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Cette chose étrange pour moi, d’Orhan Pamuk

livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.comCette chose étrange pour moi, d'Orhan PamukJ’ai reçu au début de l’été ce gros livre dans le cadre d’une opération Masse critique de Babelio, merci à eux et aux éditions Gallimard, paru pour la rentrée littéraire 2017 (587 romans annoncés cette année).

Le livre : Cette chose étrange pour moi, d’Orhan Pamuk, traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy, collection du monde entier / NRF, , éditions Gallimard, 685 pages, ISBN : 978207011368.

L’histoire : en Turquie, en Anatolie et surtout à Istanbul, de 1968 à 2012. Le père de Mevlut a quitté son village natal en 1963 pour essayer de faire vivre sa famille en lui envoyant de l’argent depuis Istanbul. Quelques années plus tard, en 1969, il fait venir à son tour Mevlut, à peine âgé de douze ans, officiellement pour qu’il poursuive ses études au collège (lycée Atatürk). Ils achètent à un grossiste du yaourt et de la boza (boisson fermentée à base de Millet), l’aromatisent et la revende à la criée à travers les rues, en porte à porte, dans deux seaux suspendus à une grande perche appuyée sur leur cou. Au fil des ans, le bidonville où ils habitent s’étend, se construit en dur (et anarchiquement). Chaque été, ces hommes émigrés à Istanbul rentrent chez eux, en Anatolie ; Mevlut y retourne en 1982 pour « enlever » sa femme, une jeune fille d’un village voisin aperçue dans un mariage et avec qui il échange par lettres depuis des années. Au moment de la rencontrer, il s’aperçoit que ce n’est pas celle qu’il avait vue mais sa sœur, mais ils se marient quand même. En ville, il y a de moins en moins d’acheteurs de boza, le raki ayant de plus en plus de succès auprès des urbains. Mevlut continue néanmoins son commerce ambulant… tiendra-t-il longtemps face aux transformations de la ville? Que fera-t-il après l’agression dont il est victime?

Mon avis : le livre s’ouvre par une généalogie et se ferme par une chronologie ; une carte, ou plutôt deux, auraient aussi été utiles : un plan d’Istanbul et de ses extensions au fil du temps et la position des villages dont il est question en Anatolie. Car il s’agit d’une saga écrite « à l’ancienne », avec un découpage en parties et chapitres qui comprennent titres et sous-titres, comme dans la grande tradition des romans parus en feuilleton au XIXe siècle ou celle des épopées. Le sous-titre général du livre donne d’ailleurs une idée plus précise sur son sujet :  » La vie, les aventures, les rêves du marchand de boza Mevlut Karatas et l’histoire de ses amis et tableau de la vie à Istanbul entre 1969 et 2012, vue par de nombreux personnages « . Cette épopée se lit très facilement, même si l’on ne cesse pas de changer de narrateur, mais chaque changement est clairement indiqué (merci pour mon cerveau !). Le mode de narration varie également, le récit se fait en général à la première personne, sauf lorsqu’il s’agit du personnage central, Mevlut, toujours à la troisième personne.

Quoique, Mevlut est-il vraiment le personnage central, ne s’agit-il pas plutôt d’Istanbul, la ville qui s’étend, où cohabitent les anciens habitants, plutôt aisés (ceux qui sont aux premiers rangs dans la salle de classe du lycée au début du livre), et ceux qui arrivent de la campagne et en particulier d’Anatolie, d’abord des hommes seuls et de jeunes adolescents (qui comme Mevlut se retrouvent au fond de la salle de classe, sèchent les cours pour pouvoir travailler seuls ou avec leur père), puis des familles.

Les coups d’État (celui de 1971 par exemple) ne sont pas sans rappeler la situation actuelle de la Turquie, et pourtant, il faut avoir en tête que le livre a été publié en 2014 (et juste traduit cette année), avant donc les événements les plus récents de ce pays avec les dizaines de milliers d’arrestation. L’histoire est un perpétuel recommencement. Au fil des pages, par petites touches, on voit la ville évoluer, les bidonvilles être repoussés, remplacés par des habitations en dur, mais toujours construites sans plan d’urbanisme, au gré de l’influence et des pots-de-vin. Mevlut aussi finit par changer de métier, devenant marchand de glaces. L’apparition des caisses enregistreuses (en 1994) pour lutter contre le commerce au noir est l’un de ces petits tableaux de la vie quotidienne qui rythme ce livre. A lire absolument, en cet automne maussade!

