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Mustang de Deniz Gamze Ergüven

Affiche de Mustang de Deniz Gamze ErgüvenDepuis ma dernière chronique cinéma, j’ai vu La loi du marché, mais je vous en parlerai une autre fois. J’ai aussi vu ce week-end Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au dernier festival de Cannes.

L’histoire : de nos jours dans un village reculé de Turquie, sur la côte, à 1000 km d’Istanbul. C’est la dernière journée de l’année scolaire, un groupe d’enfants et d’adolescent(e)s décident de rentrer à pied. Sur la plage, tout le monde finit à l’eau, les plus grands jouent, filles à cheval sur les épaules des garçons… Mais arrivées chez elles, cinq sœurs, âgées de 12 à 16 ans et orphelines, sont attendues par leur grand-mère [Nihal Koldaş]. Les aînées sont battues, contraintes à un examen gynécologique de virginité, les filles sont peu à peu enfermées dans la maison, les oncles, dont Erol [Ayberk Pekcan] sont terribles. Elles réussissent quand même à s’échapper par une fenêtre et une brèche dans la clôture pour aller voir un match de foot réservé aux femmes suite à des débordements de hooligans. Couvertes par une tante, néanmoins, au retour, les clôtures sont améliorées et la famille cherche un mari aux aînées…

Mon avis : un très beau film, qui montre aussi l’écart entre la ville (Istambul fantasmée par les jeunes filles) et la vie dans une campagne reculée, avec les conséquences du qu’en dira-t-on et des bienséances vis-à-vis du voisinage. Il aborde aussi les conséquences du mariage forcé: seule l’aînée, Sonay [İlayda Akdoğan] réussit à imposer son amoureux, la seconde, Zelma [Tuğba Sunguroğlu] se marie le même jour avec un garçon qu’elle n’a vu qu’une fois, la troisième, Ece [Elit İşcan] se suicide pour échapper à son sort… Quant aux deux plus petites, Lale [Güneş Nezihe Şensoy] et Nur [Doğa Zeynep Doğuşlu], je vous laisse voir le film… Dit comme ça, cela peut sembler une tragédie, mais il y a beaucoup de moments très drôles avec ces cinq jeunes actrices formidables dans leurs rôles! Une fois n’est pas coutume, j’ai aussi trouvé la bande originale de Warren Ellis très réussie, pas trop présente mais soulignant juste ce qu’il faut dans le film. La Turquie est pleine de contrastes aujourd’hui, elle qui vient quand même d’élire 17% de femmes aux dernières élections législatives, des femmes présentées pour la plupart par le parti kurde qui n’a pas non plus hésité à présenter un candidat homosexuel qui revendique sa sexualité, et qui vient de refuser ce qui aurait débouché sur les pleins pouvoirs au très conservateur Recep Tayyip Erdoğan. Elle est pleine de contrastes aussi dans ce film, jusqu’à ce retour d’école, les filles étaient très libres, très émancipées. La grand-mère les punit sévèrement, restreint leur liberté… mais fournit un manuel d’éducation sexuelle à la veille du mariage des deux aînées. Il montre aussi la complicité des médecins, qui ne refusent pas l’examen de virginité… ni l’examen de non-virginité le lendemain du mariage de la seconde, qui n’a pas saigné lors de sa nuit de noces. De l’espoir aussi, avec ce match de foot réservé aux femmes, ou l’artisan (d’une minorité ethnique) qui accepte de les aider discrètement. Vite, allez voir ce très beau film!!!

Sami, Goliath, Oscar, Ousmane et les autres, de Claire Clément

Couverture de Sami, Goliath, Oscar, Ousmane et les autres, de Claire Clémentlivres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.comJ’ai reçu ce livre des éditions Bayard Jeunesse, dans le cadre d’une masse critique spéciale jeunesse organisée par Babelio. Un grand merci à eux.

Le livre : Sami, Goliath, Oscar, Ousmane et les autres de Claire Clément, collection Estampille, éditions Bayard Jeunesse, 2013, 258 pages, ISBN 9782747045032.

L’histoire : de nos jours dans la cité Joliot Curie, dans une banlieue de Paris. Sami vit avec sa grande sœur, Jeanne, et sa mère, qui déprime depuis le départ de son père avec une autre femme dans le sud de la France… Le refuge de Sami, c’est Goliath, le lapin nain que lui a offert son père avant son départ. Mais un jour, alors, qu’il l’a sorti pour prendre l’air à côté d’un arbre, il part en urgence à l’hôpital avec Oscar, son copain victime d’une crise d’appendicite, et oublie son lapin. A son retour, il a disparu… Triste, il est soutenu par Ousmane, un vieux sénégalais un peu triste aussi. Mais voilà que les policiers viennent arrêter Oscar en pleine classe: sa mère, Ayana, n’a pas de papiers… La solidarité du quartier réussira-t-elle à empêcher leur expulsion? Le lapin fera-t-il sa réapparition?

Mon avis : l’éditeur recommande ce livre à partir de dix ans, je pense qu’il peut se lire un peu plus tôt, en CM1/CM2, l’âge des principaux protagonistes, d’autant plus que la mise en page est adaptée à cet âge, avec des interlignes doubles et un espacement sffisant entre les lettres, ce qui facilite la lecture chez les jeunes lecteurs… L’histoire aborde des sujets qui ne peuvent que passionner de jeunes lecteurs: la camaraderie, la séparation de certains parents, l’émigration et toutes ses composantes: l’école qui devrait être un lieu de paix interdit à la police, la solidarité du quartier, des plus jeunes (y compris le rappeur et le jeune caïd) aux plus âgés (le vieil Ousmane), le mariage forcé, la question des papiers (le lapin en a, mais pas Oscar?). Les « sujets qui fâchent » sont à peine abordés: le frère de Sothy a fait des bêtises (la faute au chômage?), les caïds qui cherchent à faire la loi, etc. Bien que ce soir un livre pour la jeunesse, l’auteure n’hésite pas à proposer des phrases bien construites et enrichies d’adjectifs, d’appositions, de propositions relatives, ce que l’on ne retrouve pas toujours dans les livres jeunesse… En même temps, je n’ai pas beaucoup d’expérience de cette littérature, j’ai lu très tôt (en sixième ou cinquième?) tout Jules Verne dans la voiture entre la maison et le collège, bientôt suivi de Balzac (les Chouans en 5e), Zola, Proust…

En savoir plus : voir le site officiel de Claire Clément. Voir aussi le blog des éditions Bayard, avec les raps proposés dans le livre mis en clips…