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Poitiers, le portail des Augustins

Le portail de l'ancien couvent des Augustins à Poitiers Le couvent des Augustins se trouvait à l’emplacement actuel du magasin des Augustins puis du printemps (fermé depuis), place de l’hôtel-de-ville. Le couvent a été détruit en 1901 et quelques éléments, dont le portail, furent déplacés rue Victor-Hugo (au n° 9), devant ce qui est devenu le musée Rupert de Chièvres (fermé pour rénovation après infestation des bois par des petites bêtes). Je vous avais montré une première fois cet ensemble en janvier 2010, avec des photographies de 2009, avant nettoyage du portail…

Poitiers, portail des Augustins, 1, après restauration J’ai refait des photographies il y a quelques mois, le portail est passé de noir à jaune (en fait, le calcaire doit être assez blanc, mais il a reçu une finition jaunâtre, je ne sais pas pourquoi… Des travaux de restauration y sont en cours, la photographie date de l’année dernière… Ce portail est daté des années 1670 et généralement attribué au sculpteur poitevin Jean Girouard père (voir en commentaire… je n’ai pas le temps de vérifier ce qui y est dit).

Poitiers, portail des Augustins, 4 détails des guirlandes de fruits et de feuilles Je n’aime pas trop ce style avec les colonnes cannelées surchargées de guirlandes de fruits et de feuilles de laurier notamment…

Poitiers, portail des Augustins, 2, détail des chapiteaux et de l'entablement … les chapiteaux corinthiens, le décor trop chargé à mon goût de l’entablement. Dans ce style, je préfère de beaucoup la frise d’angelots   du portail de Saint-Jean-de-Montierneuf, daté de 1643/1644, soit une bonne génération plus tôt.

Poitiers, portail des Augustins, 3, assemblage du décor de l'entablement Mais je vous montre quand même les détails de cette frise, angelots, animaux monstrueux et oiseaux se mêlent dans un décor de rinceaux…

Poitiers, portail des Augustins, 5, la porte Les vantaux de la porte très décorée sont a priori en chêne, mais je n’ai pas vérifié s’il y avait eu un contrôle de l’essence et une nouvelle datation pendant la restauration.

Poitiers, portail des Augustins, 6, détail de deux panneaux sculptés de la porte

Voici le détail de deux panneaux de bois sculptés, encadrés de moulures qui portent le même décor de feuilles…
le monument reliquaire de Sainte-Victoire-Maroze à Poitiers Dans la cour (photographies de 2009) a été reconstruit le monument reliquaire de Sainte-Victoire-Maroze, provenant de l’ ancienne caserne Sainte-Catherine, un temps déposé dans la cour de la Caserne Rivaud, réédifié dans le jardin du musée de Chièvres en 1932.

le monument reliquaire de Sainte-Victoire-Maroze à Poitiers, détail de la tête d'angelot Regardez cette tête d’angelot joufflu et je trouve un peu triste…

Poitiers, l'hôtel Rupert de Chièvres, actuellement musée Au fond de la cour se trouve l’hôtel particulier de Rupert de Chièvres, léguée à la société des Antiquaires de l’Ouest en 1886. Le musée, aujourd’hui géré par la ville, est en cours de réorganisation.

Des chefs-d’oeuvre de broderie médiévale au musée Paul Dupuy à Toulouse

Façade du musée Paul Dupuy à Toulouse Le musée Paul Dupuy à Toulouse, qui par ailleurs présente de belles collections d’arts décoratifs et d’arts graphiques, présente jusqu’au 18 juin 2012 une exposition intitulée Le parement d’autel de Toulouse : anatomie d’un chef-d’œuvre du XIVe siècle (informations pratiques ici).

L’exposition : l’exposition présente avant tout un parement d’autel, celui de l’ancien couvent des Cordeliers à Toulouse. La première partie de l’exposition présente d’abord l’histoire de ce couvent aujourd’hui quasiment détruit, avec des vues anciennes et du mobilier qui en provient.

