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A perfect day de Fernando León de Aranoa

Affiche de A perfect day de Fernando León de AranoaSortie cinéma dimanche… Un peu mare des titres en anglais, même s’il y a ici un « sous-titre » officiel: A perfect day, un jour comme un autre,  de Fernando León de Aranoa.

L’histoire : dans les Balkans, en 1995. Dans une zone montagneuse, un cadavre a été balancé dans la nuit dans l’un des trois seuls puits et il faut l’enlever avant qu’il ne contamine l’eau. Une équipe d’humanitaire arrive, à bord de deux véhicules : Sophie [Mélanie Thierry], la française qui vient d’arriver et découvre son premier cadavre, Mambru [Benicio del Toro], qui effectue l’une de ses dernières interventions et doit rentrer chez lui dans une semaine, B. [Tim Robbins], qui bosse là comme ailleurs, et Damir [Fedja Stukan] le traducteur. La corde casse, il faut en trouver une autre, et passer aussi au briefing de sécurité piloté par les forces de l’ONU désabusé, récupérer au passage Katya [Olga Kurylenko], l’ex-petite amie de Mambru qui est là pour évaluer l’opportunité de poursuivre la mission ou de redéployer l’équipe sur un autre terrain. La journée s’annonce longue…

Mon avis : une journée dans un paysage grandiose, une zone montagneuse où deux véhicules se déplacent comme dans un labyrinthe qui n’est pas sans rappeler la quête nocturne du cadavre dans Il était une fois en Anatolie, de Nuri Bilge Ceylan. Au cours de cette pérégrination sont abordés de nombreux thèmes: la relation parfois complexe des humanitaires et des militaires (ONU et forces en présence), les profiteurs de guerre (vente d’eau), les mines (vaches mortes piégées), les crimes de la guerre civile, les conséquences sur les enfants, etc. Si les « vieux de la vieille » semblent désabusés, ils restent au service des autres, feront tout pour trouver une corde pour retirer un cadavre d’un puits, mais aussi, au passage, ils sauvent les prisonniers rassemblés près d’un bus par des militaires (miliciens?) qui font fi du cessé le feu. Même si le scénario est adapté d’un roman (Dejarse Llover de Paula Farias), le réalisateur a couvert sous la forme de reportage les guerres en Bosnie et en Ouganda et cela se ressent dans la manière d’aborder des sujets importants sans faire la leçon ou prendre parti. La complexité des situations est suggérée en permanence, parfois cachée derrière un humour que l’on pourrait penser mal placé mais qui est aussi une manière de survivre et de se protéger pour ces humanitaires.

Au royaume de l’espoir il n’y a pas d’hiver, d’Élise Boghossian

Couverture de Au royaume de l'espoir il n'y a pas d'hiver, d’Élise BoghossianUne amie m’a prêté ce livre de témoignage. J’avais vu l’auteure il y a quelques semaines dans l’émission 28 minutes sur Arte.

Le livre : Au royaume de l’espoir il n’y a pas d’hiver, d’Élise Boghossian, éditions Robert Laffont, 229 pages, 2015, ISBN 978-2221190272.

L’histoire : ces quinze dernières années à Paris et dans le monde. A l’occasion d’un pépin de santé personnel alors qu’elle poursuit des études de neurosciences, Élise Boghossian découvre la médecine chinoise, à Paris, en Chine, au Vietnam. Elle y découvre la puissance de l’acupuncture dans le traitement de la douleur, notamment dans les douleurs neuropathiques des amputés du Vietnam ou même comme alternative à l’anesthésie générale. Entre son activité dans son cabinet parisien, sa vie de famille -elle est mère de trois enfants- elle se rend auprès de ceux qui sont les plus démunis et qui souffrent le plus sans pouvoir avoir accès aux médicaments traditionnels : hier les réfugiés en Irak (lors de la « première guerre »), aujourd’hui avec les deux bus-dispensaires mobiles qu’elle a créé en Jordanie pour aller à la rencontre des blessés de guerre, des grands brûlés, des femmes victimes de viols par Daech, là où ils sont le plus nombreux, disséminés hors des camps.

