Le musée Paul Dupuy à Toulouse, qui par ailleurs présente de belles collections d’arts décoratifs et d’arts graphiques, présente jusqu’au 18 juin 2012 une exposition intitulée Le parement d’autel de Toulouse : anatomie d’un chef-d’œuvre du XIVe siècle (informations pratiques ici).
L’exposition : l’exposition présente avant tout un parement d’autel, celui de l’ancien couvent des Cordeliers à Toulouse. La première partie de l’exposition présente d’abord l’histoire de ce couvent aujourd’hui quasiment détruit, avec des vues anciennes et du mobilier qui en provient.
Dans la dernière salle sont présentés trois œuvres majeures, des prouesses de broderie médiévale, le parement d’autel qui est dans le titre de l’exposition et deux chapes (grands manteaux de cérémonie semi-circulaires quand on les pose à plat), l’une de Saint-Louis d’Anjou (habituellement conservée à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume dans le Var, voir les photographies – en noir et blanc – du dossier de protection), l’autre de Saint-Bertrand-de-Comminges au sud de la Haute-Garonne (habituellement conservée dans l’ancienne cathédrale, voir les photographies – en noir et blanc – du dossier de protection). Ces trois pièces, si elles ont des fonctions liturgiques différentes, présentent des structures assez proches, avec des scènes de la vie du Christ (scènes dites de l’Enfance, qui vont en gros de l’Annonciation à la fuite en Égypte, et scènes de la Passion, qui vont plus ou moins du procès de Jésus à la Résurrection en passant par la Cène et la Crucifixion) dans des médaillons, et entre les médaillons, des représentations de saints mais aussi, pour la dernière, de petits médaillons intermédiaires dont il n’est pas question dans le cartel ni dans le panneau explicatif et qui sont de magnifiques représentations d’oiseaux tous différents encadrés de quadrupèdes (chiens, chats, lions, etc.).
Mon avis : les trois pièces brodées sont des pièces majeures, avec des broderies remarquables, pleines de détails (voir par exemple le massacre des Innocents sur la chape de Saint-Louis d’Anjou, ou sur la même pièce les détail de la suivante dans la scène de la présentation au Temple, avec une jolie guimpe (la pièce de tissu qui enserre la tête et le menton) et un panier avec deux oiseaux… Je regrette en revanche la présentation, certes, des tissus doivent être présentés à moins de 50 lux pour des raisons de conservation. Mais les chapes sont de grandes pièces, les présenter contre un mur en légère pente ne permet pas de voir les détails de la partie supérieure, trop éloignée du visiteur. J’ai vu ce genre de pièces dans beaucoup d’autres expositions, un autre choix est souvent fait, avec une vitrine à plat autour de laquelle on peut circuler et des loupes pour pouvoir observer les détails (cf. à Angers ou à Dijon, ces dernières années). Les loupes ne sont pas inconnues à Toulouse, il y en a dans l’exposition qui vient d’ouvrir au musée Saint-Raymond… un peu dommage… Il y a aussi très peu d’informations sur la technique de broderie, juste un panneau à la fin de l’exposition, pour les détails, il faut acheter le (beau) catalogue.
Il y a également des approximations étranges. Par exemple, un « fermail de chape » (la grosse agrafe qui permet de fermer la chape) est dit en grenat ou en tourmaline. Il est possible de distinguer ces deux pierres et même leur provenance par des analyses non destructives par exemple grâce à l’accélérateur de particules du laboratoire de recherche des musées de France (sous le musée du Louvre), ils ont ces dernières années apporté beaucoup d’éléments sur les mines de grenat pour une période un peu plus ancienne (notamment pour les fibules et plaque-boucles mérovingiennes au sens large).
Pour le public non averti, il aurait peut-être aussi été utile de donner quelques précisions, notamment sur l’usage liturgique d’une chape ou d’un autel… Il est certes impossible d’expliquer chaque scène représentée, mais un bon nombre de visiteurs ne doit pas facilement comprendre certaines d’entre elles… Un petit exemple sur le parement d’autel… Qui sait aujourd’hui placer l’Annonciation à Zacharie dans l’histoire de l’enfance du Christ??? (pour info, c’est dans Luc 1, à lire par exemple ici, l’archange Gabriel annonce d’abord à Zacharie que sa femme, Élisabeth, pourtant ménopausée, va enfanter un fils, le futur saint Jean Baptiste, quelques mois avant d’annoncer à Marie, la cousine d’Élisabeth, qu’elle enfantera de Jésus, Marie allant ensuite – scène de la Visitation- annoncer la nouvelle à Élisabeth). Sans faire un panneau, un petit mémo genre « fiche de salle » pourrait être mis à disposition de ceux qui souhaitent mieux comprendre ou aller plus loin…
Voir quelques-unes de ces scènes en sculpture, sur mon blog: l’Annonciation, sur un chapiteau de Chauvigny, la Visitation de la façade de Notre-Dame-la-Grande à Poitiers.
Le catalogue : Le parement d’autel des cordeliers de Toulouse, Catalogue d’exposition de l’exposition Anatomie d’un chef-d’œuvre du XIVème siècle, sous la direction de Maria Alessandra Bilotta et Marie-Pierre Chaumet, éditions Somogy, 2012, ISBN 978-2757205754.