PS: dommage que pour un livre de la NRF, il reste quelques coquilles ( » Istanbul ne VAS pas se sauver  » page 64 par exemple)… mais sur un aussi gros livre, il est inévitable que les correcteurs laissent passer des fautes.

Du même auteur, voir mon avis sur  Neige et aussi la page sur les prix Nobel de littérature.

Mustang de Deniz Gamze Ergüven

Affiche de Mustang de Deniz Gamze ErgüvenDepuis ma dernière chronique cinéma, j’ai vu La loi du marché, mais je vous en parlerai une autre fois. J’ai aussi vu ce week-end Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au dernier festival de Cannes.

L’histoire : de nos jours dans un village reculé de Turquie, sur la côte, à 1000 km d’Istanbul. C’est la dernière journée de l’année scolaire, un groupe d’enfants et d’adolescent(e)s décident de rentrer à pied. Sur la plage, tout le monde finit à l’eau, les plus grands jouent, filles à cheval sur les épaules des garçons… Mais arrivées chez elles, cinq sœurs, âgées de 12 à 16 ans et orphelines, sont attendues par leur grand-mère [Nihal Koldaş]. Les aînées sont battues, contraintes à un examen gynécologique de virginité, les filles sont peu à peu enfermées dans la maison, les oncles, dont Erol [Ayberk Pekcan] sont terribles. Elles réussissent quand même à s’échapper par une fenêtre et une brèche dans la clôture pour aller voir un match de foot réservé aux femmes suite à des débordements de hooligans. Couvertes par une tante, néanmoins, au retour, les clôtures sont améliorées et la famille cherche un mari aux aînées…

Mon avis : un très beau film, qui montre aussi l’écart entre la ville (Istambul fantasmée par les jeunes filles) et la vie dans une campagne reculée, avec les conséquences du qu’en dira-t-on et des bienséances vis-à-vis du voisinage. Il aborde aussi les conséquences du mariage forcé: seule l’aînée, Sonay [İlayda Akdoğan] réussit à imposer son amoureux, la seconde, Zelma [Tuğba Sunguroğlu] se marie le même jour avec un garçon qu’elle n’a vu qu’une fois, la troisième, Ece [Elit İşcan] se suicide pour échapper à son sort… Quant aux deux plus petites, Lale [Güneş Nezihe Şensoy] et Nur [Doğa Zeynep Doğuşlu], je vous laisse voir le film… Dit comme ça, cela peut sembler une tragédie, mais il y a beaucoup de moments très drôles avec ces cinq jeunes actrices formidables dans leurs rôles! Une fois n’est pas coutume, j’ai aussi trouvé la bande originale de Warren Ellis très réussie, pas trop présente mais soulignant juste ce qu’il faut dans le film. La Turquie est pleine de contrastes aujourd’hui, elle qui vient quand même d’élire 17% de femmes aux dernières élections législatives, des femmes présentées pour la plupart par le parti kurde qui n’a pas non plus hésité à présenter un candidat homosexuel qui revendique sa sexualité, et qui vient de refuser ce qui aurait débouché sur les pleins pouvoirs au très conservateur Recep Tayyip Erdoğan. Elle est pleine de contrastes aussi dans ce film, jusqu’à ce retour d’école, les filles étaient très libres, très émancipées. La grand-mère les punit sévèrement, restreint leur liberté… mais fournit un manuel d’éducation sexuelle à la veille du mariage des deux aînées. Il montre aussi la complicité des médecins, qui ne refusent pas l’examen de virginité… ni l’examen de non-virginité le lendemain du mariage de la seconde, qui n’a pas saigné lors de sa nuit de noces. De l’espoir aussi, avec ce match de foot réservé aux femmes, ou l’artisan (d’une minorité ethnique) qui accepte de les aider discrètement. Vite, allez voir ce très beau film!!!

Winter sleep, de Nuri Bilge Ceylan

Je suis allée voir à une séance de 16h (le film dure 3h16) de Nuri Bilge Ceylan, qui a reçu la palme d’or au festival de Cannes 2014. De ce réalisateur, je vous ai parlé de Il était une fois en Anatolie et de Les trois singes.

