Archives de l’auteur : Véronique Dujardin

Saint-Amour de Benoît Delépine et Gustave Kervern

Affiche de Saint-Amour de Benoît Delépine et Gustave de KervernCe week-end, ma sortie cinéma était pour Saint-Amour de Benoît Delépine et Gustave Kervern [voir aussi les films où il a un rôle principal,  Dans la cour de Pierre Salvadori et Cigarettes et chocolat chaud de Sophie Reine].

Le film : bien qu’officiellement en retraite depuis cinq ans, comme chaque année, Jean [Gérard Depardieu], veuf, éleveur dans le Morvan, vient présenter son meilleur taureau au salon de l’agriculture. Il est accompagné de son fils, Bruno [Benoît Poelvoorde] qui n’a pas la foi pour reprendre l’élevage et profite comme chaque année de sa semaine de vacances au salon pour faire le « tour de France des vins », de stand en stand. Jean l’embarque en taxi, avec Mike [Vincent Lacoste] au volant. Ils y croiseront un propriétaire de la maison d’hôte dépressif [Michel Houellebecq], un enterrement de vie de jeune fille, Venus [Céline Sallette], une femme en mal d’enfant.

Mon avis : vous croyez que c’est normal de plus rire pour un documentaire (Merci Patron ! de François Ruffin la semaine dernière) que pour une comédie ? Bon, je pensais que ce film était au moins drôle et rendait hommage aux vignobles traversés, mais à part une plaquette sur le vin achetée sur une aire d’autoroute (et largement montrée à maintes reprises), il est peu question de vin de qualité, de terroir, même pas pour le Saint-Amour (un vin du sud du Jura) qui donne son nom au film, seulement beaucoup de beuveries et de « coucheries » (suggérées la plupart du temps)… Bon, aller, je n’ai pas aimé et me suis souvent ennuyée, mais beaucoup de spectateurs semblent apprécier ce film si on en juge par les entrées de la première semaine, une personne sur les trois qui étaient avec moi l’a aimé, l’autre a dit « bof », la dernière « sans intérêt », je partage son avis…

Journée maladies rares 2016 et Firendo

Le 29 février avait lieu la journée mondiale des maladies rares, je trouve qu’on en a très peu parlé nationalement… même si à Poitiers la presse locale (papier et France 3)  a relayé les actions de l’alliance maladies rares : présence au CHU ce jour-là et organisation d’un colloque avec l’agence régionale de santé, l’AFM téléthon, la Fondation maladies rares et le CHU (filière AVA Multi) le 3 mars. En pleine semaine, impossible pour moi d’y participer.

Filière AVA multiple, ça ne vous dit sans doute pas grand chose. Au cours du premier plan maladies rares ont été créés les centres de référence et les centres de compétences, des consultations spécialisées qui regroupent les cas en gros par types de maladies rares, afin d’assurer un meilleur diagnostic et la prise en charge la plus adaptée pour chacun. Créé à cette occasion, le site Orpha.net, plate-forme des maladies rares, a été sans cesse actualisé et amélioré. Dans le deuxième plan maladies rares, ces dernières ont été organisées en « filières » qui rassemblent des professionnels de santé (médicaux, paramédicaux, chercheurs, informaticiens, autorités de contrôle, …) et les associations de patients. Les différentes bases de données qui peuvent exister dans les filières, services hospitaliers de recherche etc. sont en cours de fusion dans une grande base de données, la BNDR (Banque Nationale de Données Maladies Rares).

logo de la Filière des maladies rares endocriniennesPour ma part, je participe à un groupe de travail de la filière Firendo (pour Filière maladies Rares ENDOcrines), sur l’annonce du diagnostic, par l’intermédiaire de  l’association Valentin Apac, association de porteurs d’anomalies chromosomiques. Si vous êtes concerné par une maladie rare endocrine, ou concerné pour l’un de vos proches ou de vos patients (professionnels de santé), je vous engage à aller visiter le site de la filière Firendo, un très gros travail a été réalisé pour rendre clair et accessible à tous une information souvent complexe, je vous recommande particulièrement le guide des maladies. A partie d’un accès simple par un corps humain montrant les diverses glandes endocrines, vous aurez bientôt accès, au delà du nom des maladies (pour moi Diabète insipide central acquis depuis 1990), à des définitions et renvois vers la consultation spécialisée la plus adaptée et les associations de patients qui peuvent vous apporter du soutien.