Dans la dernière salle sont présentés trois œuvres majeures, des prouesses de broderie médiévale, le parement d’autel qui est dans le titre de l’exposition et deux chapes (grands manteaux de cérémonie semi-circulaires quand on les pose à plat), l’une de Saint-Louis d’Anjou (habituellement conservée à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume dans le Var, voir les photographies – en noir et blanc – du dossier de protection), l’autre de Saint-Bertrand-de-Comminges au sud de la Haute-Garonne (habituellement conservée dans l’ancienne cathédrale, voir les photographies – en noir et blanc – du dossier de protection). Ces trois pièces, si elles ont des fonctions liturgiques différentes, présentent des structures assez proches, avec des scènes de la vie du Christ (scènes dites de l’Enfance, qui vont en gros de l’Annonciation à la fuite en Égypte, et scènes de la Passion, qui vont plus ou moins du procès de Jésus à la Résurrection en passant par la Cène et la Crucifixion) dans des médaillons, et entre les médaillons, des représentations de saints mais aussi, pour la dernière, de petits médaillons intermédiaires dont il n’est pas question dans le cartel ni dans le panneau explicatif et qui sont de magnifiques représentations d’oiseaux tous différents encadrés de quadrupèdes (chiens, chats, lions, etc.).

Mon avis : les trois pièces brodées sont des pièces majeures, avec des broderies remarquables, pleines de détails (voir par exemple le massacre des Innocents sur la chape de Saint-Louis d’Anjou, ou sur la même pièce les détail de la suivante dans la scène de la présentation au Temple, avec une jolie guimpe (la pièce de tissu qui enserre la tête et le menton) et un panier avec deux oiseaux… Je regrette en revanche la présentation, certes, des tissus doivent être présentés à moins de 50 lux pour des raisons de conservation. Mais les chapes sont de grandes pièces, les présenter contre un mur en légère pente ne permet pas de voir les détails de la partie supérieure, trop éloignée du visiteur. J’ai vu ce genre de pièces dans beaucoup d’autres expositions, un autre choix est souvent fait, avec une vitrine à plat autour de laquelle on peut circuler et des loupes pour pouvoir observer les détails (cf. à Angers ou à Dijon, ces dernières années). Les loupes ne sont pas inconnues à Toulouse, il y en a dans l’exposition qui vient d’ouvrir au musée Saint-Raymond… un peu dommage… Il y a aussi très peu d’informations sur la technique de broderie, juste un panneau à la fin de l’exposition, pour les détails, il faut acheter le (beau) catalogue.

Il y a également des approximations étranges. Par exemple, un « fermail de chape » (la grosse agrafe qui permet de fermer la chape) est dit en grenat ou en tourmaline. Il est possible de distinguer ces deux pierres et même leur provenance par des analyses non destructives par exemple grâce à l’accélérateur de particules du laboratoire de recherche des musées de France (sous le musée du Louvre), ils ont ces dernières années apporté beaucoup d’éléments sur les mines de grenat pour une période un peu plus ancienne (notamment pour les fibules et plaque-boucles mérovingiennes au sens large).

Pour le public non averti, il aurait peut-être aussi été utile de donner quelques précisions, notamment sur l’usage liturgique d’une chape ou d’un autel… Il est certes impossible d’expliquer chaque scène représentée, mais un bon nombre de visiteurs ne doit pas facilement comprendre certaines d’entre elles… Un petit exemple sur le parement d’autel… Qui sait aujourd’hui placer l’Annonciation à Zacharie dans l’histoire de l’enfance du Christ??? (pour info, c’est dans Luc 1, à lire par exemple ici, l’archange Gabriel annonce d’abord à Zacharie que sa femme, Élisabeth, pourtant ménopausée, va enfanter un fils, le futur saint Jean Baptiste, quelques mois avant d’annoncer à Marie, la cousine d’Élisabeth, qu’elle enfantera de Jésus, Marie allant ensuite – scène de la Visitation- annoncer la nouvelle à Élisabeth). Sans faire un panneau, un petit mémo genre « fiche de salle » pourrait être mis à disposition de ceux qui souhaitent mieux comprendre ou aller plus loin…

Voir quelques-unes de ces scènes en sculpture, sur mon blog: l’Annonciation, sur un chapiteau de Chauvigny, la Visitation de la façade de Notre-Dame-la-Grande à Poitiers.

Le catalogue : Le parement d’autel des cordeliers de Toulouse, Catalogue d’exposition de l’exposition Anatomie d’un chef-d’œuvre du XIVème siècle, sous la direction de Maria Alessandra Bilotta et Marie-Pierre Chaumet, éditions Somogy, 2012, ISBN 978-2757205754.

