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Des graffitis médiévaux à Saint-Hilaire de Poitiers

Poitiers, le tombeau de Constantin de Melle, emplacement des grafittis médiévaux J’ai longtemps hésité à vous monter ces graffitis, mais la multiplication de graffitis actuels qui les menacent m’incitent à vous les montrer avant qu’ils ne soient détruits… en espérant que la ville de Poitiers prendra conscience de l’importance de ceux-ci et leur offre une protection, ils sont actuellement dans le jardin qui sépare l’église Saint-Hilaire le Grand (revoir son chevet) du Clos Saint-Hilaire, dont je vous ai parlé la semaine dernière. Nous sommes donc sur l’enfeu de Constantin de Melle, sur les deux zones encadrées.

Poitiers, le tombeau de Constantin de Melle, deux début d'alphabet et un jeu de mérelle Sur la colonnette gauche est gravé le début d’un alphabet en minuscule, un tracé qui ressemble à un jeu de mérelle (ou jeu du moulin) et le début d’un alphabet en majuscule. Il pourrait être contemporain du tombeau, à la fin du 11e siècle.

Poitiers, le tombeau de Constantin de Melle, le début de l'alphabet minuscule Le tracé de l’alphabet renvoie (voir références en fin d’article) au rituel de consécration de l’église, dans lequel l’évêque trace au sol avec de la cendre un alphabet latin et un alphabet grec. Des alphabets gravés ont aussi été trouvés dans un certains nombres d’églises romanes. L’alphabet en minuscule est tracé ici de a à m, sans le J (à l’époque, I et J se confondent). Pas de k non plus. Voici le détail de a à g…

Poitiers, le tombeau de Constantin de Melle, alphabet minuscule et le jeu de mérelle … et en tournant autour de la colonnette, de e à m. En-dessous, on voit un jeu de mérelle ou de marelle ou jeu du moulin (voir la règle du jeu par exemple ici) est un jeu qui devient familier au 14e siècle. Son tracé rappelle celui du labyrinthe (voir les interprétations de ce dernier dans l’article sur le labyrinthe de la cathédrale de Poitiers).

Poitiers, le tombeau de Constantin de Melle, le début de l'alphabet en majuscule

En dessous se trouve le début d’un alphabet en majuscule, A, B, C et D avec la courbe du D à l’envers. Il s’agit bien d’un alphabet latin, et non de l’alphabet grec. La forme du A incite à dire que cet alphabet majuscule est de la même main que les minuscules au-dessus.

Poitiers, le tombeau de Constantin de Melle, trois croix (flèches bleues) et un jeu de mérelle Un autre jeu de mérelle (flèche rouge) est tracé sur le mur du fond de l’enfeu. Il est accompagné de plusieurs croix (flèches bleues) et est sans doute lié au passage de pèlerins.Son tracé est plus hésitant que le précédent. Au passage, rappelons que mérelle est aussi le nom de la coquille du pèlerin.

Pour aller plus loin :

– Cécile Treffort : Opus litterarum, l’inscription alphabétique et le rite de la consécration de l’église (IXe-XIIe siècle), Cahiers de civilisation médiévale, n° 53, 2010, p. 153-180.

– plus facile à trouver, mais juste quelques lignes sur le sujet, p. 222 : Cécile Treffort, l’amour des lettres: culture écrite et jeux graphiques en Poitou et dans les pays charentais à l’époque romane, dans le catalogue de l’exposition L’âge roman, arts et culture en Poitou et pays charentais (Xe-XIIe siècles), musée de Poitiers, 2011, éditions Gourcuff-Gradenigo.

Le monument aux morts d’Angers

Angers, monument aux morts, 1, devant le palais de justice

Le monument aux morts d’Angers se trouve depuis 1988 devant le palais de justice.

Carte postale ancienne, le monument aux morts d'Angers à son ancien emplacement Il avait été inauguré le 29 octobre 1922 à l’entrée du jardin du Mail voisin.

Angers, monument aux morts, 2, vue de la sculpture Il se compose d’un groupe sculpté comprenant, du bas vers le haut, un soldat mourant, sa femme qui l’enlace et une Victoire qui domine, installé sur un haut piédestal qui porte l’inscription  » A LA GLOIRE / DES ENFANTS D’ANGERS ET DE D’ANJOU / COMBATTANTS DE LA GRANDE GUERRE 1918 « .