Merci Patron ! de François Ruffin

Affiche de Merci Patron ! de François RuffinJe suis allée voir Merci Patron !, premier  (documentaire) de François Ruffin, patron de Fakir, le journal indépendant d’Amiens « fâché avec tout le monde ou presque », comme dit sa devise (suivre le lien pour le découvrir).

Le film : 2012, dans le Nord de la France (Nord, Pas-de-Calais et Picardie). François Ruffin commence son enquête en fan absolu de Bernard Arnault, T-shirt, voiture, mug, tout le clame: « merci Bernard »! Sur le mode de la parodie, il va essayer de réconcilier d’ex-salariés du groupe de luxe contrôlé par « Bernard » et licenciés pour cause de fermeture, délocalisations, etc. Le voici à Poix-du-Nord, près de Valenciennes, avec l’ancienne déléguée CGT (une soeur-ouvrière) d’une usine qui fabriquait des costumes Kenzo, rachetée et fermée par LVMH, délocalisée en Pologne… Jocelyne et Serge Klur tirent la langue pour vivre avec quelques centaines d’euros par mois à deux, heureusement que le jardin leur apporte les légumes, mais ils sont menacés d’expulsion. Il les embarquent, avec un inspecteur des impôts (belge… le siège du groupe étant en Belgique) et d’ex-vendeurs de la Samaritaine à l’assemblée générale du groupe. Il est expulsé manu-militari. Peu après, devant les menaces de saisie des biens des Klur, il monte une opération de « chantage », si « Bernard » ne paye pas, ils perturberont les grands raouts et événements privés organisés pour les actionnaires…

Mon avis : ce documentaire est JUBILATOIRE! Avec beaucoup d’humour, un financement par les lecteurs de Fakir et les militants qui le soutiennent, François Ruffin tourne en ridicule ce Bernard Arnaud si suffisant, que l’on voit tout au long de sa carrière par des extraits d’interviews, un Bernard si condescendant (quoi, ces gens qu’il a licenciés ne comprennent pas que c’est pour son bien à lui???), mais qui voit pointer la menace et cède à un chantage qui ressemble à une blague de potache et qui fonctionne au-delà des espérances des protagonistes! La dette de Klur est épongée, lui retrouve un emploi (en CDD puis six mois plus tard en CDI avec une petite pression en plus) dans le magasin Carrefour de son choix, sur intervention du chef de la sécurité de Bernard Arnaud (euh, pas sûre que lui garde longtemps son emploi!). Le ton humoristique rend encore plus percutant ce film condensé en 1h30!

Le service de sécurité rapproché de Bernard Arnaud est issu de nos si doués renseignements généraux… Pas étonnant qu’ils laissent passer les terroristes quand on voit comment l’un de leur ex-haut responsable se fait piéger!!! La mobilisation de la force publique (aux frais de l’État je suppose) sous la forme d’une rangée de CRS pour « sécuriser » une assemblée générale pose aussi question du point de vue du (de la) citoyen(ne) et de l’actionnaire (où est la démocratie supposée des assemblées générales d’actionnaires?)! La presse du groupe de Bernard Arnaud a été muselée : Le Canard enchaîné (24 février 2016) a rapporté pourquoi et comment les journalistes du Parisien Aujourd’hui en France et des Échos n’ont pas pu faire de critique positive du film. La presse du groupe Lagardère a aussi tenté de limiter les « dégâts » possibles en matière de publicité des gros annonceurs du luxe: Elle, mais aussi Europe 1 en ont fait les frais, avec une annulation d’une interview de François Ruffin sur Europe 1, puis une reprogrammation sur un autre créneau de la radio, après une mobilisation sur les réseaux sociaux pour relayer cette censure!!!