De retour de Toulouse…

Toulouse, crêpe Oncle Tom La blogosphère a l’air très calme ce week-end… J’ouvre cet article avec une crêpe « Oncle Tom » (chocolat, noix de coco, bonbons) dégustée à la nouvelle crêperie Cornouailles de la place Saint-Sernin (au 9) à Toulouse, avec une belle vue sur le chevet de cette splendide église, pour laquelle je vous ai déjà proposé un petit tour extérieur et quelques vues du sarcophage de Guillaume Taillefer)… Et oui, une petite semaine ensoleillée à Toulouse, où, en plus de ma conférence, j’ai beaucoup marché (j’avais été rivée par la pluie de ces dernières semaines en Poitou), vu plusieurs expositions, me suis aussi promenée avec des amis à Saint-Antonin-Nobleval, que j’avais juste traversé lors d’un colloque à Montauban il y a une dizaine d’années… et où il y avait un splendide salon de livres d’artistes (papa, j’ai trouvé ton cadeau d’anniversaire, mais il ne peut pas voyager par la poste!). Je vous montre très vite le monument aux morts de Skikda (Philippeville) (déplacé à Toulouse après l’indépendance de l’Algérie), vous parle aussi très vite des expositions (au muséum d’histoire naturelle, au musée Dupuy, Niel brut de fouilles au musée Saint-Raymond) et de la Tempête vue à la Halle aux grains, le reste s’étalera au fil des prochains mois ( Héraklès archer et Alfred Mayssonnié par Bourdelle)…

Émile Guimet et l’Égypte antique à Lyon

Façade du musée Guimet de Lyon Jusqu’au 2 juillet 2012, le Musée des Beaux-Arts de Lyon organise une grande exposition intitulée Un jour, j’achetai une momie… Émile Guimet et l’Égypte antique. Pour l’occasion, j’ai choisi d’illustrer l’article par l’angle de l’ancien musée Guimet de Lyon, près du parc de la Tête d’Or, qui a aussi longtemps hébergé le muséum d’histoire naturelle, j’étais allée y étudier une collection il y a une quinzaine d’années… Ce musée est fermé, en attendant l’ouverture du gigantesque (et fort coûteux) musée des Confluences, qui va renfermer entre autres ses collections.

L’exposition dont je vous parle se tient au musée des beaux-arts. A moins de trente ans, en 1865, Émile Guimet (1836–1918), riche industriel lyonnais (il fabrique les fameux cubes bleus pour la lessive) se rend en Égypte.

Il est plus connu pour ses voyages en Asie (qui sont à l’origine de la collection du musée Guimet de Paris, dont l’architecture est proche de celle du musée de Lyon, les deux musées ayant été financés par le donateur), mais il a aussi beaucoup collectionné d’objets en provenance d’Égypte, et y a financé des fouilles.

Il donne une partie de sa collection donc au musée des religions orientales qu’il crée dès 1879 dans sa ville natale de Lyon. Fâché du peu de cas fait à ses collections à Lyon (en particulier parce que les spécialistes de l’Égypte sont alors dans la capitale et ne viennent pas à Lyon), il les déménage à Paris en 1889 (avec les employés!), avant de recréer le musée de Lyon dans les locaux d’origine en 1913. L’exposition a choisi de montrer cette évolution, et beaucoup d’objets sont mis en relation avec leur présentation initiale, avec des vitrines devant de grands tirages des salles égyptiennes de l’ancien musée Guimet de Lyon.

Les textes présentés dans les salles sont repris dans un document remis à l’entrée à chaque visiteur. Les audioguides sont inclus dans le prix d’entrée… et j’ai beaucoup aimé l’idée de l’audioguide en version spéciale pour les enfants (je ne les ai pas testés).

Pour en savoir plus, voir le dossier de presse de l’exposition, et n’hésitez pas à acheter le catalogue.

Bienvenue en arabeCet article entre dans le cadre du défi sur le monde arabe organisé jusque fin juin 2012 par Schlabaya.