Angers, monument aux morts, 3, le groupe sculpté de plus près Voici de plus près l’ensemble du groupe sculpté. Les plâtres préparatoires de la tête du Poilu mourant, le buste de la Victoire et l’Angevine ont été déposés par le musée de Tours au musée Jules-Desbois à Parçay-les-Pins (également dans le département du Maine-et-Loire, mais très à l’est d’Angers, en limite de l’Indre-et-Loire).

Angers, monument aux morts, 4, signature du sculpteur Desbois Il porte la double signature de  » Desbois / et / Grégoire », Jules Desbois (Parçay-les-Pins, 1851 – Paris, 1935) ayant été assisté du sculpteur H. Grégoire.

Angers, monument aux morts, 5, marque du sculpteur Rudier Le fondeur est Alexis Rudier, de Paris, dont on peut voir aussi la marque « Alexis RUDIER / Fondeur. Paris »..

Angers, monument aux morts, 6, vue de côté Quand on tourne, on voit le mouvement aérien de la Victoire, qui semble flotter dans l’air au-dessus de la femme penchée sur son mari, le Poilu mourant.

Angers, monument aux morts, 7, vue de dos De dos, désolée, à contre-jour, on voit le mouvement « enroulant » de la Victoire.

Angers, monument aux morts, 8, visages des trois personnages Le mouvement de la superposition des trois personnages est très fort…

Angers, monument aux morts, 9, détail du visage de la femme Voici un détail de la tête de la femme du soldat, qui porte une coiffe angevine.

Des demoiselles d’Auzay au clos Saint-Hilaire à Poitiers

Poitiers, le clos Saint-Hilaire, 1, aujourd'hui Suite au décapage intempestif du monument aux morts de 1870, Didier Rykner, directeur de la Tribune de l’art (qui avait publié un papier le 23 février 2012, Des « restaurations » décapantes à Poitiers, suivi le même jour Droit de réponse [de la ville de Poitiers] sur l’article Des « restaurations » décapantes à Poitiers et d’une Réponse au droit de réponse de la Mairie de Poitiers), est venu passer une journée à Poitiers, qu’il a pu visiter de long en large. Il a tiré de cette visite une première impression générale dans cet article, et annonce toute une série d’articles détaillés à venir. Il commence par la question du Clos Saint-Hilaire, un immeuble très moche et mal construit qui a fait beaucoup parler de lui tout au long du chantier, avec une très mauvaise prise en compte du patrimoine historique et archéologique. Je ne vous en avais pas encore parlé ici, car je pensais que c’était une affaire classée, même si je sais par des voisins qu’il reste des lots à vendre et que les travaux ne sont toujours pas réceptionnés suite à de multiples malfaçons.

La visite de Didier Rykner relance la question… puisqu’il a pu constater que les prescriptions du permis de construire n’ont pas été respectées. Ainsi, des piliers provisoires en béton, qui n’étaient pas dans le permis de construire et pour lesquels le préfet avait certifié qu’ils seraient enlevés à la fin du chantier, sont toujours en place. Une grosse poutre du 13e siècle, qui devait être préservée dans l’ancien réfectoire, finement sculptée sur ses bords, a été sciée (voir les photographies dans son article Saint-Hilaire dénaturé). Il n’y a donc eu aucun contrôle de l’administration préfectorale ou des monuments historiques à l’issue du chantier? (Didier Rykner souligne que ces deux administrations ont refusé de lui répondre, se cachant derrière le devoir de réserve en période électorale…).

Poitiers, institution des Mlles d'Auzay à Saint-Hilaire, 1, angle de la cour contre l'église Je vous rappelle juste que nous sommes au sud de l’église collégiale Saint-Hilaire, où se trouvait le cloître et auparavant à l’époque romaine le cimetière où avait était enterré Saint-Hilaire. L’église est classée monument historique sur la première liste établie sous l’égide de Prosper Mérimée en 1840, revoir sur ce blog par exemple son beau chevet roman, la mort d’Hilaire sur un chapiteau, la charité de Saint-Martin peinte à l’époque romane. Un étroit jardin public borde de ce coté l’église, où se trouve l’enfeu de Constantin de Melle avec ses graffitis médiévaux (dont un alphabet). Ce tombeau et la statue de la Vierge qui est toujours dans l’angle du square étaient au début du 20e siècle dans la cour de l’école privée dite institution des demoiselles d’Auzay, comme on peut le voir sur cette carte postale ancienne.