Abécédaire chat, troisième étape

Abécédaire chat, troisième étapeCe mois-ci, j’ai bien avancé mon projet de chat qui entre dans le cadre du SAL (projet de broderie en commun) « Chat va vider mon placard » (étendu aux broderies d’autres animaux), coordonné par Minouche. J’ai fini le H (après bien des hésitations pour suivre le modèle vu le nombre de lignes) et commencé le A. C’est un modèle d’abécédaire pris dans le livre Brodez-moi chat d’Isabelle Haccourt-Vautier et Adeline Cras.

Revoir: la première, la deuxième étapes, à suivre…

César 2016…

Affiche de Mustang de Deniz Gamze ErgüvenSi je n’ai pas vu le film primé pour le meilleur film (Fatima de Philippe Faucon) j’ai vu la plupart des films récompensés, ce qui ne sera sans doute pas le cas pour les Oscar ce week-end, puisque parmi les films sélectionnés, je n’ai vu que Mustang de Deniz Gamze Ergüven et Le fils de Saul de László Nemes. Vous pouvez voir ou revoir mes avis en suivant les liens… et voir que ce ne sont pas forcément des films que j’ai préférés. Je suis très heureuse des récompenses de Mustang de Deniz Gamze Ergüven.

Les films primés aux César que j’ai vus

  • Trois souvenirs de ma jeunesse (meilleur réalisateur pour Arnaud Desplechin)
  • Marguerite de Xavier Giannoli (meilleure actrice pour Catherine Frot, meilleurs costumes pour Pierre-Jean Larroque, meilleurs décors pour Martin Kurel, meilleur son pour François Musy et Gabriel Hafner)
  • La loi du marché de Stéphane Brizé (meilleur acteur pour Vincent Lindon)
  • Mustang de Deniz Gamze Ergüven (meilleur scénario original pour Deniz Gamze Ergüven et Alice Winocour, meilleur premier film, meilleur montage pour Mathilde Van de Moortel, meilleure musique originale pour Warren Ellis)

Les films sélectionnés aux César mais non primés que j’ai vus

Les films primés aux César que je n’ai pas vus

  • Fatima de Philippe Faucon (meilleur film, meilleur espoir féminin pour Zita Hanrot, meilleure adaptation)
  • La tête haute d’Emmanuelle Bercot (meilleur espoir masculin pour Rod Paradot, meilleur acteur dans un second rôle pour Benoît Magimel)
  • L’hermine (meilleure actrice dans un second rôle pour Sidse Babett Knudsen)
  • Birdman d’Alejandro González Iñárritu (meilleur film étranger)
  • Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent (meilleur documentaire)
  • Valley of Love (meilleure photographie pour Christophe Offenstein)
  • Le petit Prince de Mark Osborne (meilleur film d’animation)
  • Le Repas dominical de Céline Devaux (meilleur court métrage d’animation)
  • La Contre-allée de Cécile Ducrocq (meilleur court métrage)

Nobody au TAP

Le théâtre et auditorium de Poitiers après l'ouverture du viaduc, février 2014Nobody? Non, il n’y avait pas personne au théâtre et auditorium de Poitiers / TAP, c’est le titre d’un spectacle présenté il y a quelques semaines en partenariat avec le festival Filmer le travail. Nobody, c’est donc une « performance filmique », comme dit le programme, une pièce de théâtre jouée sur scène avec un film produit en direct, d’après des textes de Falk Richter mis en scène par Cyril Teste et jouée par le Collectif MxM.

