Archives par étiquette : Roumanie

Baccalauréat, de Cristian Mungiu

Ma sortie cinéma, cette semaine, a été pour voir Baccalauréat, de Cristian Mungiu, qui a reçu le prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes.

Le film : de nos jours en Roumanie, dans une petite ville de Transylvanie. Romeo [Adrian Titieni], chirurgien à l’hôpital local, et sa femme Magda [Lia Bugnar], bibliothécaire, sont revenus en Roumanie après 1991.Ils ont tout fait pour que leur fille Eliza [Maria Drăguș] ait la meilleure vie possible, en économisant pour lui donner des cours particuliers dès son plus jeune âge. Elle doit passer son baccalauréat dans quelques jours et doit impérativement avoir une moyenne de 18 pour pouvoir aller à l’université à Cambridge, en Angleterre, avec une bourse d’étude. A la veille de l’examen, alors que son père l’a laissée à proximité du lycée, elle est agressée physiquement et sexuellement sur le chantier voisin, s’en sort avec un poignet plâtré et une grand frayeur. Pour mettre toutes ses chances de son côté, Romeo est prêt, contre tous ses principes, à accepter la solution proposée par son ami d’enfance, l’inspecteur en chef de la police [Vlad Ivanov]… Il y a sans doute une solution pour que les résultats soient bons même si Eliza n’est pas au mieux de sa forme.

Mon avis : le thème central du film, la corruption en Roumanie, est particulièrement d’actualité après le week-end électoral dans ce pays.

Si le couple a cru à la révolution et aux espoirs nés en 1989 en revenant de leur exil pour reconstruire leur pays, il a déchanté et décidé de tout faire pour que leur fille puisse partir étudier et faire sa vie à l’étranger. Cristian Mungiu a centré le scénario – et de très longues minutes de gros plans et de plans séquences parfois interminables – autour de la figure du père, qui a projeté sa vie sur sa fille, qui maintient aussi à elle seule le couple, il a une amante [Mălina Manovici] et couche sur le canapé. Il oublie de lui demander son avis, prend des décisions à sa place, sait ce qui est bien (les études, les morceaux de pommes soigneusement épluchés et découpés sur une assiette) ou mal (son petit copain motard passé par le lycée technique) pour elle. Ses certitudes vacillent quand même une fois, quand il revient là où il a heurté un chien en voiture dans la journée et finit par éclater en sanglots dans les broussailles. L’ambiance est lourde, par moment le film (presque 2h10) traîne en longueur, mais le mécanisme de la corruption, depuis la petite compromission, de la simple « magouille », jusqu’à la plus grande et aux renvois d’ascenseurs, est bien démont(r)é. Les jeunes procureurs pourront-ils mettre un terme à ces pratiques qui se reproduisent de de génération en génération? Au-delà du scénario principal apparaît en toile de fond un monde qui semble immuable, fait d’immeubles délabrés, d’habitats précaires en planches, de chiens errants, de chantiers interminables (« Na remont », en rénovation, comme j’ai pu le voir il y a plus de 20 ans dans les ex-pays de l’Est, avec même de savantes restaurations d’échafaudages plutôt que des façades).

Un film à voir malgré les quelques longueurs que j’ai ressenties…

Les étrangères d’Irina Teodorescu

pioche-en-bib.jpgCouverture de Les étrangères d'Irina TeodorescuUn livre trouvé parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.

Le livre : Les étrangères d’Irina Teodorescu, éditions Gaia, 2015, 218 pages, ISBN 978-2-84720-648-7.

L’histoire : en Roumanie, avant la chute du régime communiste. Joséphine a sept ans environ, un père roumain, une mère française. Après des vacances à Paris, de retour à Bucarest, sa professeure de violon, dont elle était secrètement amoureuse, est partie dans une autre ville. Elle se sent rejetée à l’école, seule dans la cour, seule au conservatoire. Elle finira son lycée à Paris, avec sa mère, alors que son père reste à Bucarest, où il se reconvertit comme luthier. Mais au lieu de passer les épreuves du bac, elle montre aux professeurs… son travail photographique, des portraits principalement. Alors qu’elle est de retour à Bucarest, où elle doit doubler sa terminale, toute la presse française parle de son geste de rejet du bac, elle est démarchée par un galeriste pour une exposition à Paris, tombe amoureuse de Nadia, 16 ans, danseuse qui rêve de devenir chorégraphe. Une folle passion débute…

