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Macbeth de Verdi, adapté par Fabrizio Cassol et Brett Bailey au TAP à Poitiers

Le théâtre et auditorium de Poitiers après l'ouverture du viaduc, février 2014Jeudi soir, je suis allée voir Macbeth de Verdi, adapté par Fabrizio Cassol et mis en scène par Brett Bailey (revoir l’année dernière Exhibit B), au théâtre et auditorium de Poitiers / TAP. Heureusement que j’avais choisi la représentation de 19h30 (comme pour beaucoup de spectacles de ma saison 2015-2016 ), à part des micro-endormissements de 20h10 à 20h20 (merci à mon voisin qui a veillé à me réveiller jusqu’à ce que le « coup de barre passe »), j’ai réussi à tout voir!

Le spectacle: sur la scène, à gauche (à jardin), dix chanteur(se)s noir(e)s [la compagnie Third World Bunfight], victimes de guerre, exilés de force ou anciens enfants soldats, comme le souligne le générique. À droite (à cour), douze musicien(ne)s blanc(he)s [le No Borders Orchestra] et le chef d’orchestre [Premil Petrovic]. Au centre, un podium surmonté d’un écran sur lequel sont projetées des textes sur les massacres constatés par les médias ou l’ONU, des photos en noir et blanc, de Marcus Bleasdale et Cedric Gerbehaye, qui en témoignent, des motifs de tissus africains, des oiseaux comme composés en pièces de tan-gram qui s’animent, etc. De chaque côté de la scène, une petite estrade individuelle sur laquelle un soliste vient de temps à autre prendre place. Et deux écrans de surtitrage en français et en anglais (le texte est en italien). Fabrizio Cassol a condensé l’opéra, passé de 2h50 environ à 1h40, et l’a transposé, avec Brett Bailey à la mise en scène, dans le Congo victime d’une guerre civile.

Mon avis : comme dans la pièce de Shakespeare adaptée par Verdi, Macbeth [Owen Metsileng] reste un général, sa femme [Nobulumko Mngxekeza] une intrigante et Banquo [Otto Maidi] ne se laisse pas faire. Les trois sorcières sont aussi bien là, habillées et masquées de blanc. La transposition au cœur de la guerre civile du Congo est très forte, surtout que les chanteurs sont aussi (et même avant-tout) des comédiens, tous bougent, changent de costumes, manipulent des décors simples (caisses gerbables, sacs de vêtements, malle, chaise en plastique, …), rien à voir avec un opéra classique statique. Le tout est souligné et mis en valeur par un très beau travail sur la lumière [Felice Ross]. Cela donne l’impression très forte d’assister à une pièce de théâtre chantée, un retour à Shakespeare plus qu’à Verdi… alors que l’opéra est pourtant bel et bien là, même s’il est coupé et adapté autour de la guerre civile et ses conséquences, la souffrance des civils, l’exil, les viols de guerre (suggéré mais bien là), les meurtres, les profiteurs à l’affût de gros bénéfices qui s’accaparent des compagnies minières néo-colonialistes. Un spectacle très fort, s’il passe près de chez vous, n’hésitez pas à aller le voir!

Pour découvrir un extrait proposé par la compagnie Third World Bunfight

MACBETH by BRETT BAILEY / Third World Bunfight par Free State Productions sur Vimeo.

Au-Delà de DeLaVallet Bidiefono au TAP

Le théâtre et auditorium de Poitiers après l'ouverture du viaduc, février 2014J’ai commencé ma saison 2014-2015 au  théâtre et auditorium de Poitiers / TAP avec Au-Delà de DeLaVallet Bidiefono.

Je voudrais d’abord parler du nouvel éclairage. Depuis la saison dernière, l’éclairage des espaces est confié à un artiste-éclairagiste. Il s’agit cette fois d’une « œuvre » (éphémère et mouvante) d’Yves Godin. Inauguré avec le lancement de saison, il m’avait gênée ce soir là, mais je me disais que c’était dû au changement, et que comme il devait être évolutif selon les différentes occupations du lieu (accueil, sortie, spectacle dans le grand escalier, etc.), je me disais « patiente, vois à l’usage ». Je dois vous avouer que la descente du grand escalier vers les salles de spectacle m’a posé de grandes difficultés. La lumière y est beaucoup trop faible, et surtout, un spot placé en haut projette dans le sens descente une ombre portée sur la moitié des marches. J’ai déjà beaucoup de mal à évaluer la profondeur des marches en général, cette fois, même en ayant pratiqué cet escalier de nombreuses fois et en me guidant sur la main courante, la descente a été périlleuse, mes « capteurs proprioceptifs« , comme dirait ma neurologue, renvoyant des indications différentes de la vue, mon cerveau est perdu et ne sait pas adapter le bon dosage musculaire pour ajuster « pile poil » l’énergie nécessaire à la pose du pied sur la marche suivante. Je retourne voir un autre spectacle samedi, si c’est pareil, il faudra que je demande, comme après mon opération mais pour d’autres raisons (il y a un an, c’était le risque de bousculade pour ma « rondelle » de crâniotomie pas consolidée), à utiliser l’accès handicapés. C’est un peu moins gênant dans le sens montée, mais le spot éclaire trop la zone au niveau des yeux et pas assez le sol! L’éclairage de l’espace devant la salle est aussi très faible, avec les places non numérotées, il faut arriver assez tôt pour avoir une bonne place, et c’est désagréable de ne pas voir les gens avec qui on discute dans cet espace avant de pouvoir entrer dans la salle.