Le spectacle: sur la scène, au premier plan un « open-space » et un « bocal de confession » (une salle où défilent les salariés soumis à des questions par leur encadrant), à l’arrière-plan, une salle de réunion et une pièce cachée par un mur (tour à tour chambre à coucher, toilettes, salle de bain, autre bureau), sur le côté, un couloir avec l’ascenseur, le tout derrière une grande vitre. Au-dessus, un écran où est projeté le film réalisé en direct. Sur scène, les acteurs et deux cameramen tout vêtus de noir, qui filment aussi dans la pièce quasi invisible. Ces consultants spécialisés en restructurations d’entreprise sont eux-mêmes soumis à une méthode de « management » agressive, le « benchmarking »: chaque employé espionne et note ses collègues, ils notent et évincent chez les clients, mais aussi dans leur propre entreprise.

Mon avis: c’est à une grande performance que le spectateur assiste en allant voir cette pièce de théâtre / film éphémère, réalisé en direct et disparaissant au fur et à mesure… Il est aussi invité à réfléchir, certes, cette entreprise semble pousser au maximum des méthodes de direction de ses employés, mais est-ce si loin de ce que beaucoup vivent au quotidien? Travail jusqu’à pas d’heure, stagiaires, personnes poussées dehors, vie de famille qui en pâtit. En 1h30, énormément de thèmes sont soulevés, posés sans commentaires, au spectateur d’en tirer les conclusions. N’hésitez pas à aller la voir si elle passe près de chez vous. Cette pièce devrait être vue impérativement par nos dirigeants, au premier rang desquels Myriam El Khomri (la « sinistre » du travail), Emmanuel Macron et le premier ministre!

Je vais essayer de vous parler très vite des autres spectacles de ma saison 2015-2016

Réparer les vivants, de Maylis de Kerangal

Couverture de Réparer les vivants, de Maylis de KerangalC’est une amie (voir son témoignage sur le camp de la Chauvinerie à Poitiers) qui m’a passé ce livre en version « poche », il en a été beaucoup question en 2014 (nombreux prix littéraires) et le magazine Causette publie une série de reportage sur son adaptation en cours au cinéma par Katell Quillévéré. De la même auteure, (re)voir mon avis sur Tangente vers l’est et À ce stade de la nuit.

Le livre : Réparer les vivants, de Maylis de Kerangal, collection Verticale, éditions Gallimard, 288 pages, 2014, ISBN 9782070144136 (lu en Folio n° 5942, 2015, 299 pages).

L’histoire : de nos jours près du Havre. Trois jeunes gens partent au petit matin faire une sortie en surf. Au retour, le chauffeur s’endort au volant. Simon, 19 ans, qui n’avait pas mis la ceinture de sécurité, est gravement blessé à la tête. Dès son arrivée au service de réanimation, il s’avère qu’il est dans un état désespéré et rapidement en état de mort cérébrale. Il pourrait être donneur de ses organes…

Mon avis : beaucoup de lecteurs ou de critiques parlent du réalisme de ce livre, qui a fait pleurer Audrey Azoulay, la nouvelle ministre de la culture (Le Journal du Dimanche du 14/02/2016, repris pas Le Canard enchaîné du 17 février). Réalisme peut-être, surtout de longues descriptions que j’ai trouvées parfois ennuyeuses (les états d’âme de l’un ou de l’autre des personnages, avec de longues digressions qui ont pour fonction surtout de faire reprendre leur souffle au lecteur). Je trouve dommage que pour un livre qui semble documenté sur le thème des greffes, il y ait une grosse imprécision page 185 (en édition Folio): dans la « vraie vie » (« vraie mort » plutôt), le foie et les reins ont chacun deux receveurs, pas un seul, car il y a deux reins et deux lobes au foie, le grand -lobe droit- en général pour un adulte et le petit -lobe gauche- pour un enfant. Mises à part ces réserves, le livre a le mérite de populariser tout ce qui entoure les greffes, et notamment la greffe cardiaque : constat de la mort cérébrale, annonce aux parents, recueil du consentement (du mort, via les parents, s’il n’a pas dit son opposition de son vivant), organisation de la répartition des organes par l’agence de biomédecine, prélèvements et réimplantation (que pour le cœur dans le livre). Presque 300 pages pour juste 24h très denses (5h30 lorsque le réveil de Simon sonne pour partir à la plage, 5h30 quand son cœur bat dans la poitrine de Claire, la receveuse) dans la vie de tous les personnages, mais qui ne m’ont pas émue, contrairement à certains témoignages que je suis en train de relire et qui seront prochainement édités en livrets par l’association Valentin Apac, association de porteurs d’anomalies chromosomiques. Au passage, rappelons qu’il est préférable de faire part de votre position par rapport aux dons d’organe de votre vivant (je suis résolument POUR) comme il vaut mieux aussi préparer ses directives anticipées (pas réservées aux mourants, un accident peut arriver cf. le cas Vincent Lambert). Il est possible dans certaines conditions de faire des dons d’organe entre vivants: reins, mais aussi foie (un gros fragment d’un lobe gauche d’adulte, greffé sur un nourrisson, il régénérera en quelques mois chez le donneur, un lobe droit d’un adulte à un autre adulte).