Robert Combas au musée d’art contemporain de Lyon

Façade du musée d'art contemporain de Lyon pour l'exposition Combas Jusqu’au 15 juillet 2012, le musée d’art contemporain de Lyon organise une grande rétrospective sur Robert Combas… Vous ne connaissez pas cet artiste? Le plus simple est de découvrir son univers sur son site personnel ou par les pages du musée (voir notamment les vidéos, c’est ici, ou le dossier de presse). Mais je suis sûre que la plupart d’entre vous avez déjà vu au moins l’une de ses œuvres cerclées de noir… même si vous ne savez pas qui en est l’auteur.

La rétrospective a été montée en lien étroit avec l’artiste, qui a prêté beaucoup d’œuvres (en plus de celles venant de musées et de collectionneurs), qui a activement participé au montage (il a souhaité que certains murs restent en l’état après la précédente exposition). Il a aussi ajouté ici ou là des textes autour de ses œuvres, écrits directement sur les murs, le dernier étage est consacré à sa relation à la musique, avec une scène (il donne des concerts pendant l’exposition), une salle où les tableaux en lien avec la musique sont entourés de vinyls de sa collection personnelle, et dans chaque salle ou presque passent des titres qu’il a lui-même choisis, et d’ailleurs, le sous-titre de l’exposition est Greatest Hits. Robert Combas est également très présent pendant l’exposition, outre les concerts, son atelier parisien a été reconstitué au deuxième niveau de l’exposition, il vient y peindre quand il le souhaite, visible depuis l’exposition à travers une vitre sans tain (assez surprenant, d’ailleurs, ce dispositif…).

Côté exposition, les trois grands plateaux du musée sont occupés, mais aussi tous les espaces disponibles (dessus d’ascenseur, cage d’escalier, cafétéria, etc.). Le parcours est thématique et plus ou moins chronologique. Si vous ne connaissez pas l’artiste, je vous conseille de faire d’abord une pause à l’auditorium pour voir le reportage qu’Arte lui a consacré. J’ai vraiment fait des découvertes, comme le travail du vitrail ou les photographies imprimées et retravaillées, les miroirs ou les meubles (il a aussi « relooké » les vitrines à plat qui se trouvent dans l’exposition). De même, je ne connaissais L’autiste dans la forêt de fleur (1991), une mise en scène de son frère autiste, que par des reproductions, en vrai, il est beaucoup plus grand que je ne l’imaginais… et d’une très grande force.

Et d’ailleurs, après la visite de l’exposition, une transition avant le retour au monde s’impose, pourquoi pas avec une promenade dans le parc de la Tête d’Or voisin?

Le musée privé d’Art Spiegelman à Angoulême

Angoulême, la cité de la BD, le batiment des chais Cette année, je ne suis pas allée au festival international de la bande dessinée d’Angoulême (revoir ici l’édition le festival 2011), et j’ai donc raté l’exposition autour de Maus d’Art Spiegelman dans le bâtiment Castro (revoir Maus, un survivant raconte : tome 1 : mon père saigne l’histoire ; tome 2 : Et c’est là que mes ennuis ont commencé). Mais le musée privé d’Art Spiegelman reste dans le bâtiment de la cité de la BD jusqu’au 6 mai 2012 et je l’ai visitée avec Emmanuelle / le Marquoir d’Élise (qui pour l’occasion m’a offert ces beaux cadeaux)… Ah, la photo est une ancienne photo, cette fois-ci, il y avait un grand soleil!

L’exposition : c’est tout le parcours de la cité qui a été revu par Art Spiegelman. Il y retrace ce qu’est pour lui l’histoire de la bande dessinée, avec les précurseurs (au premier rang desquels il place Töpffer) et jusqu’à nos jours, le tout ponctué de nombreuses courtes vidéos de commentaires (interviews réalisées par un jour de pluie à New-York, et avec toujours une cigarette allumée à la main). Exit Bécassine, qui a d’habitude droit à une grande place dans les vitrines, bonjour la diversité renouvelée… Un parcours riche de plus d’une centaine d’auteurs (voir la liste ici). Ne pas rater non plus la salle annexe avec la revue Raw, qu’il a créée avec sa femme, Françoise Mouly.

Exhibitions au musée du quai Branly à Paris

La façade sur Seine et le jardin du musée du quai Branly Le musée du quai Branly à Paris (ici une photographie de 2009…) organise jusqu’au 3 juin 2012 sur la mezzanine ouest (entrée dans le musée, billet collections permanentes) intitulée L’invention du sauvage, exhibitions.