Mon avis : j’ai découvert, par son témoignage, la puissance de l’acupuncture, et les difficultés à faire accepter cette pratique peu coûteuse auprès des grandes ONG… C’est donc par l’intermédiaire de son association Shennong & Avicenne, créée en 2002 pour promouvoir la médecine chinoise en France, qu’elle intervient à son échelle, formant à la technique des médecins réfugiés qui viennent en aide à tous ceux qui en ont besoin en périphérie des zones de guerre du Proche-Orient. Un témoignage poignant!

Logo rentrée littéraire 2015Ce livre entre dans la catégorie essais témoignages pour le défi de la rentrée littéraire organisé à nouveau en 2015 par Hérisson.

Macbeth de Verdi, adapté par Fabrizio Cassol et Brett Bailey au TAP à Poitiers

Le théâtre et auditorium de Poitiers après l'ouverture du viaduc, février 2014Jeudi soir, je suis allée voir Macbeth de Verdi, adapté par Fabrizio Cassol et mis en scène par Brett Bailey (revoir l’année dernière Exhibit B), au théâtre et auditorium de Poitiers / TAP. Heureusement que j’avais choisi la représentation de 19h30 (comme pour beaucoup de spectacles de ma saison 2015-2016 ), à part des micro-endormissements de 20h10 à 20h20 (merci à mon voisin qui a veillé à me réveiller jusqu’à ce que le « coup de barre passe »), j’ai réussi à tout voir!

Le spectacle: sur la scène, à gauche (à jardin), dix chanteur(se)s noir(e)s [la compagnie Third World Bunfight], victimes de guerre, exilés de force ou anciens enfants soldats, comme le souligne le générique. À droite (à cour), douze musicien(ne)s blanc(he)s [le No Borders Orchestra] et le chef d’orchestre [Premil Petrovic]. Au centre, un podium surmonté d’un écran sur lequel sont projetées des textes sur les massacres constatés par les médias ou l’ONU, des photos en noir et blanc, de Marcus Bleasdale et Cedric Gerbehaye, qui en témoignent, des motifs de tissus africains, des oiseaux comme composés en pièces de tan-gram qui s’animent, etc. De chaque côté de la scène, une petite estrade individuelle sur laquelle un soliste vient de temps à autre prendre place. Et deux écrans de surtitrage en français et en anglais (le texte est en italien). Fabrizio Cassol a condensé l’opéra, passé de 2h50 environ à 1h40, et l’a transposé, avec Brett Bailey à la mise en scène, dans le Congo victime d’une guerre civile.

Mon avis : comme dans la pièce de Shakespeare adaptée par Verdi, Macbeth [Owen Metsileng] reste un général, sa femme [Nobulumko Mngxekeza] une intrigante et Banquo [Otto Maidi] ne se laisse pas faire. Les trois sorcières sont aussi bien là, habillées et masquées de blanc. La transposition au cœur de la guerre civile du Congo est très forte, surtout que les chanteurs sont aussi (et même avant-tout) des comédiens, tous bougent, changent de costumes, manipulent des décors simples (caisses gerbables, sacs de vêtements, malle, chaise en plastique, …), rien à voir avec un opéra classique statique. Le tout est souligné et mis en valeur par un très beau travail sur la lumière [Felice Ross]. Cela donne l’impression très forte d’assister à une pièce de théâtre chantée, un retour à Shakespeare plus qu’à Verdi… alors que l’opéra est pourtant bel et bien là, même s’il est coupé et adapté autour de la guerre civile et ses conséquences, la souffrance des civils, l’exil, les viols de guerre (suggéré mais bien là), les meurtres, les profiteurs à l’affût de gros bénéfices qui s’accaparent des compagnies minières néo-colonialistes. Un spectacle très fort, s’il passe près de chez vous, n’hésitez pas à aller le voir!