Mon avis : peu à peu, le livre glisse de la narration à la troisième personne centrée sur Joséphine à la narration à la première personne, du point de vue de Nadia. Les deux parties, à la coupure pas si nette, sont très différentes. Au début, le roman explore l’altérité, Joséphine ne se sent chez elle ni à Paris, ni à Bucarest, elle est différente, étrangère partout. Au centre, une folle passion, celle pour Nadia, celle pour la photographie surtout, où elle cherche à montrer ce que l’on ne voit pas, l’âme humaine, quatre ans de passion et de fusion, de recherche sur le corps – en amour, par la photographie, la danse, et l’argent qui arrive à flots, permet des cadeaux nombreux et coûteux sans vraiment renouer les liens avec les siens… Et enfin la rupture, la nouvelle vie de Nadia, un univers avec une écriture totalement différente, la disparition de Joséphine du roman (elle n’est plus citée qu’ici ou là), remplacée par Kahj, à Kalior, avec pour témoin la statue du dieu doré du temple qui fait face à sa chambre. Je n’ai pas totalement adhéré à cette dernière partie… mais je vous laisse découvrir ce roman par vous-même!

Logo rentrée littéraire 2015Ce livre entre dans la catégorie roman pour le défi de la rentrée littéraire organisé à nouveau en 2015 par Hérisson.

Des nouvelles d’Alain de Guibert, Keller et Lemercier

Couverture de Des nouvelles d'Alain de Guibert, Keller et Lemercierpioche-en-bib.jpgEn cherchant dans les bacs de bandes dessinées de la médiathèque, j’ai trouvé cet album avec des auteurs que j’apprécie, (L’enfance d’Alan, La guerre d’Alan, tome 1tome 2 et tome 3), qui a aussi écrit avec et , le Photographe (voir tome 1, tome 2 et  tome 3).

Le livre: Des nouvelles d’Alain de Alain Keller (photographies et récits), Emmanuel Guibert (dessins et rédaction) et Frédéric Lemercier (couleurs et mise en page), éditions Les Arènes, 2011, 95 pages, ISBN 9782352041382 (l’ouvrage rassemble quatre récits parus de 2009 à 2011 dans la revue XXI, augmentés de deux chapitres inédits et d’annexes pleines de ressources sur le sujet).

L’histoire: depuis 1999, Alain Keller sillonne l’Europe au volant de sa vieille Skoda à la rencontre des Roms et des Tsiganes au Kosovo à la fin de la guerre de Yougoslavie, dans le village de Ljubenic (chapitre 1), dans le bidonville de Gazela près de Belgrade en Serbie (chapitre 2), en République Tchèque (chapitre 3), en Italie, à Milan puis dans le sud, en particulier à Lamezia Terme près de Naples (avec la coopérative Ciarapani, chapitre 4), en Slovaquie (chapitre 5) et en région parisienne avec des expulsions de Roms venus pour une part de Roumanie (chapitre 6). Partout, ils sont victimes de ségrégation, d’expulsions, d’exactions (dramatiques incendies volontaires).

Mon avis: dans le premier chapitre, on retrouve , le photographe de la série éponyme (voir tome 1, tome 2 et  tome 3), décédé depuis et qui a fait connaître ses co-auteurs de cette série, et , à Alain Keler. Comme pour le Photographe, l’album mêle photographies et dessins, avec d’importantes annexes. J’ai beaucoup aimé ce style de photo/BD reportage très intéressant, que ce soit sur le plan graphique, avec un savant mélange de photographies (pleines pages et plus petites), de dessins et de textes. A côté du reportage, il y a aussi l’interrogation du photographe sur son métier, l’intrusion dans la vie de gens souvent maltraités et mal-aimés, il comprend donc quand il est chassé d’un camp et se blesse en prenant la fuite (page 49: « il m’arrive souvent de penser que si un inconnu sonnait chez moi, entrait et commençait à photographier ma chambre à coucher, je le foutrais sans doute à la porte, moi aussi »). Un album à lire absolument!