Le film: de nos jours, en hiver, dans un petit village à moitié troglodyte au centre de l’Anatolie, en Cappadoce. Après avoir été comédien pendant 25 ans à Istanbul, Aydin [Haluk Bilginer] est retourné depuis plusieurs années dans son village natal, où il gère des biens hérités de son père et tient un petit hôtel, avec l’aide de Hidayet [Ayberk Pekcan], fréquenté par des touristes du monde entier. Avec lui vivent sa jeune épouse, Nihal [Melisa Sözen], et sa sœur Necla [Demet Akbağ], récemment divorcée. Rien ne va plus avec Nihal, ils vivent dans le même lieu, mais lui se réfugie dans son bureau, où il a pour ambition d’écrire une anthologie du théâtre turc (et en attendant rédige des articles pour une revue), et elle s’ennuie dans ses appartements, à la recherche d’une bonne cause à aider.

Mon avis: les paysages, quand on peut les apercevoir, sont superbes, avec quelques belles scènes extérieures, comme la capture d’un cheval. Cependant, l’essentiel du film se déroule en intérieur, dans le huis-clos de l’hôtel troglodytique, même si le bureau est séparé du reste de l’hôtel dont il est séparé par une cour. Une mention au début du générique de fin signale que Nuri Bilge Ceylan s’est inspiré de nouvelles de Tchékhov, les personnages tournent en rond, mariage (arrangé?), plus d’amour en tout cas, misanthropie (au moins en apparence) et arrogance du personnage principal, pouvoir de l’argent (riche propriétaire qui n’hésite pas à réclamer avec force son dû, tout en faisant des dons -pas si anonymes qu’il veut bien le dire- à des œuvres). Pas de doute, Nuri Bilge Ceylan a du talent pour tourner des scènes intérieures peu éclairées, comme dans Il était une fois en Anatolie, mais j’ai franchement préféré ce précédent film. L’action la plus « violente », ici, est la vitre de la voiture brisée par une pierre lancée par le fils d’un locataire auquel ils ont pris certains biens, dont la télévision, dont on apprendra plus tard qu’elle manque énormément à la grand-mère. Cette pierre, colère d’un petit garçon, aura une certaine importance dans l’hiver morne et monotone de ce village isolé, mais néanmoins relié à internet.

Ce film a été inclus dans le festival Télérama 2015, dans lequel j’ai vu:

Les échelles du Levant d’Amin Maalouf

pioche-en-bib.jpgCouverture de Les échelles du Levant d'Amin MaaloufUn livre trouvé à la médiathèque, au rayon « large vision ».

Le livre : Les échelles du Levant de Amin Maalouf, éditions Grasset, 1996, 298 pages, ISBN 978-2-246-49771-X (lu en large vision, éditions Littera Corps 16).

L’histoire : Paris, en 1976. Le narrateur rencontre un homme d’un certain âge qui lui raconte sa vie sur quatre jours. Ossyane est le descendant d’un dirigeant ottoman assassiné ou suicidé à Istanbul, sa grand-mère état devenue folle en découvrant le corps, recueillie par un médecin qui était chargé de la soigner après l’avoir épousée… et qui en aura un fils, le père d’Ossyane, de sa sœur aînée et de son petit frère, à la naissance duquel la mère, arménienne, est décédée. Élevé par des précepteurs dans une maison à Beyrouth, au Liban, où se succède un public varié pour des fêtes et des expositions, Ossyane part à Montpellier suivre des études de médecine. Mais voilà qu’éclate la Deuxième guerre mondiale, Ossyane entre dans la Résistance… où il rencontre brièvement Clara, une jeune juive expatrié, qui deviendra sa femme après la guerre. Les deux jeunes amoureux habiteront alternativement à Beyrouth, chez le père dOssyane, et à Haifa, où Clara a conduit son oncle, seul rescapé de sa famille, quand la guerre les sépare à nouveau…

Mon avis : un livre écrit comme un conte oriental, la vie d’une famille racontée en cinq jours à un homme, le narrateur, qui nous en fait le récit. Une histoire qui commence à Istanbul, se poursuit par la Résistance en France avant de retourner au Proche-Orient avec le début des guerres du Proche-Orient liées à la création d’Israël. Le tout sur fond d’histoires d’amour et de folie (celles de la grand-mère et celles du narrateur), de croisements de peuples (turcs, arméniens, juifs), de magouilles (du frère). Un très beau roman!