Pour découvrir un extrait proposé par la compagnie Third World Bunfight

MACBETH by BRETT BAILEY / Third World Bunfight par Free State Productions sur Vimeo.

Šoba de Joe Sacco

pioche-en-bib.jpgCouverture de Šoba de Joe SaccoJuste 20 ans hier que le massacre de Srebrenica (8 372 hommes et adolescents bosniaques assassinés dans l’indifférence des casques bleus présents), je vous invite à (re)lire cet album de Joe Sacco, ainsi que Goražde… De la BD-reportage de grande qualité!

Réédition de l’article du 30 avril 2014

Après Gaza 1956 et Goražde de , j’ai emprunté un autre titre du même auteur à la médiathèque. [depuis, je vous ai aussi parlé de  Palestine, une nation occupée et Le premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916].

Le livre : Šoba, une histoire de la Bosnie de Joe Sacco (scénario et dessin), traduit de l’anglais (États-Unis) par Sidonie Van den Dries et Alain David, éditions Rakham,  41 planches, 2000, ISBN 9782878270396.

L’histoire: 1995 à Sarajevo en Bosnie. La guerre civile fait rage dans ce qui est encore la Yougoslavie. Joe Sacco, en plein reportage dans la ville assiégée, fait la connaissance de Šoba, 27 ans, un artiste (peintre et rock-star) qui a décidé de rester sur place plutôt que d’aller préparer une exposition de ses oeuvres en Italie. Quand il ne combat pas (comme démineur), il se détend dans des soirées bien arrosées, bloqué par le couvre-feu.

Mon avis: comme dans les deux précédents albums que j’ai lus de cet auteur, le dessin à la plume est dense, plein de détails, une BD-reportage qui, à travers le portrait et le quotidien d’un homme, permet d’aborder la guerre civile et le siège de Sarajevo (avec le bombardement du marché). Le contraste entre les fêtes nocturnes et la réalité de la guerre (certains amis ne reviendront pas, ou alors estropiés) est marquant. L’année suivante, Joe Sacco est allé poursuivre son reportage, ce qui donnera son album Goražde. La version anglaise de l’album est parue peu après la guerre, en 1998. L’auteur précise que la réalisation de ces planches rès détaillées lui prend un temps très important. Il me donne envie de lire son nouvel album, historique cette fois, La grande guerre, le premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916 (éditions Futuropolis), publié sous une forme atypique (une grande bande de 7m de long, sans texte).

 

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Ciné-concert : Oyuki la vierge de Kenji Mizoguchi

Le théâtre et auditorium de Poitiers après l'ouverture du viaduc, février 2014Je poursuis ma saison 2014-2015 au  théâtre et auditorium de Poitiers / TAP, avec un ciné-concert, Oyuki la vierge de Kenji Mizoguchi, un film de 1935 librement inspiré de Boule de suif de Maupassant, accompagné par le groupe de jazz Francis et ses peintres et leurs deux invitées, Maia Barouh et Emiko Ota.

Le film: dans les années 1930 au Japon. En pleine guerre civile, alors que l’armée gouvernementale est aux portes du viallge, un groupe de personnes réussit à fuir en diligence. A bord, un groupe de bourgeois et deux prostituées. Suite à un accident, essieu cassé, ils sont faits prisonniers. Le commandant exige qu’une jeune fille vierge le rejoigne, le père cède, une des prostituées se révolte et tente de prendre sa place…

Mon avis: contrairement à d’autres ciné-concerts vus ces dernières années, ici le film n’était pas en version restaurée. L’accompagnement en musique et chant commence un peu avant le film… qui s’ouvre finalement par une longue séquence muette. J’ai trouvé, comme d’autres amis présents, que musique et chants étaient certes beaux, mais absolument pas en accord avec le film… La difficulté du ciné-concert, c’est que la musique doit accompagner le film, se faire oublier, pas vivre sa vie propre, comme ce fut le cas ici. Dommage…