Pour aller plus loin sur le même thème:

Couverture de Tsiganes, camp de concentration de Montreuil-Bellay, par Kkrist MirrorJe vous ai parlé de deux livres proposés à la fin dans la sélection de lecture : l’excellente bande dessinée Tsiganes, camp de concentration de Montreuil-Bellay, par Kkrist Mirror, et Tsiganes, sur la route avec les Roms Lovara de Jan Yoors. Vous trouverez d’autres suggestions sous le mot-clef tsigane.

Dans les annexes, j’ai relevé, parmi beaucoup d’autres, ces ressources sur le sujet: l’association Ecodrom à Montreuil-sous-Bois, le groupe Kesaj Tchave, la FNASAT / Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage en France. Dans la Vienne, l’ADAPGV 86 (association départementale pour l’accueil et la promotion des Gens du Voyage, affiliée à la FNASAT) gère un centre social qui fait un formidable travail sur Châtellerault, et, à Poitiers, une des seules aires de gens du voyage (avec Toulouse) installée à proximité d’un CHU, pour permettre aux familles de visiter leurs malades.

Logo top BD des bloggueursCette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

La bascule du souffle de Herta Müller

Couverture de La bascule du souffle de Herta Müller

pioche-en-bib.jpgAprès avoir lu L’homme est un grand faisan sur terre, La convocation et Animal du cœur, j’ai eu envie de poursuivre la lecture de cette auteure, prix Nobel de littérature en 2009. J’ai trouvé ce livre à la médiathèque.

 

Le livre : La bascule du souffle de Herta Müller, traduit de l’allemand par Claire de Oliveira, éditions de Gallimard, 2010, 306 pages, ISBN 9782070128839.

L’histoire : janvier 1945, en Transylvanie, région germanophone de Roumanie. Leopold Auberg, le narrateur, a 19 ans, homosexuel à l’occasion, vient d’apprendre qu’il a été désigné sur une liste pour être envoyé en URSS pour participer à la reconstruction du pays. Il part, accompagné des mots de sa grand-mère «Je sais que tu reviendras»… Mais à l’arrivée, le travail est dur, interné dans un camp, mal nourri comme ses camarades (sauf la dernière des 5 années qu’il passe là-bas), le travail est dur entre l’usine de charbon et une cimenterie, peu de pain, beaucoup de poussière, et en permanence, l’ange de la faim qui l’accompagne comme ses compagnons d’infortune, dont plus 300 vont mourir rien que dans son camp…

Mon avis : Herta Müller a commencé, en 2001, pour rédiger ce texte, par interroger le poète germano-roumain Oskar Pastior. ils devaient écrire le récit à quatre mains, mais celui-ci est décédé prématurément. Elle raconte ici un épisode peu connu de l’après Seconde Guerre mondiale. Celle-ci n’est pas encore terminée que les Russes exigent de la Roumanie qu’ils envoient en Russie de jeunes roumains germanophones (la région d’om est originaire Herta Müller et qui est au centre des ses autres livres), soupçonnés d’avoir été d’importants soutiens de l’Allemagne nazie. La mère de l’auteure a été elle-même déportée dans ces camps. Le texte est fort, poétique malgré le sujet lourd qui est traité, et j’ai de plus en plus envie de découvrir cette auteure en version originale… de toute façon, la VO est indispensable pour lire d’autres livres, puis que j’ai maintenant lu presque tous ceux qui ont été traduits en français (L’homme est un grand faisan sur terre, La convocation et Animal du cœur), il ne me reste plus qu’à lire Le renard était déjà le chasseur… Pourquoi les éditeurs français ne nous permettent-ils pas d’accéder à d’autres textes?

Animal du coeur de Herta Müller

Couverture de Animal du coeur de Herta Müller

pioche-en-bib.jpgJ’ai trouvé ce livre parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque. Une auteure que j’ai découverte lorsqu’elle a eu le prix Nobel de littérature, en 2009. J’ai lu L’homme est un grand faisan sur terre, La bascule du souffle et La convocation.

Le livre : Animal du cœur de Herta Müller, traduit de l’allemand par Claire de Oliveira, éditions Gallimard, 2012 (parution en Allemagne en 1994), 232 pages, ISBN 9782070129706.