Revenons au spectacle, Au-Delà de DeLaVallet Bidiefono et sa compagnie Baninga, originaire de Pointe-Noire à Brazzaville au Congo, dont je vous ai déjà parlé via Lumières de Pointe-Noire d’Alain Mabanckou.

La présentation du site du TAP, où vous pouvez aussi voir des vidéos de Au-delà

À Brazzaville, on a la sensation diffuse que la vie ne tient qu’à un fil. Le souvenir de la guerre civile fait encore sursauter au moindre bruit et la plus petite fièvre peut emporter l’homme le plus solide. Comme d’autres artistes congolais, DeLaVallet Bidiefono – chorégraphe et interprète dans Hamlet mis en scène par David Bobee au TAP en 2012 – se présente comme le « guerrier » d’un combat pour une vie meilleure passant par la liberté d’expression. Spectacle pour six danseurs, deux musiciens et un chanteur, Au-delà témoigne de la frontière ténue entre l’ici et l’au-delà, dans ce pays où la mort flirte avec le quotidien. La danse aux influences métissées est magnifique, frontale et mordante, comme un énergique coup de fouet contre la fatalité.

Mon avis: mon avis ne pourra être que partiel… malgré le punch des danseurs et musiciens et le niveau sonore, je me suis endormie comme chaque jour vers 21h15/21h20, même si j’avais fait une sieste avant d’aller au spectacle à 20h30… J’ai bien fait de prendre dès que cela était possible des spectacles à 19h ou 19h30! Je ne sais donc pas comment l’un des danseurs s’est retrouvé maculé de faux sang, découvert avec le salut final… Le spectacle mêle danse (sept danseurs, cinq hommes -dont deux en tenue traditionnelle- et deux femmes), musique (percussions et guitare en direct et bande enregistrée), texte écrit par Dieudonné Niangouna et chanté par Athaya Mokonzi (quelle voix…). Avec beaucoup de rythme, ils abordent les thèmes de la mort et de la violence. Dit comme ça, cela ne vous donne peut-être pas envie d’aller au spectacle, mais il est d’une grande esthétique, d’une grande maîtrise des corps et de la danse.

Lumières de Pointe-Noire de Alain Mabanckou

Couverture de Lumières de Pointe-Noire de Alain Mabanckoupioche-en-bib.jpgUn auteur recommandé par Carole, entendu à la radio lors du festival Étonnants voyageurs qui s’est tenu du 14 au 18 février 2013 à Brazzaville, un livre trouvé parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque. Alain Mabanckou a reçu le prix Renaudot en 2006 pour Mémoires de Porc-épic et en 2012 le prix Henri Gal de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre.

Le livre : Lumières de Pointe-Noire de Alain Mabanckou, éditions du Seuil, 2013, 282 pages, ISBN 978-2021003949.

L’histoire : Alain Mabanckou revient pour la première fois après 23 ans à Pointe-Noire, ville portuaire du Congo. Parti pour poursuivre ses études en France, il n’était revenu ni pour l’enterrement de sa mère en 1995 ni pour celui de son père adoptif dix ans plus tard. A l’occasion d’une conférence et d’une résidence de deux semaines à l’institut français, il revient sur les lieux de son enfance. Avant lui, sa mère avait perdu deux petites filles juste après leur naissance, son père l’a abandonnée avant sa propre naissance. Au fil des pages, Alain Mabanckou revient sur son enfance et sur la redécouverte de lieux et de sa famille élargie.

Mon avis : pas de doute, Pointe-Noire d’aujourd’hui n’est plus le Pointe-Noire qu’il a quitté en 1989. Tous les cinémas ont fermé, le Rex de son quartier est désormais une église pentecôtiste. Les prostituées ont fait grève pour obtenir le port obligatoire du préservatif contre le sida. Certains de ses demi-frères et sœurs ne sont là que pour récupérer quelques subsides du (nécessairement) riche émigré. Seul l’hôpital n’a pas changé… c’est toujours un mouroir! Et les albinos sont toujours maltraités (sur ce sujet, je vous ai déjà parlé de la fondation Sélif Keïta). Certains chapitres se terminent par une photographie d’une personne, d’un lieu, tel qu’il était hier, avant son départ, ou aujourd’hui, pour son retour. J’ai dévoré ce livre, où l’auteur décrit avec humour ce « retour au pays ».

Pour aller plus loin : le site officiel de Alain Mabanckou.

logo tour du monde en lectureCe livre entre dans le cadre du défi du tour du monde des livres, organisé par Livresque, au titre du Congo.