Euh, une fois de plus, je n’ai pas vu la fin, à nouveau endormie, a barrière de 21h30 reste infranchissable pour mon cerveau! Il doit me manquer les 10 dernières minutes, l’amie qui était à côté de moi ne pensait pas que j’avais dormi. Mais si, c’est bizarre, de « dormir debout », l’image s’interrompt peu à peu, je vois et entends puis plus rien puis de nouveau perception, les coupures sont de plus en plus longues jusqu’à extinction complète des perceptions, mais sans relâchement musculaire…

Au-Delà de DeLaVallet Bidiefono au TAP

Le théâtre et auditorium de Poitiers après l'ouverture du viaduc, février 2014J’ai commencé ma saison 2014-2015 au  théâtre et auditorium de Poitiers / TAP avec Au-Delà de DeLaVallet Bidiefono.

Je voudrais d’abord parler du nouvel éclairage. Depuis la saison dernière, l’éclairage des espaces est confié à un artiste-éclairagiste. Il s’agit cette fois d’une « œuvre » (éphémère et mouvante) d’Yves Godin. Inauguré avec le lancement de saison, il m’avait gênée ce soir là, mais je me disais que c’était dû au changement, et que comme il devait être évolutif selon les différentes occupations du lieu (accueil, sortie, spectacle dans le grand escalier, etc.), je me disais « patiente, vois à l’usage ». Je dois vous avouer que la descente du grand escalier vers les salles de spectacle m’a posé de grandes difficultés. La lumière y est beaucoup trop faible, et surtout, un spot placé en haut projette dans le sens descente une ombre portée sur la moitié des marches. J’ai déjà beaucoup de mal à évaluer la profondeur des marches en général, cette fois, même en ayant pratiqué cet escalier de nombreuses fois et en me guidant sur la main courante, la descente a été périlleuse, mes « capteurs proprioceptifs« , comme dirait ma neurologue, renvoyant des indications différentes de la vue, mon cerveau est perdu et ne sait pas adapter le bon dosage musculaire pour ajuster « pile poil » l’énergie nécessaire à la pose du pied sur la marche suivante. Je retourne voir un autre spectacle samedi, si c’est pareil, il faudra que je demande, comme après mon opération mais pour d’autres raisons (il y a un an, c’était le risque de bousculade pour ma « rondelle » de crâniotomie pas consolidée), à utiliser l’accès handicapés. C’est un peu moins gênant dans le sens montée, mais le spot éclaire trop la zone au niveau des yeux et pas assez le sol! L’éclairage de l’espace devant la salle est aussi très faible, avec les places non numérotées, il faut arriver assez tôt pour avoir une bonne place, et c’est désagréable de ne pas voir les gens avec qui on discute dans cet espace avant de pouvoir entrer dans la salle.

Revenons au spectacle, Au-Delà de DeLaVallet Bidiefono et sa compagnie Baninga, originaire de Pointe-Noire à Brazzaville au Congo, dont je vous ai déjà parlé via Lumières de Pointe-Noire d’Alain Mabanckou.

La présentation du site du TAP, où vous pouvez aussi voir des vidéos de Au-delà

À Brazzaville, on a la sensation diffuse que la vie ne tient qu’à un fil. Le souvenir de la guerre civile fait encore sursauter au moindre bruit et la plus petite fièvre peut emporter l’homme le plus solide. Comme d’autres artistes congolais, DeLaVallet Bidiefono – chorégraphe et interprète dans Hamlet mis en scène par David Bobee au TAP en 2012 – se présente comme le « guerrier » d’un combat pour une vie meilleure passant par la liberté d’expression. Spectacle pour six danseurs, deux musiciens et un chanteur, Au-delà témoigne de la frontière ténue entre l’ici et l’au-delà, dans ce pays où la mort flirte avec le quotidien. La danse aux influences métissées est magnifique, frontale et mordante, comme un énergique coup de fouet contre la fatalité.