L’histoire : à Timisoara sous Ceausescu, donc sans doute dans les années 1980. La narratrice poursuit ses études et vit dans une chambre avec cinq autres filles. un jour, son amie Lola est retrouvée suicidée dans son placard, elle avait été violée et été tombée enceinte de son professeur de sport. La narratrice et trois camarades, Edgar, Kurt et Georg, refusent l’hypothèse du suicide. Tous les quatre sont dès lors poursuivis par le parti, perquisitions, accidents, persécutions également sur la famille… ils entrent dans la vie active, sont dispersés aux quatre coins du pays, mais les persécutions ne cessent pas. Quand apparaît un nouveau personnage, Tereza, qui devient la nouvelle amie de la narratrice, la vie ne devient pas plus facile.

Mon avis : les œuvres de Herta Müller sont traduites petit à petit en français depuis qu’elle a reçu le prix Nobel de littérature. Celui-ci est paru en Allemagne il y a presque vingt ans. Le roman est probablement en partie auto-biographique, la narratrice fait partie de la minorité souabe roumaine, germanophone. Le père a été enrôlé dans la Waffen-SS. C’est aussi un roman sur la dictature, son système de délation, de persécution, mais aussi les gens qui réussissent à détourner le matériel de l’usine, de l’abattoir, la grande débrouille, y compris pour la couturière, qui réussit à faire du trafic en allant en Hongrie. Avec en toile de fond la mort de ceux qui veulent fuir la dictature, noyés dans le Danube, rattrapés par les chiens ou abattus par les soldats. Un livre très poignant sur ce système qui a broyé tant de gens, les a poursuivi jusque dans l’exil (je vous laisse découvrir dans le livre). Un livre d’une seule traite, sans séparation en chapitres, sans coupure. A lire absolument! En se rappelant que si la dictature est tombée, des dizaines d’années de système D en font l’un des pays européens où la corruption reste un fléau quotidien.

Kyra Kyralina de Panaït Istrati

Couverture du tome 1 des oeuvres complètes d'Istrati

pioche-en-bib.jpgLe château de Schönbrünn à Vienne en Autriche en 1993, 2, de plus près Pour le défi Mars, mois de l’Europe centrale organisé par Schlabaya, j’ai fait une descente à la médiathèque où j’ai emprunté une dizaine de livres…

Le livre : Kyra Kyralina de Panaït Istrati, lu dans Œuvres I, édition établie et présentée par Linda Lê, éditions Albin Michel, 2005, [1ère édition en 1923, dans la revue Europe, texte réuni en volume en 1924], pages 49-175, ISBN 978-2752901347.

L’histoire : à une époque indéterminée (après 1867), à Braïla, un port de Roumanie. Adrien part à une foire avec Stavro, un marchand forain. Ce dernier fait la connaissance de Mikhaïl, avec qui il a une relation homosexuelle. Les trois hommes racontent des histoires qu’ils ont vécues. Stavro finit par céder et raconter son enfance, peu après la guerre de Crimée (qui eut lieu de 1853 à 1856). Il vivait avec sa mère et sa sœur, Kyra. Son père ne faisait des apparitions que pour battre sa mère, qui de son côté faisait la fête avec des hommes en son absence. Un jour, le père cogne plus fort que d’habitude, laisse la mère pour morte enfermée dans la cave, emmène de force son fils. Celui-ci arrive à s’échapper, à retrouver sa mère. Celle-ci, avec l’aide de ses frères, réussit à s’échapper, mais les frères ratent le père sur qui ils ont tiré. Les deux enfants, hébergés dans un hôtel, devaient être à l’abri… mais pas goût de la liberté, ils rencontrent un homme et finissent enlevés par lui, emmenés en Turquie sans doute. Stavro est séparé de sa sœur, il vit dans une sorte de prison dorée sans jamais l’oublier ou renoncer à la retrouver…

Mon avis : le roumain Panaït Istrati (1884-1935) a écrit ce texte directement en français. C’est la première des quatre œuvres formant le cycle des Récits d’Adrien Zograffi et des membres de sa famille, génération d’Haïdoucs. Le roman se présente un peu comme un conte oriental, raconté entre amis au coin du feu (enfin, d’une grange). Je ne me suis pas ennuyée, il y a du rythme, mais pas vraiment séduite non plus…

Pour aller plus loin : les archives ont été déposées en 1997 par l’Association des amis de Panaït Istrati à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC).