Poitiers, le clos Saint-Hilaire, 5, l'enfeu de Constantin de Melle et la statue aujourd'hui Et la vue aujourd’hui, à part le mur de clôture qui a été percé pour laisser passer l’escalier qui rejoint le chevet, ça n’a pas beaucoup changé.

Poitiers, institution des Mlles d'Auzay à Saint-Hilaire, 2, cour dans le cloître Dans le cloître et les anciens bâtiments monastiques se trouvait la cour principale de l’institution puis de l’école qui lui a succédé et avait quelque peu modifié le bâtiment (adjonction de préfabriqués, le grand toit que l’on voit à l’arrière du préau avait été remplacé par un toit en terrasse). Le mieux aurait été, au moment de la vente (la congrégation religieuse avait de l’argent) que la ville préempte ce terrain (adossé à un monument historique, voir plus haut, l’église est également inscrite depuis 1998 sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, parmi 77 édifices au titre des  » chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France « ). Mais elle n’en a rien fait et accepté un premier permis de construire qui aurait enterré un parking dans l’ancien cloître. Les sondages archéologiques ayant confirmé la présence du cimetière et le coût des fouilles préventives étant dissuasif (plus que les protestations des historiens locaux), un deuxième permis de construire a été déposé, le parking a été aménagé en surface, les couches archéologiques étant protégées par un géotextile et une couche de sable (cela gèle les fouilles mais protège assez efficacement les sédiments pour des fouilles dans un lointain futur).

Poitiers, institution des Mlles d'Auzay à Saint-Hilaire, 3, cour haute Pour compléter la documentation sur cette institution, elle occupait aussi le bâtiment plus à l’est, la cour que l’on voit au premier plan ici sert en semaine de stationnement à des logements situés plus au sud. Sur l’image du bas, on voit à l’arrière le grand bâtiment qui contient l’ancien réfectoire et cellier monastique.

Poitiers, le clos Saint-Hilaire, 4, l'ancienne cour haute de l'institution Voici cette même cour haute prise en photographie un dimanche, donc sans voiture.

Poitiers, institution des Mlles d'Auzay à Saint-Hilaire, 4, quatre vues intérieures

Quelques vues intérieures, une salle d’étude, un dortoir, le parloir et la chapelle, il y a cent ans (et donc sans doute plus ainsi au moment du projet des années 2000).

Poitiers, le clos Saint-Hilaire, le bâtiment en cours de construction J’ai retrouvé des photographies pendant le chantier. Le bâtiment au sud conserve en élévation le cellier-réfectoire, à l’intérieur duquel se trouvent notamment les poutres datées du 13e siècle. Ce rez-de-chaussée n’a pas été aménagé pour l’immeuble d’habitation, mais celui-ci est construit tout contre et au-dessus (la flèche rouge sur la première photographie). Au passage, vous avez une vision de la très basse qualité de la construction, les appartements sont vendus comme des appartements de standing! En parpaings agglomérés!

Poitiers, le clos Saint-Hilaire, 7, dépotoir entre le garage et la clôture Et plusieurs années après la fin du chantier, il y a toujours des matériaux qui traînent, comme ces tuyaux entre le garage et la clôture du domaine public de Saint-Hilaire, une honte le long d’un monument historique!

Poitiers, le clos Saint-Hilaire, le mur de clôture protégé monument historique Du côté ouest, le mur en bordure de rue est le mur de clôture d’origine du cloître de la collégiale. Il est protégé au titre des monuments historiques (l’arrêté de protection, daté du 5 juin 1941, précise que sont protégés les vestiges du mur d’enceinte situés en bordure de la rue Saint-Hilaire) et ne devait pas être modifié (la flèche bleue du premier montage photographique, et ci-contre pendant le chantier).

