Archives par étiquette : ethnologie

Nous les filles, de Marie Rouanet

Couverture de Nous les filles, de Marie Rouanet pioche-en-bib.jpgPour percer le secret de l’antipetitserpentigraphe, j’ai sorti de la médiathèque ce livre, sur la recommandation de Michel, responsable de Belvert/l’ethnoblogue

Le livre : Nous les filles, de Marie Rouanet, éditions Payot , 365 pages, 1990, ISBN 2-228-88272-0.

L’histoire : dans un quartier modeste de Béziers, dans les années 1950. La narratrice nous raconte son enfance, ses jeux entre filles, la tenue du dimanche, la tenue de la semaine qu’il faut faire durer, l’école (celle des sœurs où elle est admise dans un quota de « pauvres »), les clans qui se font et se défont, les jeux sans jouets (jeux de mots, dînettes offertes par les ressources de la nature, etc.), le groupe lointain des garçons, le patronage, la colonie de vacances, le passage à l’adolescence, quand certaines entre en apprentissage, sont contraintes de se marier alors qu’elle entre au lycée.

Mon avis : un texte un brin nostalgique peut-être, mais superbement écrit, je l’ai dévoré au jardin, par un chaud après-midi de fin août… J’ai bien apprécié aussi, pour ceux qui veulent aller plus loin, les règles et variantes de certains jeux d’enfants, plutôt de fillettes, de la marelle, des osselets (joués différemment des garçons), etc. Assurément un témoignage qui servira dans le futur aux ethnologues (il y en a toujours aujourd’hui qui étudient les relations entre filles et entre garçons dans les cours d’école…). Et j’ai appris le secret de l’antipetitserpentigraphe, dans le jeu des métiers (faire deviner par un mime ou des questions un métier), mais chut… la signification est réservée aux initié(e)s. Il vous faudra donc lire ce livre !

J’ai aussi lu Du côté des hommes et Le crin de Florence de Marie Rouanet.

Logo du challenge ABC critique de BabelioJ’ai sélectionné ce livre pour le défi ABC critique organisé par Babelio.

Musée du Quai Branly à Paris contre musée royal d’Afrique à Bruxelles

Façade Sur Seine du musée du Quai Branly Lors de mon marathon parisien mi août, j’étais passée au musée du Quai Branly, où a toujours lieu l’exposition-dossier Planète métisse dont je vous ai déjà parlé. Je viens de recevoir à corriger les épreuves d’un article pour un colloque auquel j’ai participé l’année dernière à Bruxelles. À cette occasion, j’avais prolongé le séjour le week-end et mon père m’avait rejoint le dimanche. Nous avions alors visité le musée royal d’Afrique centrale à Tervuren. Alors, cela m’a donné envie de faire une petite comparaison… L’histoire coloniale de la France et de la Belgique est à l’origine de la constitution de la plus grande partie de ces deux collections, alors pourquoi ne pas les comparer ?


Domaine Musée du Quai Branly à Paris Musée royal d’Afrique centrale à Bruxelles
Accès Soit à pied par les quais de la Seine, soit par le métro, avec le flux des visiteurs de la Tour Eiffel voisine Par un charmant trajet dans un vieux tramway à travers la banlieue bruxelloise (prévoir une bonne demi-heure depuis le parc du centenaire)
Architecture Résolument contemporaine, due à Jean Nouvel Dans un château daté de 1910 qui fait l’objet d’un projet de rénovation, travaux à partir de 2010 sans fermeture du musée
Environnement Un jardin contemporain de Gilles Clément et la Seine Un grand parc, avec étang, canal et de nombreux visiteurs. Idéal pour une promenade ou un pique-nique.
Les collections Sur tous les continents à part l’Europe Sur l’Afrique centrale et notamment le Congo
La présentation Résolument Beaux-Arts, ceux qui veulent avoir une idée du fonctionnement des objets ou de leur fabrication, etc., doivent regarder des films sur de minuscules écrans sans confort le plus souvent (debout, avec les bruits de la salle et des autres visiteurs). De belles vitrines, de beaux soclages, un bel emballage pour de beaux objets sans vie Des vitrines à l’ancienne, mais des fiches pédagogiques qui mettent l’accent sur le côté ethnographique
Le restaurant Chic, branché et un peu cher, avec peu de choix, et une partie seulement de la carte rappelle le thème du musée Façon cafétéria pour le service, mais plats variés, copieux et pas chers. Des plats africains, c’était excellent

Les deux se complètent bien, en fait… L’un ultra moderne et qui oublie que ces objets ont eu une vie. L’autre au charmant charme désuet. Pour mes amies lectrices belges, n’hésitez pas à aller à Tervuren si vous ne connaissez pas ! Et vous me raconterez votre impression.

La montagne de l’âme, de Gao Xingjian

Couverture de La montagne de l'âme, de Gao XingjianJe sais, le prix Nobel de littérature 2008 sera annoncé demain… Surprise, surprise, aurai-je lu certains de ses livres ? Peu probable… Mais j’essaye de parler chaque mercredi d’un livre écrit par un prix Nobel de littérature.

Le livre : donc en attendant le lauréat 2008, pendant mes vacances, j’ai lu le gros (668 pages) livre de Gao Xingjian, La montagne de l’âme, publié en 1990 mais que j’ai trouvé chez un bouquiniste en version des éditions de l’Aube, 2000, ISBN 2-87678-526-9. La traduction est de Noël et Liliane Dutrait, avec des révisions de l’auteur, qui a fait des études supérieures de français et vit en France depuis 1988. Il a d’ailleurs écrit directement en français plusieurs pièces de théâtre, et a obtenu la nationalité française en 1997. Son prix Nobel a été remis en 2000 et je vous recommande la page qui lui a été consacrée par l’académie Nobel à cette occasion.

