La semaine dernière, vous avez dû entendre cette information publiée par Libération et reprise en boucle sur tous les médias: d’après une enquête, les enfants sont incapables de reconnaître les légumes. Je suis allée pod-caster le reportage du journal de France 2 sur ce sujet: si vous l’avez vu, rien ne vous a frappé? On n’a pas demandé aux enfants de reconnaître des vrais légumes, mais de très mauvais dessins représentant, sans aucune échelle ou repérage, des légumes, des fruits et autres. Dans le reportage, un enfant a identifié un concombre pour une courgette, un autre un radis pour une betterave. Vue la médiocre qualité des dessins (voir l’image ci-contre récupérée sur le site de l’Association santé environnement France (Asef), qui a réalisé cette enquête), franchement, je trouve que ce ne sont pas les enfants qui sont à blâmer, mais les enquêteurs. Reconnaître une abstraction (le dessin d’un fruit, d’un légume ou d’un steak haché) ou identifier un objet concret (le légume cru ou préparé), ce n’est pas du tout la même chose ni les mêmes zones du cerveau qui sont en cause! Et puis vu le dessin, les deux réponses sur concombre/courgette devraient être justes, et sans couper certains de mes concombres du jardin, vous pourriez les prendre pour des courgettes. Vous aviez reconnu la betterave, vous, sur le dessin? Pas moi! Et pourtant, j’en cultive au jardin (euh, cette année, le jardin, il est encore trop humide) et en achète régulièrement au marché. Petite, je n’aurai pas non plus reconnu les figues, probablement pas non plus la pastèque, il n’y en a pas dans les jardins du nord de la France! Bon, l’enquête a été menée dans la région de Marseille, où l’on doit savoir ce que c’est.
La deuxième partie du questionnaire est quasiment infaisable pour un enfant de 8 ans au développement cognitif normal et exclut d’office tous les enfants dys- (dyslexiques, dyspraxiques, ou autres dys-). Il faut d’abord identifier la chose représentée. Pour ma part, je ne sais absolument ce qu’est la chose dans le cornet (deuxième en partant de la gauche sur la première ligne), ni le truc en bas à droite du yaourt, vous avez une idée? Je n’ai pas trouvé les réponses dans l’enquête complète… [PS: en regardant les graphiques des réponses données par les enfants, je conclus que dans la boîte, ce sont des pop-corn, et le tas en bas des pâtes]. Ensuite, il faut connaître l’ingrédient qui est à la base de la chose que vous avez peut-être identifié. Pour le ketchup industriel, j’aurai personnellement dit sucre ou eau, pas forcément tomate, regardez sur l’étiquette, les ingrédients sont classés dans l’ordre du plus abondant au moins abondant, la tomate n’est pas toujours en tête, même si j’en ai vu à 59 et 75% de purée de tomate. Pour les choses panées, comment savoir leur composition sur un dessin??? Pour le steak haché, c’est encore plus compliqué, il faut des tests génétiques pour savoir si c’est du bœuf, du cheval 😉 (il existe des steaks hachés de cheval vendus comme tels, pas seulement du cheval déguisé en bœuf) en Europe , de l’antilope ou de l’âne en Afrique-du-Sud, du rat ou du renard en Chine et pourquoi pas chez nous? Ici, on n’a pas cherché d’ADN autre que celui des animaux domestiques comestibles dans notre culture, pas le chien, le chat, le rat, l’âne… même si certains échantillons de viande ne contenaient aucun ADN des espèces recherchées, au moins pour ceux-là, ça aurait valu le coup de chercher ce que c’était.
Le poisson pané, c’est d’abord du blé ou des graines de tournesol (la panure) et seulement après du poisson, dans certaines marques (j’en ai vu à 40% de poisson dans la liste des ingrédients, 60% au maximum).
Bref, les dessins de l’enquête sont mauvais, les enfants, les adultes, moi qui pourtant mange et cuisine énormément de légumes sous toutes les formes, ne sommes pas capables de reconnaître ces dessins, le résultat aurait sans doute été très différent avec de vrais légumes et de vrais aliments!
Je ne nie pas qu’il y a probablement un déficit de reconnaissance des légumes chez les enfants, mais l’enquête dont on nous a rabattu les oreilles montre juste que les enfants ne font pas le lien entre de vilains dessins et une réalité concrète dans leur assiette, et prouve donc plus l’inculture de ceux qui ont réalisé cette enquête, au moins d’un point de vue du développement neuro-cognitif, que celle des enfants!
Je ne comprends vraiment pas pourquoi les journalistes ont « gobé tout cru » cette enquête sans voir qu’il y avait un problème de méthode.
Parmi les autres questions posées aux enfants dans l’enquête complète, il y a d’autres choses surprenantes. Par exemple, pour le goûter, une des réponses possibles est « Un pain au chocolat ou une barre au chocolat ». Or ce n’est pas du tout la même chose de manger un petit pain au chocolat plein de graisses (et d’additifs s’il s’agit d’un petit pain industriel) ou un morceau de bon pain artisanal avec une barre de chocolat.
Pour le steak haché, je vous conseille le Lou burger (marque déposée), un burger 100% Limousin, bœuf label rouge, fromage de Pomerol AOC, pain à la châtaigne, fine tranche de pomme verte croquante (AOP du Limousin)… Testé et approuvé au Geyracois à Limoges mardi dernier (la veille de mon épopée en train). Je n’ai pas pris de photographie sur place… j’ai emprunté celle du site de France-Bleu Limousin. Pour celui que nous avons mangé avec ma collègue (enfin, plutôt ceux, un pour chacune!), la pomme était sous le burger, et il y avait une petite sauce aux champignons, servi accompagné de salade et de frites maison.