 

Je ne suis pas celle que je suis de Chahdortt Djavann

Couverture de Je ne suis pas celle que je suis de Chahdortt Djavann

J’ai acheté ce gros livre à la librairie la Belle Aventure à Poitiers… Il faut faire vivre un peu les librairies indépendantes, mises à mal surtout ces derniers mois (concurrence d’internet, hausse de la TVA, etc.), et c’est un livre que j’ai pris un peu au hasard il y a un moment, mis en avant sur une table…

Le livre : Je ne suis pas celle que je suis de Chahdortt Djavann, éditions Flammarion, 2011, 536 pages, ISBN 9782081227545 .

L’histoire : à Bandar Abbas en Iran en 1990-1991 (avec une escapade de cinq jours à Istanbul, d’une nuit à Dubaï, d’une nuit terrible à Ispahan, quelques mois à Téhéran), quelques années plus tard à Paris. Donya alterne le récit d’une année universitaire à Bandar Abbas et des séances de psychanalyses à Paris, parfois un court chapitre sur sa vie parisienne… originaire de Téhéran, après un dur concours d’entrée à l’université, Donya est étudiante à Bandar Abbas, sur le golfe persique, à 20 minutes de bateau de Dubaï, sur l’autre rive. Elle étouffe sous le contrôle des délateurs et des Mollahs, mais réussit quand même à voir en secret Armand, à avoir des relations sexuelles avec lui, au risque d’une arrestation, d’une bastonnade et d’un mariage forcé. Un jour, lors d’un mariage, une amie de la famille lui propose d’aller rencontrer (et de se marier) à son fils, exilé à Londres depuis ses douze ans… La rencontre aura lieu à Istanbul, la mère de Donya l’accompagne… Quelques jours de liberté, Donya y voit l’occasion de s’évader de l’Iran, mais elle n’est pas amoureuse… et avoue son stratagème avant le mariage à son promis… C’est la rupture, le retour en Iran, la prise de risques de plus en plus importants, la dégringolade… L’analyse, pendant ce temps, est longue et douloureuse, beaucoup de silences au début, des mois avant que la parole ne se libère…

Mon avis : les chapitres s’entremêlent, une ou plusieurs séances chez l’analyste, la vie en Iran. Un livre terrible sur la condition de la femme en Iran, la torture à douze ans pour avoir distribué des tracts, le viol collectif à vingt ans pour avoir enlevé ses chaussettes après une longue journée de marche, pour soulager des ampoules, la prostitution comme seul moyen de se payer un avortement suite à la grossesse qui résulte du viol… Et peu à peu, chez le psy, émerge la violence familiale, la folie du père, la pédophilie d’un oncle. Mais que ces crimes ne vous rebutent pas dans la lecture, il y a de longues pages plus légères, beaucoup d’humour, ou de souffrance (comme lors de ces longues séances de blocage pendant l’analyse)… Une belle découverte grâce au libraire!

PS [juillet 2012]: et sur l’Iran toujours, si vous le pouvez, n’hésitez pas à aller voir en salle les enfants de Belle Ville de Asghar Farhadi.

Logo rentrée littéraire 2011Ce livre est le dernier lu dans le cadre du défi 1 % rentrée littéraire 2011, coordonné cette année par Hérisson

logo tour du monde en lecture Ce livre entre dans le cadre du défi du tour du monde des livres, organisé par Livresque, au titre de l’Iran.

Kyra Kyralina de Panaït Istrati

Couverture du tome 1 des oeuvres complètes d'Istrati

pioche-en-bib.jpgLe château de Schönbrünn à Vienne en Autriche en 1993, 2, de plus près Pour le défi Mars, mois de l’Europe centrale organisé par Schlabaya, j’ai fait une descente à la médiathèque où j’ai emprunté une dizaine de livres…

Le livre : Kyra Kyralina de Panaït Istrati, lu dans Œuvres I, édition établie et présentée par Linda Lê, éditions Albin Michel, 2005, [1ère édition en 1923, dans la revue Europe, texte réuni en volume en 1924], pages 49-175, ISBN 978-2752901347.