Poitiers, le clos Saint-Hilaire, la porte de garage Il a été allègrement repris, parce qu’il faut bien faire entrer les voitures, et le bardage en bois a été réalisé n’importe comment, le bois qui ne devait pas être sec lors de la mise en œuvre a vrillé… Voir aussi la photographie n° 6 de Didier Rykner dans Saint-Hilaire dénaturé.

Une bien triste histoire… Rappelons juste que la ville de Poitiers souhaite toujours déposer un dossier de protection de la ville sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, quand on voit ce qu’elle a autorisé (et laissé faire contre les prescriptions pourtant minimales du permis de construire) sur le seul bien (ou plutôt partie de bien culturel) de l’Unesco qu’elle possède, ça laisse rêveur…

Le monument aux soldats sans uniforme et la résistance à Niort

Niort, les monuments à la résistance, 1, le monument aux soldats sans uniforme

Au bout de la place de la Brèche à Niort, près de la rue d’Alsace-Lorraine, en bas des escaliers menant à la rue des remparts, dans un espace appelé place des Martyrs-de-la-Résistance, se trouve le monument aux soldats sans uniforme. Il se compose d’une grande stèle d’où sort une main droite tenant un tronçon d’épée et une flamme…

Niort, les monuments à la résistance, 3, la flamme du monument aux soldats sans uniforme …illustration de ce texte du général de Gaulle inscrit juste au-dessus : « La Résistance s’est accrochée / sur la pente à deux pôles / qui ne cédèrent point : / l’un était le tronçon d’épée / l’autre, la pensée française / 31 octobre 1943 ».

Niort, les monuments à la résistance, 4, détails du monument aux soldats sans uniforme De l’autre côté se trouve l’inscription « à ses soldats sans uniforme / 1940 Niort 1945 ». Sur le socle sont gravés les noms des réseaux et mouvements de la résistance. Sur ces photographies de détail on voit bien la main, l’épée cassée et la flamme.

Niort, les monuments à la résistance, 2, signature sur le monument aux soldats sans uniforme Il est signé « J. DULAU prix de Rome & KLOTZ / SCULPTEURS », pour Jacques Victor Dulau (Dax, 1918-1973, second prix de Rome en 1948) et Klotz. Sa première pierre a été posée le 11 novembre 1949.

Niort, les monuments à la résistance, 5, d'autres lieux de mémoire de la résistance Voici quatre autres lieux de mémoire lié à la résistance. Juste en face du monument, sur le rebord du muret, une inscription (en haut à gauche). Tout près, dans la rue d’Alsace-Lorraine, la maison qui a abrité la Gestapo, avec une plaque commémorative (A la mémoire des patriotes / victimes de la Gestapo / qui sévit dans cet immeuble / durant l’occupation », en bas à droite). Juste un peu plus loin, sur la façade de l’ancien grand café (aujourd’hui une banque), une plaque rappelle que de jeunes niortais, dont Maurice Schumann, y ont entendu l’appel du 18 juin, dont le texte est inclus en lettres de bronze (en bas à gauche). Encore plus loin (en haut à droite), près des anciennes casernes Chanzy qui accueillent depuis 2007 le conseil général des Deux-Sèvres, cet autre monument composé de plaques apposées derrnière une fontaine.

Niort, les monuments à la résistance, 6, le monument de la gare Enfin, à la gare, non pas une plaque comme dans de nombreuses gares mais un véritable mémorial en tête du quai A.

Pour aller plus loin :

La Résistance en Deux-Sèvres de Michel Chaumet et Jean-Marie Pouplain, Geste éditions, 1993 (rééd. 2010).
Les enfants cachés de la Résistance de Jean-Marie Pouplain, Geste éditions, 1998.

Émile Guimet et l’Égypte antique à Lyon

Façade du musée Guimet de Lyon Jusqu’au 2 juillet 2012, le Musée des Beaux-Arts de Lyon organise une grande exposition intitulée Un jour, j’achetai une momie… Émile Guimet et l’Égypte antique. Pour l’occasion, j’ai choisi d’illustrer l’article par l’angle de l’ancien musée Guimet de Lyon, près du parc de la Tête d’Or, qui a aussi longtemps hébergé le muséum d’histoire naturelle, j’étais allée y étudier une collection il y a une quinzaine d’années… Ce musée est fermé, en attendant l’ouverture du gigantesque (et fort coûteux) musée des Confluences, qui va renfermer entre autres ses collections.