Un bonnet en jacquard

Bonnet en jacquard, tricot recto et versoCet automne, je me suis lancée dans un projet en jacquard pour Danielle, un ensemble coordonné bonnet et écharpe créé par KAZEKOBO et paru dans Bonnets en jacquard (éditions de Saxe, 2015). Voici d’abord le bonnet, vous remarquerez que j’ai fait attention au dos, pas de fils qui traînent!

Bonnet au jacquardUne couture et voici le résultat, il n’a pas dû servir beaucoup avec cet hiver particulièrement doux, mais des gelées sont annoncées cette semaine en Poitou.

Les innocentes d’Anne Fontaine

Les innocentes d'Anne FontaineJe suis allée voir hier Les innocentes d’Anne Fontaine (revoir mon avis sur un de ses films précédents, La fille de Monaco).

L’histoire : en Pologne, en décembre 1945. Dans un hôpital temporaire de la Croix Rouge,  Mathilde Beaulieu [Lou de Laâge], fille d’ouvriers communistes, assiste Samuel [Vincent Macaigne], le chirurgien juif dont toute la famille a été décimée à Bergen-Belsen. Un jour, une jeune sœur d’un couvent de bénédictines vient chercher de l’aide : l’une des religieuses souffre en couches depuis 24 heures. Contre l’ordre établi (les Polonais doivent être aidés par la Croix-Rouge polonaise), elle finit par se rendre au couvent, pratique une césarienne avec les moyens du bord, avant d’apprendre que sept religieuses sont enceintes et sur le point d’accoucher, toutes ont été violées il y a 9 mois par des soldats soviétiques. La Mère supérieure [Agata Kulesza] lui fait jurer le silence, elle confiera l’enfant au village, il n’est pas question qu’elle revienne. Mais l’une des religieuses, Maria [Agata Buzek], promet de la faire entrer pour vérifier les suites de la césarienne. Au retour de cette deuxième visite, des soldats russes arrêtent son véhicule et entreprennent de la violer, arrêtés in-extremis par leur supérieur. Il ne la laisse cependant pas passer et elle doit retourner au couvent…

Mon avis : Anne Fontaine s’est inspirée de l’histoire de Madeleine Pauliac dont elle a eu connaissance par son neveu, qui détenait son journal intime. Elle mêle plusieurs thèmes, les viols commis par des soldats, les enfants abandonnés ou orphelins de guerre, la foi / les fois (catholique, juive, communiste?), l’occupation de la Pologne dans les mois qui suivent la Deuxième Guerre mondiale. La vision semble parfois un peu simplistes: les médecins soignent sans arrière-pensée, alors que dans le camp des religieuses, il y a certes la foi pour la quasi totalité (pas toutes), mais aussi le secret, l’infanticide, le suicide… pas très catholiques! Révéler le secret serait la mort du couvent, dont les biens sont convoités par le nouveau gouvernement communiste. La mère supérieure a cru bon de se débarrasser des premiers bébés en les confiants à Dieu (au pied d’un calvaire dans le froid de l’hiver polonais) plutôt qu’à une famille, mais elle est « punie » (je fais un raccourci qui me semble implicite dans le film) car victime d’une syphilis à un état avancé, qu’elle refuse de laisser soigner. Je trouve que ce film n’est cependant pas aussi fort que Ida, de Paweł Pawlikowski, qui abordait le thème d’une petite fille juive cachée dans un couvent polonais.

