ans, il a été viré car devenu alcoolique, il s’est soigné et témoigne depuis. Le professeur de médecine rebondit sur la place des lobbys de l’automobile (ce sont des constructeurs qui financent les 300 km d’autoroute – sur 12.000- sans limitation de vitesse en Allemagne, tronçons trois fois plus accidentogènes que les autres), de la téléphonie mobile et le manque de courage des politiques pour prendre des mesures plus efficaces. Il y a encore de la marge… Moitié moins de morts et de blessés graves (rapportés à des proportions similaires) sur les routes anglaises et hollandaises.

En sortant de la salle à 19h45, trois motos sont arrivées à grande vitesse (en zone 20 / espace partagé), ont franchi les bornes d’accès de la zone réglementée (évidemment, une moto, ça passe) et continué en se faufilant entre les piétons… Quelques minutes plus tard, un scooter remontait la rue Carnot en sens interdit et en roulant sur le trottoir, bien sûr plein de piétons. Il y a encore du boulot!!!