Floraison sauvage, de Aharon Appelfeld

Couverture de Floraison sauvage, de Aharon Appelfeld

pioche-en-bib.jpg Le château de Schönbrünn à Vienne en Autriche en 1993, 2, de plus près Pour le défi Mars, mois de l’Europe centrale organisé par Schlabaya, j’ai fait une descente à la médiathèque où j’ai emprunté une dizaine de livres… L’auteur, Aharon Appelfeld, vit désormais en Israël, mais il a placé son récit dans sa région natale, la Bucovine, dans les Carpates, aujourd’hui au nord de la Roumanie.

Le livre : Floraison sauvage de Aharon Appelfeld, traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti, éditions de l’Olivier, 2005, 259 pages, ISBN 9782879294919.

L’histoire : dans les Carpates à une époque indéterminée (après le passage de Napoléon, en tout cas). L’hiver s’annonce en haut de la montagne pour Gad et Amalia, frère et sœur, gardiens depuis six ans d’un cimetière devenu l’été lieu de pèlerinage où sont enterrés des Juifs victimes d’un pogrom. Les pèlerins ne leur laissent guère d’argent pour vivre, ils cultivent un coin de jardin, ont une vache et deux chiens, le cheval est mort il y a des années, peu après leur oncle, leurs parents et leurs frères et sœurs étaient morts de maladie. Pour se réchauffer, ils boivent, de plus en plus. En descendant au village, Gad a parfois une aventure. Mais coincés en haut par la neige et l’hiver, Gad et Amalia vont finir dans le même lit… Une descente aux enfers avant le retour de l’été…

Mon avis : un livre dont on ne sort pas indemne… La quatrième de couverture dit que l’auteur recrée le couple d’Adam et Ève… Là, je n’ai franchement pas compris. En revanche, il crée un univers clos, bien loin de tout, hostile, on sent que les juifs ne sont pas les bienvenus dans ce coin déshérité, où la maladie sévit, le typhus semble endémique et récurrent. Une écriture très efficace, qui rend bien l’isolement du frère et de la sœur, leur dur labeur (la vache à traire, le cimetière à entretenir, etc.), l’effet de l’alcool, la bascule petit à petit dans la folie et l’inceste…

Policier, adjectif

Affiche de Policier, adjectif Je termine les comptes rendus du festival Télérama avec Policier, adjectif du roumain Corneliu Porumboiu.

Le film : un policier, Cristi, enquête sur un petit trafic de cannabis entre jeunes lycéens. Le frère de l’un d’eux l’a dénoncé à la police, le procureur et le supérieur du flic veulent l’arrêter tour de suite, le policier a un doute et poursuit ses filatures, domicile, lycée, domicile, passage au commissariat…

Mon avis : deux heures de filatures, toujours le même trajet, sans aucune action, avec plein de silences, c’est trop! La critique avait été partagée sur ce film, pour moi, c’est trop long sans aucune histoire… La salle a fini par rire nerveusement quand la femme du flic, professeure, le reprend à propos d’une faute d’orthographe… liée à une réforme de l’académie de Roumanie. Faute reprise un peu plus tard par son supérieur… Sinon, vous verrez un commissariat pourri, des relations entre flics, avec le service d’identification. Au fait, le révolver sur l’affiche est une escroquerie, il n’y en a pas de tout le film… Pendant cinq minutes, Cristi tourne autour d’un rubalise (ces rubans qui balisent les chantiers… ou des scènes de crime), vous vous dites chouette, il va y avoir un mort et de l’action! Et bien non, c’est juste un rubalise de chantier, autour d’un trou dans la chaussée… Bon, si vous voulez vous rendre compte par vous même, il passera peut-être un jour sur Arte en seconde partie de soirée? Ou bien votre médiathèque préférée l’achètera, plus pratique pour zapper la huitième journée de filature identique aux précédentes (j’exagère à peine…). De Bucarest, vous ne verrez qu’une rue, un appartement et un commissariat…

La liste des films de la sélection 2011 du festival Télérama que j’ai vus :

La convocation de Herta Müller

Couverture de la Convocation de Herta Müller pioche-en-bib.jpgQuand Herta Müller a reçu le prix Nobel de littérature, je me suis ruée le soir même à la médiathèque mais n’avais pu que m’inscrire sur la longue liste d’attente. Il y a déjà quelques semaines que j’avais pu avoir L’homme est un grand faisan sur terre, juste avant noël c’était mon tour pour la convocation… Depuis, j’ai aussi lu Animal du cœur et La bascule du souffle.