Sur la présentation officielle, on peut lire :

« EXHIBITIONS met en lumière l’histoire de femmes, d’hommes et d’enfants, venus d’Afrique, d’Asie, d’Océanie ou d’Amérique, exhibés en Occident à l’occasion de numéros de cirque, de représentations de théâtre, de revues de cabaret, dans des foires, des zoos, des défilés, des villages reconstitués ou dans le cadre des expositions universelles et coloniales. Un processus qui commence au 16e siècle dans les cours royales et va croître jusqu’au milieu du 20e siècle en Europe, en Amérique et au Japon. »

 L'hôtel de ville de Niort, 4, le blason Mon avis : l’exposition mélange plusieurs choses… Au début de la période, il s’agit d’exhiber des « sauvages » comme on exhibe aussi des personnes difformes dans les foires, etc. Voyeurisme, pas de doute, mais à ce moment-là, il n’est pas sûr qu’il s’agisse d’un comportement raciste et de bourrage de crâne du visiteur de ces exhibitions comme cela semble être le discours tout au long de l’exposition. Pour l’image du « sauvage », au passage, je vous invite à revoir ceux qui portent les armoiries de Niort… Je vous remets l’image, si avez avec la flemme d’aller revoir l’article. Ils ne sont pas inintéressants, car ils sont présentés comme un souvenir des fêtes costumées données par le duc de Berry à la fin du 14e siècle… donc exactement dans le même mouvement que ce qui est présenté dans l’exposition. Et dans le même cliché, dénudés et armés de gourdins.

La deuxième partie montre un phénomène tout à fait différent, qui se développe du début du 19e siècle aux années 1950. A ce moment-là, il y a réellement une exploitation voire une industrie du « spectacle exotique ». Des figurants voire de véritables artistes, en troupes, font le tour de l’Europe et de l’Amérique du Nord, dans de véritables « zoos humains », que ce soient dans des parcs comme le jardin d’acclimatation à Paris ou lors des expositions coloniales. Au début, il y a vraiment une sorte d’esclavage de ces personnes exhibées, qui payent un lourd tribut en maladies et accidents. Mais peu à peu, ils deviennent de vraies troupes, avec mise en scène, costumes, répétitions, etc. Alors certes, il y a la barrière avilissante, mais ils reçoivent la plupart du temps à ce moment là un cachet. Est-ce bien différent des spectacles que donnent aujourd’hui les tribus Massaï ou les esquimaux du Canada aux visiteurs (j’aurai pu prendre beaucoup d’autres exemples)? On me rétorquera sans doute que dans ces spectacles « ethniques » sur place, il y a des retombées économiques positives pour ceux qui accueillent les « visiteurs ». Mais n’était-ce pas aussi le cas avec les troupes des années 1930?

Je pense que l’exposition aurait dû vraiment mieux séparer les choses. La présentation aurait aussi gagné à être différente… Le visiteur de 2012 qui regarde les cires à caractère racial et raciste n’est guère dans une situation différente du spectateur de ces cires dans des cabanes de foire un siècle plus tôt. Restez un peu au bout de la salle, et vous verrez, il y a ceux qui passent vite, comme gênés, et ceux qui semblent fascinés, en situation de voyeurisme, qui les scrutent les unes après les autres… Je vous passe même un commentaire entendu et qui devait être le commun des commentaires à l’époque, visiblement, le discours anti-raciste qui est censé accompagner l’exposition n’était pas passé pour ce papa qui expliquait à son fils qu’il avait devant lui la preuve de la supériorité des blancs (pas au deuxième degré, comme j’ai pu le constater dans la salle suivante où il tenait impunément des propos très racistes). Je ne sais pas comment il aurait fallu présenter ces cires, mais certainement pas comme elles le sont, les commissaires de l’exposition auraient dû mieux faire entendre leur point de vue auprès des muséographes. C’est également le cas pour la dernière salle, qui n’a absolument rien à voir et mélange tout.

Alors oui, ces exhibitions ont participé à forger l’imaginaire du sauvage, à ancrer des thèses racistes dans la tête des gens, mais il y avait aussi les dessins, caricatures, articles de la presse (relire avec prudence les revues des ligues dans les années 1930), etc. Le phénomène est beaucoup plus complexe.