Mon avis: mon avis ne pourra être que partiel… malgré le punch des danseurs et musiciens et le niveau sonore, je me suis endormie comme chaque jour vers 21h15/21h20, même si j’avais fait une sieste avant d’aller au spectacle à 20h30… J’ai bien fait de prendre dès que cela était possible des spectacles à 19h ou 19h30! Je ne sais donc pas comment l’un des danseurs s’est retrouvé maculé de faux sang, découvert avec le salut final… Le spectacle mêle danse (sept danseurs, cinq hommes -dont deux en tenue traditionnelle- et deux femmes), musique (percussions et guitare en direct et bande enregistrée), texte écrit par Dieudonné Niangouna et chanté par Athaya Mokonzi (quelle voix…). Avec beaucoup de rythme, ils abordent les thèmes de la mort et de la violence. Dit comme ça, cela ne vous donne peut-être pas envie d’aller au spectacle, mais il est d’une grande esthétique, d’une grande maîtrise des corps et de la danse.

Les hirondelles de Kaboul de Yasmina Khadra

pioche-en-bib.jpgCouverture de Les hirondelles de Kaboul de Yasmina KhadraJ’ai lu un certain nombre de livres de Yasmina Khadra (La part du mort, Morituri, Double blanc, L’automne des chimères, Ce que le jour doit à la nuit, La rose de Blida, La longue nuit d’un repenti), candidat aux prochaines élections présidentielles en Algérie. Mais je n’avais jamais lu l’un de ses plus connus, Les hirondelles de Kaboul, que j’ai trouvé au rayon large vision de la médiathèque.

Le livre : Les hirondelles de Kaboul de Yasmina Khadra, éditions Julliard, 2002, 192 pages, ISBN 978-2-260-01596-4 (lu en large vision, éditions de la loupe).

La présentation de l’éditeur :

«  Dans le Kaboul de l’an 2000, alors que les talibans font régner sur l’Afghanistan un régime atroce, quatre personnages inoubliables. Il y a Mohsen, qui descend d’une famille de commerçants prospères que les talibans ont ruinée; Zuneira, sa femme, qui fut une enseignante brillante et qui n’a plus le droit de sortir de chez elle… Ils survivent dans des conditions morales et matérielles abominables, soutenus par l’amour qu’ils se portent et le respect qu’ils doivent à l’intelligence et à la connaissance. Il y a aussi Atiq, gardien de prison qui a adhéré à l’idéologie des talibans avec sincérité et qui tente d’assurer son service dans le respect de sa foi, et Mussarat, sa femme, qui se meurt de maladie et de désespoir. Désespéré, oisif, exténué, Mohsen erre dans Kaboul quand il est entouré par une foule qui s’apprête à lapider une femme adultère. Comme anesthésié par l’atmosphère hystérique qui le cerne, Mohsen va, lui aussi, balancer de toutes ses forces quelques pierres au visage de la femme enterrée jusqu’à la taille. Ce geste insensé va faire basculer le destin de tous les protagonistes dans la tragédie… jusqu’au sacrifice ultime – et vain – de Mussarat, cette femme qui donnera sa vie pour permettre à l’homme qu’elle aime de retrouver sa capacité d’aimer. Rarement un écrivain a su mettre au jour avec autant de clarté et de lucidité la complexité des comportements et des situations dans les sociétés musulmanes déchirées entre le féodalisme et la modernité. »