L’exposition dont je vous parle se tient au musée des beaux-arts. A moins de trente ans, en 1865, Émile Guimet (1836–1918), riche industriel lyonnais (il fabrique les fameux cubes bleus pour la lessive) se rend en Égypte.

Il est plus connu pour ses voyages en Asie (qui sont à l’origine de la collection du musée Guimet de Paris, dont l’architecture est proche de celle du musée de Lyon, les deux musées ayant été financés par le donateur), mais il a aussi beaucoup collectionné d’objets en provenance d’Égypte, et y a financé des fouilles.

Il donne une partie de sa collection donc au musée des religions orientales qu’il crée dès 1879 dans sa ville natale de Lyon. Fâché du peu de cas fait à ses collections à Lyon (en particulier parce que les spécialistes de l’Égypte sont alors dans la capitale et ne viennent pas à Lyon), il les déménage à Paris en 1889 (avec les employés!), avant de recréer le musée de Lyon dans les locaux d’origine en 1913. L’exposition a choisi de montrer cette évolution, et beaucoup d’objets sont mis en relation avec leur présentation initiale, avec des vitrines devant de grands tirages des salles égyptiennes de l’ancien musée Guimet de Lyon.

Les textes présentés dans les salles sont repris dans un document remis à l’entrée à chaque visiteur. Les audioguides sont inclus dans le prix d’entrée… et j’ai beaucoup aimé l’idée de l’audioguide en version spéciale pour les enfants (je ne les ai pas testés).

Pour en savoir plus, voir le dossier de presse de l’exposition, et n’hésitez pas à acheter le catalogue.

Bienvenue en arabeCet article entre dans le cadre du défi sur le monde arabe organisé jusque fin juin 2012 par Schlabaya.

Des moines sur un portail de la cathédrale de Poitiers

Cathédrale de Poitiers, façade ouest, portail nord, voussure, rouleau externe

Cela fait un moment que je ne vous ai pas parlé de la cathédrale de Poitiers… Je vous emmène aujourd’hui devant la façade occidentale, sur le portail nord ou portail de la Vierge. Si la plupart des visiteurs regardent la partie centrale (suivre le lien précédent), peu s’attardent sur les cinq rouleaux richement sculptés qui forment la voussure (tout autour du tympan sculpté). Je vous montre aujourd’hui la partie droite des deux rouleaux les plus extérieurs. Commençons par l’extérieur et en bas à droite… ces deux rouleaux portent une grande variété de moines, tous assis, presque tous lisant la Bible, et portant les vêtements de leur ordre, avec soit une capuche, soit des cheveux tonsurés. Approchons-nous…

Cathédrale de Poitiers, façade ouest, portail nord, rouleau externe à droite, moines 1 et 2

Les deux les plus à droite, en bas, tiennent leur Bible fermée sur les genoux…

Cathédrale de Poitiers, façade ouest, portail nord, rouleau externe à droite, moines 3 à 5

Même si l’un de ces moines a été mutilé et a perd sa tête, on voit sur ces trois moines des vêtements différents, un rapport à la Bible aussi différent, l’un semble lire activement (livre ouvert et main gauche marquant des pages), l’autre a fermé son Livre, le dernier ne semble pas en avoir (quoique, ses mains sont mutilées et il a pu disparaître).

Cathédrale de Poitiers, façade ouest, portail nord, rouleau externe à droite, moines 6 à 8

Les trois derniers, situés à la droite du Christ de la clef de voûte, ont chacun des attitudes très différentes…

Cathédrale de Poitiers, façade ouest, portail nord, voussure, quatrième rouleau Passons maintenant sur le quatrième rouleau en partant de l’intérieur, ou l’avant-dernier en partant de l’extérieur, toujours dans la partie droite.