Pour les visiteurs, il y a trois catégories:

– ceux qui connaissent le sujet et/ou sont au moins sympathisants de mouvements proches des droits de l’homme, ceux-ci vont glaner quelques pépites, approfondiront leurs connaissances…

– ceux qui viennent avec des a priori racistes et se trouvent littéralement confortés par cette exposition (cf. le discours du père à son fils devant les cires raciales)

– ceux qui n’ont pas vraiment d’avis, et qui ressortent en n’en sachant pas vraiment plus, parce qu’ils ont avalé un « gloubiboulga » (oups, les moins de 40 ans ne vont pas comprendre), une sorte de mixture qui mélange des choses qui ont pas toujours quelque chose à voir entre elles, un discours dense, mais qu’ils n’auront pas lu en entier (un visiteur fatigue dès qu’il y a plus de 600 à 800 signes sur un panneau).

Et puis, le musée du quai Branly aurait peut-être eu aussi à réfléchir sur la place du musée de l’Homme dont il est l’héritier, sur la salle d’anatomie comparée du musée des antiquités nationales (devenu d’archéologie nationale) dont une partie est également entrée dans les collections de Branly, et même sur son attitude dans des expositions récentes, je pense en particulier à Polynésie, qui présentait des objets rituels liés au cannibalisme… sans parler de cette pratique, excès inverse par rapport à Exhibitions, le « Bon sauvage » ne saurait plus être cannibale…

Pour le musée du Quai Branly, je vous ai déjà parlé de :

Sur le site de l’INA, voir ce petit film sur l’exposition coloniale de 1931 à Vincennes

 

Un travail d’orfèvre à Parthenay et en Gâtine

Parthenay, exposition orfèvrerie, 2012, 1, installation

Je suis enfin allée voir l’exposition Un travail d’orfèvre à Parthenay et en Gâtine, qui se tient au Musée municipal Georges Turpin à Parthenay (au nord des Deux-Sèvres) jusqu’au 18 mars 2012, entrée gratuite pour le musée et l’exposition. Si vous passez dans le secteur, n’hésitez pas à y aller! Et grâce à sa conservatrice, Maria Cavaillès, vous pouvez bénéficier de photographies exceptionnelles… Je commence par l’installation des tastevins (récipients plus petits qu’une tasse, pour goûter le vin), vous pouvez ainsi voir une phase qui n’est en général pas accessible au public. Il s’agit de mettre en position les objets avant de définir leur emplacement définitif, avec les petits numéros provisoires, ensuite, ils seront mis au propre, en concordance avec les cartels, les petites étiquettes explicatives… Les gants blancs en coton, indispensables pour la manipulation des objets (pas seulement l’orfèvrerie): la transpiration est acide, ils évitent qu’à force de manipulation, les objets ne se dégradent…

Parthenay, exposition orfèvrerie, 2012, 2, exemple de vitrine Et voilà, le montage presque terminé, les objets en argent sur les socles oranges, les autres (surtout de l’étain) sur des socles blancs, avec des explications claires sur les objets et sur les orfèvres, des gobelets de baptême, des couverts en argent, de l’orfèvrerie religieuse (également en argent, avec plaquage d’or) du 18e siècle, etc.

Parthenay, exposition orfèvrerie, 2012, 3, étains et tableau J’ai beaucoup aimé l’association de tableaux aux pièces présentées, ici une aiguière en étain avec une nature-morte qui en présente une assez similaire, plus loin des mouchettes (pinces à moucher les chandelles) en vrai et en peinture…

Je vous conseille aussi vivement l’achat du catalogue (sous la direction de Thierry Allard, Maria Cavaillès, Arnaud Clairand et Albéric verdon)… Il n’est vendu que sur place, mais seulement pour 10 euros! Il y a aussi des animations en lien avec cette exposition… dont des découvertes œnologiques (prochain rendez-vous le 2 mars 2012)! Programme sur le site du Musée municipal Georges Turpin.