Mon avis : un roman très fort, comme tous les livres de Yasmina Khadra, d’autant plus fort que l’on suit via la parole des hommes la situation des femmes en Afghanistan du temps des Talibans, mais cela n’a pas beaucoup changé plus de dix ans plus tard. En ayant choisi pour l’un de ses personnages un homme instruit (Mohsen) qui se laisse entraîner par la folie ambiante et en arrive à participer à la lapidation d’une femme, il montre que les dérives ne viennent pas seulement du manque d’éducation ou de la seule manipulation de quelques dirigeants fanatisés et de leur sbires comme Atiq. Malgré leur enfermement dans les maisons (la tentative de sortie de Zuneira, avec son mari, se solde par une journée dramatique), les femmes ne se laissent pas dominer et tentent d’exister malgré tout. Un livre à découvrir si vous ne l’avez pas encore lu.

Pour aller plus loin : voir le site officiel de Yasmina Khadra et revoir les articles des livres et bandes dessinées qui traitent de l’Afghanistan et dont je vous ai parlé au fil des six années de mon blog… qui fête son anniversaire!

La confrérie des moines volants, de Metin Arditi

Couverture de La confrérie des moines volants, de Metin ArditiLogo du défi rentrée littéraire 2013 chez HérissonUn livre offert en large vision par Philippe / Tout Poitiers, lors de mon séjour « momie à l’hôpital« . C’est aussi le premier livre de la rentrée littéraire 2013 que je lis (le projet de 1% rentrée littéraire est organisé par Hérisson).

Le livre : La confrérie des moines volants de Metin Arditi, éditions Grasset, 2013, 352 pages, ISBN 9782246804390 (lu en large vision, aux éditions Feryane).

L’histoire : 1937, près de Saint-Petersbourg. Alors que les milices du NKVD pillent et brûlent les églises, assassinent les religieux, un moine, Nikodime, se réfugie dans la forêt, bientôt rejoint par d’autres moines venus d’autres monastères. Ils décident de sauver des icônes en allant les récupérer dans les églises parfois au péril de leur vie, puis Nikodime les enterre dans une tombe abandonnée, aidé par une jeune fille, Irina. Paris, 2000. Alors qu’il inaugure sa dernière exposition de photographies, Mathias apprend la mort de son père, qui lui a laissé un meuble précieux confectionné pour lui et un secret de famille… qui va le mener en Russie sur la piste des icônes.

Mon avis : le roman comprend deux parties très différentes, la première en 1937 en Russie, la deuxième en 2000 à Paris puis en Russie. Les deux parties sont parsemées de morts (plus dans la première partie), la première pour sauver des biens de l’église orthodixe russe, surtout des icônes, la deuxième pour les retrouver. La première partie est menée à un rythme plus soutenu, avec le pillage des églises et les massacres, les doutes du moine Nikodime (qui restent mystérieux sur le volet du péché), la petite communauté recréée qui finit par s’insérer dans « le monde terrestre », au grand désespoir du fondateur, puis qui se concentre sur le sauvetage d’icônes, l’apparition d’Irina, puis Nikodime qui se livre aux autorités. La deuxième partie est plus convenue, la fin en Russie peut-être pas assez travaillée et un cran en dessous du début du roman. Mais c’est une histoire qui nous tient en haleine du début à la fin, à découvrir! Un grand merci à Philippe / Tout Poitiers pour cette découverte!

 

Les échelles du Levant d’Amin Maalouf

pioche-en-bib.jpgCouverture de Les échelles du Levant d'Amin MaaloufUn livre trouvé à la médiathèque, au rayon « large vision ».

Le livre : Les échelles du Levant de Amin Maalouf, éditions Grasset, 1996, 298 pages, ISBN 978-2-246-49771-X (lu en large vision, éditions Littera Corps 16).