Le livre : la convocation, de Herta Müller, traduit de l’allemand par Claire de Oliveira, éditions Métailié, 208 pages, 2001, ISBN 978-2-86424-742-5.

L’histoire : dans une dictature, dans les années 1980-1990, le récit est assez intemporel et ne précise pas non plus le lieu exact. La narratrice travaillait dans une usine de confection. Un jour, elle a glissé des messages dans des pantalons en partance pour une maison de haute couture italienne. Elle a été convoquée à la Securitate, elle reçut un avertissement, puis fut accusée, à tort semble-t-il, d’avoir envoyé d’autres billets vers la Suède. Le récit se passe entièrement dans le tramway, qu’elle a pris tôt le matin car elle est à nouveau convoquée. Elle craint le commandant Albu, qui va sans aucun doute à nouveau l’humilier par un baise-main humiliant, tout baveux en lui écrasant les doigts… Tout au long du parcours, elle repasse sa vie et celle de ses proches en revue, sans ordre chronologique, son premier mari reste un mystère, son second mari a aussi été viré de sa boîte (il y a volé du métal pour fabriquer des antennes de télé) et est devenu alcoolique, son amie Lilly a tenté de fuir du pays avec un officier et a été abattue. Son mari a été renversé en moto, simple accident ou pression sur lui ? Qui moucharde ? Au passage, le lecteur apprend qu’elle est un enfant de remplacement. Le tramway avance vaille que vaille, le chauffeur s’arrête pour aller s’acheter des bretzels. Soumise à une telle pression, deviendra-t-elle folle comme certains de ses voisins ? Arrivera-t-elle à la Sécuritate, et à l’heure ?

Mon avis : un livre extrêmement fort, avec des phrases courtes, bien ciselées, très belles pour raconter un quotidien et une vie sordide… Je comprends pourquoi l’auteure a reçu le prix Nobel. Je trouve que le titre allemand original est plus parlant : Heute wär ich mir lieber nicht begegnet. Ni le lieu (on reconnaît certes assez bien la Roumanie) ni la date ne sont précisés, car il s’agit plus de dénoncer la dictature en général qu’une dictature en particulier.

Le troisième livre traduit en français de Herta Müller n’est pas encore disponible à la médiathèque, les autres seront maintenant sans doute vite traduits en français, j’espère… Sinon, je me les ferai livrer en allemand…

logo tour du monde en lecture J’ai sélectionné ce livre pour le tour du monde en lecture proposé par Livresque.

L’homme est un grand faisan sur terre de Herta Müller

pioche-en-bib.jpgQuand Herta Müller a reçu le prix Nobel de littérature il y a quelques semaines, je me suis précipitée à la médiathèque, mais d’autres étaient déjà passés avant moi, j’avais posé des réservations sur les deux titres (sur trois traduits en français) et en ai reçu enfin un.

Le livre : L’homme est un grand faisan sur terre, de Herta Müller, traduit de l’allemand par Nicole Bary, éditions Maren Sell et Cie, Paris, 1988, 106 p., ISBN 2-87604-0190 (il a été édité en Folio en 1997, et réédité depuis le prix Nobel).

L’histoire : dans un petit village roumain germanophone. Windisch, le meunier, se promène dans le village, en décrit ses habitants, le mégissier, le gardi du moulin, le menuisier, etc. Il souhaite à tout prix fuir son pays, et tout prix n’est pas un vain mot, il doit payer le maire et le policier en farine, mais aussi livrer sa fille Amélie (sa femme est trop laide et trop vieille) au curé chargé de délivrer les certificats de baptêmes et au policier chargé des papiers… Réussiront-ils à passer à l’ouest ?

Mon avis : ce récit court est très poignant, très dur sur le fond de misère du village roumain, mais aussi du passé (les prisonniers en Russie après la Seconde Guerre mondiale, les superstitions à propos d’un arbre, des chouettes, etc.). Les phrases sont courtes? Je lirais bien d’autres livres de cette auteure (voir ici, lus depuis, La convocation, Animal du cœur, La bascule du souffle), aussi en allemand…