Cathédrale de Poitiers, façade ouest, portail nord, quatrième rouleau, moines 1 et 2

Tout en bas à droite (à gauche de l’assemblage), le moine a refermé sa Bible et caresse tendrement son chien qui a mis ses pattes avant sur ses jambes. Le moine suivant a posé la Bible sur un lutrin… qui lui sert aussi à reposer son bras droit qui soutient sa tête… Concentration maximale sur la lecture qu’il suit de la main gauche? Rien de moins sûr, le regard semble perdu vers l’horizon…

Cathédrale de Poitiers, façade ouest, portail nord, quatrième rouleau, moines 3 et 4

Si le troisième a perdu la tête, le suivant a l’air de trouver la lecture passionnante… et s’est carrément endormi (ou bien il médite en se concentrant fortement?) sur la lecture de la Bible. Ouf, le Livre n’est quand même pas tombé de ses genoux et il suit du doigt l’avancée de sa lecture…

Cathédrale de Poitiers, façade ouest, portail nord, quatrième rouleau, moines 5 à 7 Et voici les trois derniers pour aujourd’hui…

Robert Combas au musée d’art contemporain de Lyon

Façade du musée d'art contemporain de Lyon pour l'exposition Combas Jusqu’au 15 juillet 2012, le musée d’art contemporain de Lyon organise une grande rétrospective sur Robert Combas… Vous ne connaissez pas cet artiste? Le plus simple est de découvrir son univers sur son site personnel ou par les pages du musée (voir notamment les vidéos, c’est ici, ou le dossier de presse). Mais je suis sûre que la plupart d’entre vous avez déjà vu au moins l’une de ses œuvres cerclées de noir… même si vous ne savez pas qui en est l’auteur.

La rétrospective a été montée en lien étroit avec l’artiste, qui a prêté beaucoup d’œuvres (en plus de celles venant de musées et de collectionneurs), qui a activement participé au montage (il a souhaité que certains murs restent en l’état après la précédente exposition). Il a aussi ajouté ici ou là des textes autour de ses œuvres, écrits directement sur les murs, le dernier étage est consacré à sa relation à la musique, avec une scène (il donne des concerts pendant l’exposition), une salle où les tableaux en lien avec la musique sont entourés de vinyls de sa collection personnelle, et dans chaque salle ou presque passent des titres qu’il a lui-même choisis, et d’ailleurs, le sous-titre de l’exposition est Greatest Hits. Robert Combas est également très présent pendant l’exposition, outre les concerts, son atelier parisien a été reconstitué au deuxième niveau de l’exposition, il vient y peindre quand il le souhaite, visible depuis l’exposition à travers une vitre sans tain (assez surprenant, d’ailleurs, ce dispositif…).

Côté exposition, les trois grands plateaux du musée sont occupés, mais aussi tous les espaces disponibles (dessus d’ascenseur, cage d’escalier, cafétéria, etc.). Le parcours est thématique et plus ou moins chronologique. Si vous ne connaissez pas l’artiste, je vous conseille de faire d’abord une pause à l’auditorium pour voir le reportage qu’Arte lui a consacré. J’ai vraiment fait des découvertes, comme le travail du vitrail ou les photographies imprimées et retravaillées, les miroirs ou les meubles (il a aussi « relooké » les vitrines à plat qui se trouvent dans l’exposition). De même, je ne connaissais L’autiste dans la forêt de fleur (1991), une mise en scène de son frère autiste, que par des reproductions, en vrai, il est beaucoup plus grand que je ne l’imaginais… et d’une très grande force.

Et d’ailleurs, après la visite de l’exposition, une transition avant le retour au monde s’impose, pourquoi pas avec une promenade dans le parc de la Tête d’Or voisin?

La banque de France à Poitiers

Poitiers, la banque de France, 1, façade rue Jean Jaurès

Je réédite cet article paru pour la première fois le 3 octobre 2010, car j’ai reçu un cliché de G.V. d’un modèle en plâtre des consoles, conservé dans une collection particulière. je pensais avoir quelque part une photo de détail des consoles telles qu’on peut les voir en place, mais impossible de remettre la main dessus ce matin… et je ne peux pas sortir la faire, je surveille en même temps ma poule au pot sur le coin du feu!