L’histoire : à une époque indéterminée (après 1867), à Braïla, un port de Roumanie. Adrien part à une foire avec Stavro, un marchand forain. Ce dernier fait la connaissance de Mikhaïl, avec qui il a une relation homosexuelle. Les trois hommes racontent des histoires qu’ils ont vécues. Stavro finit par céder et raconter son enfance, peu après la guerre de Crimée (qui eut lieu de 1853 à 1856). Il vivait avec sa mère et sa sœur, Kyra. Son père ne faisait des apparitions que pour battre sa mère, qui de son côté faisait la fête avec des hommes en son absence. Un jour, le père cogne plus fort que d’habitude, laisse la mère pour morte enfermée dans la cave, emmène de force son fils. Celui-ci arrive à s’échapper, à retrouver sa mère. Celle-ci, avec l’aide de ses frères, réussit à s’échapper, mais les frères ratent le père sur qui ils ont tiré. Les deux enfants, hébergés dans un hôtel, devaient être à l’abri… mais pas goût de la liberté, ils rencontrent un homme et finissent enlevés par lui, emmenés en Turquie sans doute. Stavro est séparé de sa sœur, il vit dans une sorte de prison dorée sans jamais l’oublier ou renoncer à la retrouver…

Mon avis : le roumain Panaït Istrati (1884-1935) a écrit ce texte directement en français. C’est la première des quatre œuvres formant le cycle des Récits d’Adrien Zograffi et des membres de sa famille, génération d’Haïdoucs. Le roman se présente un peu comme un conte oriental, raconté entre amis au coin du feu (enfin, d’une grange). Je ne me suis pas ennuyée, il y a du rythme, mais pas vraiment séduite non plus…

Pour aller plus loin : les archives ont été déposées en 1997 par l’Association des amis de Panaït Istrati à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC).

Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan

Affiche de Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan

Ce film, Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan, a reçu le Grand Prix du jury festival de Cannes 2011, je l’ai vu la semaine dernière dans le cadre du festival télérama. J’avais déjà vu, de ce réalisateur, Les trois singes [et depuis, j’ai aussi vu Winter sleep].

L’histoire : de nos jours en Turquie, en Anatolie, deux voitures et un fourgon de gendarmerie errent de fontaine en fontaine, de colline en colline, à la recherche du corps enterré par l’accusé, qui, saoul au moment des faits, ne se souvient plus exactement de l’endroit. Une nuit, du soir au matin, à errer, trouveront-ils le cadavre?

Mon avis : ce film entre probablement dans la catégorie des Road movies… Quoique, route, oui, sinueuse à souhait, pas goudronnée, au milieu des collines steppiques d’Anatolie… Mouvement, pas trop, des sauts de puce de quelques kilomètres tout au long de la nuit. Plus de 2h30 de plans de nuit (et quelques-uns à l’hôpital de la ville voisine), il faut s’accrocher, surtout pour les scènes finales… tout en suggestion par le son. Des portraits d’hommes plongés dans la nuit, le commissaire, qui a tendance à cogner l’accusé, arrêté par le procureur (il faut penser aux normes de l’union européennes), le médecin légiste (Muhammed Uzuner), le fils malade (mais de quoi?) du commissaire (Yılmaz Erdoğan), le meurtrier (Fırat Tanış), le maire du village (et sa ferme en architecture de terre), les gendarmes, un huis clos, même si l’essentiel se passe au grand air… Chacun a ses problèmes, passés et actuels. Un film pas facile, d’une esthétique très particulière…

Ce film était sélectionné pour le festival télérama 2012. Voici les dix films que j’ai vus dans cette sélection de quinze films:

Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants de Mathias Enard

Couverture de Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants de Mathias Enard Ce livre m’a été offert par une amie il y a déjà un moment, il a reçu de prix Goncourt des lycéens en 2010 et vient de recevoir le prix du livre Poitou-Charentes (j’en ai lu un certain nombre, voir le récapitulatif ici).

Le livre : Ce qu’on peut lire dans l’air de Mathias Enard, éditions Actes Sud, 2010, 154 pages, ISBN 978-2742793624.