Macbeth de Verdi, adapté par Fabrizio Cassol et Brett Bailey au TAP à Poitiers

Le théâtre et auditorium de Poitiers après l'ouverture du viaduc, février 2014Jeudi soir, je suis allée voir Macbeth de Verdi, adapté par Fabrizio Cassol et mis en scène par Brett Bailey (revoir l’année dernière Exhibit B), au théâtre et auditorium de Poitiers / TAP. Heureusement que j’avais choisi la représentation de 19h30 (comme pour beaucoup de spectacles de ma saison 2015-2016 ), à part des micro-endormissements de 20h10 à 20h20 (merci à mon voisin qui a veillé à me réveiller jusqu’à ce que le « coup de barre passe »), j’ai réussi à tout voir!

Le spectacle: sur la scène, à gauche (à jardin), dix chanteur(se)s noir(e)s [la compagnie Third World Bunfight], victimes de guerre, exilés de force ou anciens enfants soldats, comme le souligne le générique. À droite (à cour), douze musicien(ne)s blanc(he)s [le No Borders Orchestra] et le chef d’orchestre [Premil Petrovic]. Au centre, un podium surmonté d’un écran sur lequel sont projetées des textes sur les massacres constatés par les médias ou l’ONU, des photos en noir et blanc, de Marcus Bleasdale et Cedric Gerbehaye, qui en témoignent, des motifs de tissus africains, des oiseaux comme composés en pièces de tan-gram qui s’animent, etc. De chaque côté de la scène, une petite estrade individuelle sur laquelle un soliste vient de temps à autre prendre place. Et deux écrans de surtitrage en français et en anglais (le texte est en italien). Fabrizio Cassol a condensé l’opéra, passé de 2h50 environ à 1h40, et l’a transposé, avec Brett Bailey à la mise en scène, dans le Congo victime d’une guerre civile.

Mon avis : comme dans la pièce de Shakespeare adaptée par Verdi, Macbeth [Owen Metsileng] reste un général, sa femme [Nobulumko Mngxekeza] une intrigante et Banquo [Otto Maidi] ne se laisse pas faire. Les trois sorcières sont aussi bien là, habillées et masquées de blanc. La transposition au cœur de la guerre civile du Congo est très forte, surtout que les chanteurs sont aussi (et même avant-tout) des comédiens, tous bougent, changent de costumes, manipulent des décors simples (caisses gerbables, sacs de vêtements, malle, chaise en plastique, …), rien à voir avec un opéra classique statique. Le tout est souligné et mis en valeur par un très beau travail sur la lumière [Felice Ross]. Cela donne l’impression très forte d’assister à une pièce de théâtre chantée, un retour à Shakespeare plus qu’à Verdi… alors que l’opéra est pourtant bel et bien là, même s’il est coupé et adapté autour de la guerre civile et ses conséquences, la souffrance des civils, l’exil, les viols de guerre (suggéré mais bien là), les meurtres, les profiteurs à l’affût de gros bénéfices qui s’accaparent des compagnies minières néo-colonialistes. Un spectacle très fort, s’il passe près de chez vous, n’hésitez pas à aller le voir!

Pour découvrir un extrait proposé par la compagnie Third World Bunfight

MACBETH by BRETT BAILEY / Third World Bunfight par Free State Productions sur Vimeo.