L’histoire : Paris, en 1976. Le narrateur rencontre un homme d’un certain âge qui lui raconte sa vie sur quatre jours. Ossyane est le descendant d’un dirigeant ottoman assassiné ou suicidé à Istanbul, sa grand-mère état devenue folle en découvrant le corps, recueillie par un médecin qui était chargé de la soigner après l’avoir épousée… et qui en aura un fils, le père d’Ossyane, de sa sœur aînée et de son petit frère, à la naissance duquel la mère, arménienne, est décédée. Élevé par des précepteurs dans une maison à Beyrouth, au Liban, où se succède un public varié pour des fêtes et des expositions, Ossyane part à Montpellier suivre des études de médecine. Mais voilà qu’éclate la Deuxième guerre mondiale, Ossyane entre dans la Résistance… où il rencontre brièvement Clara, une jeune juive expatrié, qui deviendra sa femme après la guerre. Les deux jeunes amoureux habiteront alternativement à Beyrouth, chez le père dOssyane, et à Haifa, où Clara a conduit son oncle, seul rescapé de sa famille, quand la guerre les sépare à nouveau…

Mon avis : un livre écrit comme un conte oriental, la vie d’une famille racontée en cinq jours à un homme, le narrateur, qui nous en fait le récit. Une histoire qui commence à Istanbul, se poursuit par la Résistance en France avant de retourner au Proche-Orient avec le début des guerres du Proche-Orient liées à la création d’Israël. Le tout sur fond d’histoires d’amour et de folie (celles de la grand-mère et celles du narrateur), de croisements de peuples (turcs, arméniens, juifs), de magouilles (du frère). Un très beau roman!

 

Goražde, de Joe Sacco

pioche-en-bib.jpgCouverture de Gorazde, tome 1, de Joe SaccoCouverture de Gorazde, tome 2, de Joe SaccoUne bande dessinée trouvée dans les bacs de la médiathèque. De Joe Sacco, je vous ai déjà parlé de Gaza 1956, Šoba, Palestine, une nation occupée et Le premier jour de la bataille de la Somme, 1er juillet 1916.

Le livre : Goražde, la guerre en Bosnie orientale, 1993-1995 de Joe Sacco (scénario et dessin), traduit de l’anglais (États-Unis) par Stéphanie Capitolin et Sidonie Van den Dries, éditions Rakham, 2 tomes, 227 planches au total, 2001, ISBN t. 1, 9782878270433, t. 2, 9782878270549 [republié en 1 seul volume en 2011].

L’histoire : à Goražde, l’une des trois enclaves bosniaques attaquées par l’armée serbe au début des années 1990. En 1995 et 1996, au cours de quatre voyages, Joe Sacco tente de recueillir des témoignages sur la guerre civile qui vient de détruire la ville et notamment l’attaque de l’armée serbe du 30 mars au 23 avril 1994. Rejoindre la ville est déjà compliqué, en empruntant « Route Bleue » établie par l’ONU entre Goražde et Sarajevo. Une fois sur place, Joe Sacco reconstitue grâce aux témoignages les événements qui ont précédé le massacre, puis ces terribles journées de nettoyage ethnique, l’inaction des forces internationales et notamment de l’ONU.

Mon avis : deux albums en noir et blanc très denses (sur le contenu et sur l’apparence des planches). Je trouve dommage, côté édition, que tous les signes diacritiques (comme le ž) n’aient pas été mis, ils modifient la prononciation des lettres. Le texte s’étend aussi trop près de la reliure, comme celle-ci a été renforcée par une couture par la médiathèque, le début de nombreux mots est illisible, dommage! Comme dans Gaza 1956, mais en réalisant ses entretiens juste après les événements et non avec des dizaines d’années d’écart, Joe Sacco mène un travail de journaliste et d’enquêteur et restitue le point de vue des survivants. Au fil des pages, il réussit à dresser le contexte de ce massacre dans un passé plus long de la zone balkanique. Un album à découvrir pour revenir sur l’histoire contemporaine d’une guerre qui s’est déroulée à nos portes dans une grande impuissance de la communauté internationale incapable d’intervenir efficacement pour protéger les civils.

Logo du top BD des blogueurs 2013 Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.