L’histoire : mai 1506, à Rome, Venise puis Constantinople (Istambul). Fâché de ne pas avoir été reçu (et payé) par le pape Jules II dont il prépare depuis plusieurs années le tombeau, Michelangelo Buonarotti (le futur grand Michel Ange) accepte l’offre du Sultan de travailler pour lui. Il quitte subrepticement Venise, inquiet de la réaction du pape quand il apprendra son départ, et arrive à Constantinople, où il est chargé, après le rejet d’un premier projet dessiné par Léonard de Vinci, de dessiner un pont sur la Corne d’Or. Tâche difficile, il est plus sculpteur qu’architecte, même si toute une équipe est mise à sa disposition… et il doit aussi résister aux tentations de la vie mondaine, des séductions, etc. Mènera-t-il à bien son projet?

Mon avis : un récit court et enlevé, qui se lit d’une traite! Où l’on découvre un homme fier voire imbu de lui-même, capable de colères mémorables, méprisant pour Léonard de Vinci… Un récit, une fiction basée sur quelques éléments certains. Et le pont? Les travaux ont bien commencé, mais ont été réduit à néant peu après par un de ces tremblements de terre qui sévissent régulièrement dans ce secteur…

Les fabuleuses aventures de Nasr Eddin Hodja de Pénélope Paicheler

Couverture des Fabuleuses aventures de Nasr Eddin Hodja de Paicheler pioche-en-bib.jpgLogo BD for WomenJ’ai trouvé cette bande dessinée en fouillant les bacs de la médiathèque à la recherche de BD de femmes…

Le livre : Les fabuleuses aventures de Nasr Eddin Hodja de Pénélope Paicheler (scénario, dessin et couleurs), collection ChromoZone, éditions de l’An 2, 2006, 62 pages, 978-2848560588.

L’histoire : en Turquie au 13e siècle. Nasr Eddin Hodja est une sorte de sage, illettré, un peu juge musulman (mais il a des soucis avec le Coran) et médiateur des conflits de ses contemporains, à la tête desquels le souverain Timour. Il se retrouve confronté à sa femme, à ses voisins, à des enfants qui se moquent de lui, à son âne récalcitrant, etc.

Mon avis : je n’ai pas trop accroché à ce récit, un énorme cran en-dessous d’Iznogoud, par exemple, pour évoquer un album qui raconte des histoires de l’ancien Proche-Orient. Des histoires courtes, une planche ou parfois deux, mais l’album n’a pas trouvé l’équilibre entre la dérision ou les blagues et l’aspect un peu historique? Il faudra que je lise les textes originaux (traduits!) des aventures de Nasr Eddin Hodja.

Logo top BD des blogueurs 2011 Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

Les trois singes de Nuri Bilge Ceylan

La salle devait contenir moins d’une quinzaine de personnes, pour une séance à 18h (certes, la tempête était annoncée pour plus tard dans la soirée). Dommage pour ce film, Les trois singes (Uç Maymum), de Nuri Bilge Ceylan, prix de la mise en scène au festival de Cannes en 2008. Les acteurs principaux : Yavuz Bingol, Hatice Aslan, Ahmet Rifat Sungar, Ercan Kesal.

L’histoire : une route déserte – ou presque, la nuit. Le candidat aux prochaines élections à la chambre des députés s’endort au volant et heurte un piéton. Délit de fuite (et aussi d’une voiture qui fuyait, qui décide de prévenir la police, mais sans porter assistance à la victime). Il demande à son chauffeur de s’accuser à sa place, lui promet un bon avocat (il fera moins d’un an de prison, la vie humaine n’a donc aucune valeur en Turquie ?), le salaire poursuivi pendant la détention, et une forte somme à la sortie. Il est quand même battu aux élections. Quand la femme du chauffeur (l’actrice Hatice Aslan) va le voir pour obtenir une avance afin de payer une voiture au fils, il lui fait des avances…

Mon avis : la musique et la photographie, avec de nombreux clairs-obscurs (à l’extérieur et dans l’appartement), sont magnifiques, surtout les nombreuses scènes d’orage. Vraiment, si vous avez l’occasion, allez voir ce film. Mais est-ce si facile de se payer un remplaçant en prison en Turquie, comme autrefois en France un remplaçant à la conscription (système de remplacement mis en place sous le Consulat et l’Empire et jusqu’à la défaite de 1870) ?

PS : Depuis, j’ai aussi vu de ce réalisateur Il était une fois en Anatolie et Winter sleep.