Une petite exposition, le musée dispose d’une petite salle, mais très riche, avec de nombreux prêts de musées mais aussi de personnes privées, et qui a renouvelé le sujet, avec par exemple la découverte d’une erreur dans d’anciennes identifications et donc une nouvelle identification d’orfèvre pour un poinçon…

Et si vous possédez des objets avec des poinçons d’orfèvres de Parthenay, en argent ou en étain, n’hésitez pas à contacter le musée, il y a encore des orfèvres connus par leurs poinçons déclarés mais pas encore retrouvés sur des objets… Il faut dire que ces objets étaient aussi une sorte de réserve de numéraire, pouvaient être refondus, revendus, etc. Contribuer à l’inventaire des pièces d’orfèvrerie qui existent encore enrichit la connaissance commune…

Poitiers, les reliefs de Jonchère dans la cour du musée

Poitiers, le musée Sainte-Croix, 01, la cour Je vous ai déjà montré la cour du musée Sainte-Croix à Poitiers à l’occasion de l’expédition Glen Baxter en juin 2010. Comme je vous l’ai déjà dit, l’ancien musée dans l’hôtel de ville était devenu trop petit. L’ancien couvent Sainte-Croix, qui venait d’être libéré par les sœurs (installées depuis lors à la Cossonière à Saint-Benoît), est choisi pour accueillir le nouveau musée, qui a ouvert en 1974. L’architecte Jean Monge (1916-1991) a détruit les bâtiments du 19e siècle mais maintenu une grande cour rappelant l’ancien cloître. Bon, béton brut, parfois avec des effets de cannelures, labyrinthe à l’intérieur, sauvegarde de justesse des vestiges archéologiques gallo-romains (le comble pour un musée avec des collections archéologiques aurait été de les détruire), je ne le trouve pas terrible au niveau de l’architecture. Mais vous pouvez profiter en ce moment (et jusqu’au 5 février 2012) des salles rénovées sur le Moyen-Âge et d’une exposition sur le thème de l’âge roman en Poitou-Charentes, qui est accompagnée d’un très beau catalogue.

Poitiers, le musée Sainte-Croix, 02, entrée du musée Dans l’entrée du musée, voici…

Poitiers, le musée Sainte-Croix, 03, les reliefs en bronze d'Evariste Jonchère un relief qui y a été mis en place en 1986. Il s’agit du dépôt par l’État d’une œuvre retrouvée lors du rangement du palais de Chaillot pour l’aménagement de la cinémathèque dans les années 1980. C’est l’une des versions de l’art du théâtre, de Évariste Jonchère (Coulonges, 1892 – Paris, 1956), premier grand prix de Rome de sculpture en 1925 pour La vendange. Il existe en fait au moins quatre versions de cette œuvre, trois si j’en crois le catalogue de l’exposition de 1987 (voir la référence complète en fin d’article). La première est un plâtre préparatoire réalisé en 1936 et donné par Mme Jonchère en 1976 au département de Haute-Savoie, qui l’a déposé au conservatoire d’art et d’histoire d’Annecy (d’autres œuvres données au conseil général de Haute-Savoie sont à voir ici, le couple ayant habité près d’Annecy). Sur la base de ce plâtre, Évariste Jonchère a été chargé de réaliser un bronze pour le fronton de scène du théâtre du palais de Chaillot réalisé pour l’exposition internationale de 1937. Mais il a pris du retard pour confier son œuvre au fondeur Alexis Rudier (je vous ai montré sa marque de fondeur pour sur la statue du maréchal Joffre à Paris, je ne l’ai pas trouvée ici). Aussi, c’est une version en plâtre patiné qui a été réalisée et qui se trouve aujourd’hui au musée de Mont-de-Marsan (voir dans le dossier sans photographie dans la base Joconde). L’artiste a néanmoins terminé son œuvre qui a été fondue en 1938. C’est celle-ci qui se trouve à Poitiers. Elle diffère légèrement du plâtre patiné. Certains historiens de l’art ont donné comme titre à cette œuvre Apollon musagète, titre réfuté par Mme Jonchère. Le musée des années 1930 de Boulogne-Billancourt présente un autre plâtre préparatoire de cette œuvre, j’en ai trouvé par hasard la mention page 42 du livret pédagogique du musée. Comme je ne suis pas allée la voir, je ne peux pas préciser de quelle variante il s’agit.

Poitiers, le musée Sainte-Croix, 04, la signature Jonchère Entrons dans la visite de cette œuvre qui porte la signature « E. JONCHERE ».