À Poitiers, la banque de France occupe deux immeubles. Le premier, en bordure du plateau, à la sortie de la grande passerelle, était le Grand Séminaire de Poitiers et encore avant le couvent des Carmélites, je vous en reparlerai (bon, mes articles sur Poitiers ne sont pas terminés). L’autre se situe dans l’îlot formé par la rue de l’Ancienne-Comédie, le haut de la rue Jean-Jaurès, la rue Henri Oudin et la rue de l’Éperon. Côté façade (oups, à droite de la photographie, le centre commercial des Cordeliers qui a massacré le magasin Vannier), la façade d’une maison à deux étages et six travées irrégulières…

Poitiers, la banque de France, 2, rue Oudin Mais quand on tourne rue Oudin, surprise, cela ressemble à autre chose… Un immeuble de rapport ?

Voici l’enfilade, au premier plan, les graminées qui ont poussé après l’abattage des arbres de la place d’Armes (les branches broyées servent de paillage), et au fond, une enfilade de voitures en stationnement interdit et sans PV, c’est devenu un sport local. Sauf que pour passer par là vendredi soir en voiture (pour garer le véhicule de service), il fallait se faufiler littéralement entre ces voitures envahissantes.

Poitiers, la banque de France, 3, signature Bon, revenons à cet immeuble du début du 20e siècle, qui décidément m’intrigue depuis longtemps. Il porte une signature qui m’est bien connue, H[ilaire] Guinet, architecte DPLG. Je vous ai déjà montré un de ses immeubles, la grande poste de Poitiers (avec des sculptures de Aymé Octobre).

Modèle en plâtre d'une console de l'immeuble de la banque de France Voici donc le modèle de console en plâtre, qui a servi aux tailleurs de pierre pour le décor.

Poitiers, la banque de France, 4, angle des rues Oudin et de l'Eperon Voici l’angle étroit du bâtiment entre les rues Henri Oudin et de l’Éperon. J’étais très intriguée par ce style un peu trop monumental pour un immeuble de rapport de cette époque sur Poitiers…

Poitiers, la banque de France, 5, angle des rues Oudin et de l'Eperon, partie haute Regardez en haut le soin apporté au bâtiment, pas de grand décor, mais une mise en oeuvre et des ferronneries soignées.

Pour ce même angle entre la rue Henri Oudin et la rue de l’Éperon, voici une carte postale ancienne que je viens de trouver récemment avec la mention Chambre de commerce, décidément, elle a beaucoup bougé dans le quartier…

Poitiers, ancienne chambre de commerce, carte postale ancienne Sur une autre carte postale est portée une mention publicitaire,  » Grande maison de blanc, P. Régeard fils, toiles trousseaux, layettes, corsets, bonneterie, le plus important rayon de lainages noirs de la région « . Il semble que le magasin se trouvait au rez-de-chaussée et peut-être à l’entresol. Devant l’entrée monumentale, il n’y a pas encore l’horrible immeuble qui était la librairie laïque quand je suis arrivée à Poitiers en 1992 (on l’aperçois sur la première photographie, au second plan). Il existe d’autres vues, dont une avec un tramway au niveau de la foule que l’on voit ici massée (regardez bien vers la gauche, le tramway vient de partir sur cette vue), de ce même immeuble, j’en ai repéré dans des boutiques en ligne.

Poitiers, ancienne chambre de commerce, avec magasin, carte postale ancienne Il me reste une question, quand la banque de France a-t-elle investi cet immeuble et la maison de ville devant ? Impossible de trouver la réponse, les recherches sur banque de France aboutissent immanquablement à des sites sur le surendettement… Alors, si quelqu’un a la réponse… merci de m’en faire part. Dès le déménagement de la chambre de commerce en 1935 ?

 

Pour en savoir plus, un article de Grégory Vouhé paru dans l’Actualité Poitou-Charentes n° 94 (automne 2011) : Le chef-d’oeuvre d’Hilaire Guinet, p. 20-23.

Quand les livres s’amusent à Lyon

Façade du musée de l'imprimerie à Lyon Le musée de l’imprimerie à Lyon organise en ce moment et jusqu’au 24 juin 2012 une exposition intitulée Quand les livres s’amusent (clic pour les infos pratiques dans le dossier de presse). Attention (les lecteurs habituels de mon blog connaissent ma sensibilité au sujet), le musée, situé dans un immeuble Renaissance (en partie l’ancien hôtel de ville), n’est absolument pas accessible aux personnes à mobilité réduite et je pense difficilement aux handicapés visuels s’ils ne sont pas accompagnés (il y a plein d’escaliers, de marches isolées entre les pièces, de couloirs étroits).