Poitiers, le musée Sainte-Croix, 07, le centre des reliefs Le personnage central est encadré des deux femmes des groupes de droite et de gauche.

Poitiers, le musée Sainte-Croix, 08, le relief central Le voici de plus près. Il s’agit d’Apollon, dieu de la beauté, tenant une lyre, représenté de face, en position comme assise (mais sans siège) avec sa jambe gauche écartée. Il est nu, mais un drap couvre pudiquement son sexe.

Poitiers, le musée Sainte-Croix, 05, détail des musiciens et musiciennes De chaque côté se trouvent les arts liés à la musique, à la poésie et au théâtre. A gauche se trouvent autre femmes debout et un personnage allongé. La première femme à gauche est torse nu avec une robe drapée autour des reins. La seconde a un voile qui lui couvre partiellement la poitrine. La troisième, à l’arrière-plan, regarde les deux premières. La dernière à droite porte des ailes.

Poitiers, le musée Sainte-Croix, 06, détail du sonneur de trompe Un sonneur de trompe est allongé au sol. C’est le seul personnage qui semble être un homme (à part Apollon au centre).

Poitiers, le musée Sainte-Croix, 09, la partie droite du relief Enfin, le groupe de droite. La première femme à gauche, à côté d’Apollon, torse nu et avec une grande jupe qui lui arrive sous les fesses, tient une sorte de palme. Il s’agit de l’inspiration poétique. Une grande aile semble partir de son épaule, mais il s’agit peut-être juste d’un fond à la scène.

Poitiers, le musée Sainte-Croix, 10, détail des visages Derrière elle se tiennent deux femmes debout. Celle de gauche est torse nu, les seins bien visibles, les jambes drapées dans une robe. Ses cheveux sont coiffés en longues tresses. La seconde porte également un vêtement en haut et tient un masque dans la main gauche : il s’agit de la comédie.

Poitiers, le musée Sainte-Croix, 11, le personnage à droite Et enfin le dernier personnage assis tout à droite. C’est une femme, la tête effondrée sur ses genoux, en partie cachée par son bras. Elle tient de la main gauche une épée et un masque triste constitue son siège: il s’agit de la tragédie.

PS: à deux pas de là, sur le mur de la cour de la MJC Le Local (rue Saint-Pierre-le-Puellier à Poitiers), vous pouvez voir un peu sur le même thème la frise sculptée de Jean Claro…

Pour en savoir plus : Evariste Jonchère, 1892-1956 : premier Grand Prix de Rome de Sculpture en 1925, catalogue de l’exposition au musée Sainte-Croix à Poitiers, 24 mars – 18 mai 1987, sous la direction de Blandine Chavanne et Bruno Gaudichon.

Georg Baselitz sculpteur au musée d’art moderne de la ville de Paris

Affiche de l'exposition Georg Baselitz sculpteur au musée d’art moderne de la ville de Paris

Il y a un bon mois, toujours avec mon père, je suis allée voir l’exposition Baselitz sculpteur au musée d’art moderne (Mam) de la ville de Paris (jusqu’au 29 janvier 2012, plus d’informations sur le site du musée).

Je connaissais Georg Baselitz (né en 1938 en Allemagne pas encore de l’Est) pour ses peintures (une série produite en 2011 est néanmoins présentée dans l’exposition), absolument pas pour ses sculptures (ni pour ses gravures, découvertes dans les articles qui lui sont consacrés dans les revues d’art ces dernières semaines).

L’exposition du Mam présente donc une quarantaine de sculptures en bois peint, d’assez grand format, taillées à la hache et à la tronçonneuse entre 1979 et 2010. Les Dresdner Frauen (série commencée en 1989) sont particulièrement impressionnantes… Cette dizaine de têtes féminines monumentales évoquent la destruction de la ville de Dresde par les Alliés en février 1945.

Les autres œuvres représentent des personnages debout ou assis (dont une série d’autoportraits), sculptés dans de puissantes billes de bois voire des troncs entiers de fort diamètre. Toute la force du bois, de l’usage de la hache et de la tronçonneuse qui laissent leur marque, soulignés par la mise en couleur…

Il y avait très peu de monde, contrairement à l’exposition Munch, plus agréable pour le visiteur mais un peu dommage pour cet artiste…