Elle présente les livres animés sous toutes ses formes, avec en tout premier les livres scientifiques animés de divers dispositifs pour mieux comprendre le cosmos ou diverses machines… puis sont arrivés les livres pour enfants, ou plutôt des livres destinés aux enfants mais à manipuler par des adultes (pas comme tous les livres actuels fabriqués en Chine et plus ou moins costauds… ces premières versions sont assez fragiles). Un petit espace est réservé aux flipbooks (sur le sujet, le mieux est de visiter ce site qui leur est exclusivement consacré, flipbooks, le collectionneur avait réalisé il y a quelques années une magnifique exposition à Rennes, et a prêté certains de ses ouvrages à Lyon). Un autre espace est consacré au livre-théâtre animé, mais point de zootropes comme ceux que j’ai vus en 2010 à Strasbourg dans l’exposition Des mondes de papier, l’imagerie populaire de Wissembourg). Le dernier espace est dédié aux livres d’artistes, avec de très belles et astucieuses réalisations… Pour ceux qui passent à Lyon, la visite s’impose… pour les autres, il y a un beau petit catalogue (pas cher… 10 euros!).

Jean Guiton par Ernest Dubois à La Rochelle

Monument à Jean Guiton à La Rochelle, 01, vu de loin Après vous avoir montré le monument à Eugène Fromentin, voici le second monument réalisé par Ernest [Henri] Dubois (Dieppe, 1863 – Paris, 1930) à La Rochelle, la statue de Jean Guiton devant l’hôtel de ville. Mes photographies datent du 25 juin 2011, c’était un samedi et il y avait des voitures pour un mariage… La statue en bronze de Jean Guiton est posée sur un haut socle.

Monument à Jean Guiton à La Rochelle, 02, la statue de bronze Jean Guiton, armateur, fut le maire de La Rochelle lors du siège de 1627-1628 (maire à partir de mars 1628, né en 1585 et mort en 1654). Le torse bombé, il semble défier le roi de France. Il faut dire que ce siège, ordonné par Louis XIII et commandé par Richelieu, a duré plus d’un an, du 10 septembre 1627 au 28 octobre 1628. La Rochelle, dernière place forte tenue par les protestants après les guerres de religion, recevait de la mer de l’aide des Anglais. Richelieu décida d’y mettre fin. Le siège s’est mal terminé par la rédition de la ville où il ne restait plus que 5500 survivants sur 28.000 habitants au début du siège (pour en savoir plus, lire ce document pédagogique publié par la ville de la Rochelle).

Monument à Jean Guiton à La Rochelle, 03, l'inscription et le relief sur le socle Sur le socle, une inscription « A / Jean Guiton / maire 1628 » et un relief peu marqué, difficile à voir par cette journée très ensoleillée, représentant la ville de La Rochelle.

Monument à Jean Guiton à La Rochelle, 04, le relief sur le socle C’est peut-être un peu mieux avec une lumière un peu plus rasante. On distingue la ville au fond et les canons au premier plan.

Monument à Jean Guiton à La Rochelle, 05, la signature de Dubois Avant de revenir à la statue, voici la signature de Ernest Dubois (qui, à La Rochelle, a aussi réalisé le monument à Eugène Fromentin). Le monument fut inauguré le 8 octobre 1911. New-Rochelle, aux États-Unis (et surtout sa banque) participa au financement de ce monument.

Monument à Jean Guiton à La Rochelle, 06, avec son épée Donc, notre fier Guiton serre le point droit et s’appuie de la main gauche sur son épée. Il porte un manteau (genre cape) par dessus sa cuirasse…

Monument à Jean Guiton à La Rochelle, 07, de dos, la cape au vent … manteau qui vole au vent toujours présent à La Rochelle…

Monument à Jean Guiton à La Rochelle, 08, le visage de Jean Guiton Une petite vue rapprochée de ce visage décidé, moustache et barbe bien taillées… Il faut dire que Jean Guiton refusa de laisser sortir de la ville les femmes et les enfants affamés par le siège… et quand il céda enfin, les assiégeants refusèrent de les laisser passer et ils moururent dans le no man’s land entre la ville et les assiégeants.