L’histoire : enfin, plutôt, les histoires, car se mêlent différents temps dans la vie du narrateur, et aussi différents modes de narration, avec le je, le tu et le il. Et l’histoire est difficile à résumer. D’un côté, il y a un voyage dans la Chine méridionale profonde après la révolution culturelle, le narrateur, écrivain, a été d’ailleurs  » rééduqué  » dans une ferme. Il part re-découvrir le passé, archéologique ou mythologique, à la recherche de l’homme sauvage (le Yeti… ?), à la rencontre des chercheurs dans une réserve de pandas, à la collecte de chants traditionnels de minorités ethniques (tiens, le retour du patrimoine immatériel, je vous en parlerai un autre jour), etc. D’un autre côté, le narrateur (le même ?) fait une (des ?) rencontre(s) féminine(s) tout en partant à la recherche d’un lieu mythique et mal localisé, la Montagne de l’âme. Recherche du passé de la Chine, du passé du narrateur aussi…

Mon avis : un roman idéal pour une croisière… Les chapitres défilent lentement les uns après les autres, le je et le tu se mêlent, la quête du passé, de la religion, de l’origine. Tiens, au passage, le pithécanthrope apparaît même sous la forme de dents, avec un débat entre le narrateur et un chercheur : s’agit-il d’un singe primitif ? Ou d’un ancêtre ? Et l’homme sauvage ne serait-il pas un descendant de ce Pithécanthrope qui n’aurait pas évolué ? Bon, cela ne représente que 3 ou 4 pages du livre… (pages 461 à 463 dans l’édition que j’ai).
C’est vraiment un livre profond, dans lequel il faut pénétrer doucement, se laisser porter et emporter à la recherche de cette montagne… et aussi à une réflexion parfois plus philosophique, parfois plus politique (la réhabilitation des droitiers de la révolution culturelle), parfois plus  » développement durable « , alors que ce livre a été écrit avant cette mode… Il y a de grandes interrogations par exemple sur le (futur, réalisé depuis) barrage des Trois-Gorges. À lire, c’est sûr, mais à condition d’avoir du temps devant vous pour vous laisser porter par l’auteur et le narrateur…

Et pour l’étape suivante de ma croisière, il faudra encore patienter un peu. J’espère n’avoir oublié personne dans mes réponses à la messagerie, aux commentaires, etc. Si c’est le cas, ne m’en veuillez pas, vous avez tous fait vivre mon blog en mon absence et je vous en remercie.

logo tour du monde en lecture J’ai sélectionné ce livre pour le tour du monde en lecture proposé par Livresque.

Logo du challenge ABC critique de BabelioJ’ai sélectionné ce livre pour le défi ABC critique organisé par Babelio.

Exposition Polynésie au musée du quai Branly à Paris

La façade végétale du musée du Quai Branly Le musée du quai Branly à Paris organise jusqu’au 14 septembre 2008 une exposition dossier (donc entrée avec l’entrée du musée) dans la galerie suspendue est, exposition intitulée Polynésie, arts et divinités, 1760-1860. S’il y a certes de très beaux objets, à voir absolument, le parti pris par le musée me dérange beaucoup. À nouveau, il s’agit de présenter les objets pour leur « beauté », mais ils sont absolument déconnectés de leur contexte ethnographique ou de leur usage. Si le visiteur veut comprendre ce qu’est un battoir à écorce ou comment se fabrique le papier en écorce (en fait, c’est à peu près comme la fabrication du papyrus), il n’a aucune explication dans l’exposition ni dans le catalogue. Pas sûr non plus que dans les salles du musée, il arrive à trouver dans la multitude de minuscules écrans le petit film qui en parle… Et les masques en plume, comment étaient-ils fabriqués ?
De même, il y a un long développement sur la collecte de ces objets et la christianisation de ces îles, mais rien sur le cannibalisme dont ont été victimes certains de ces missionnaires. Si, quand même un petit post-it de 20 cm de long montre l’usage des grands tambours avec en arrière-plan une scène de cannibalisme. Et pourtant, la maladie de Creutzfeldt-Jakob a été décrite pour la première fois dans ces îles, chez des cannibales qui avaient mangé des cerveaux de personnes trop âgées atteintes de cette maladie ! Pourquoi ne pas en parler ? Cela fait partie de la culture de certaines de ces îles, et certains objets ne peuvent pas se comprendre en dehors des cérémonies très particulières qui ont pourtant été décrites très tôt par les voyageurs et les missionnaires… Sans doute les responsables de cette exposition pensent-ils que ça dévalorise les hommes (et les femmes, on n’en parle jamais) qui ont créé ces  » beaux objets  » que de dire que certains étaient liées à des pratiques cannibales.
Si vous êtes à Paris ou si vous y passez dans les prochains jours, allez quand même voir cette exposition, certains objets sont vraiment exceptionnels. mais si vous voulez savoir à quoi ils servent, comment ils ont été fabriqués, ne comptez ni sur le catalogue, ni sur l’audioguide. Passez un peu de temps dans la section Polynésie, sur les petits écrans en bordure de salle, ou renseignez-vous par d’autres moyens.
En guise de clin d’œil, retrouvez le phare de Pointe Vénus à Tahiti que je viens de broder en marque-page !
Petit indice pour la devinette de ce matin : ce n’est pas un poisson, ni un doudou, ce ne sont pas des rubans, des boutons, du tissu ou autre kit de survie de brodeuse… ça a un rapport avec la région Poitou-Charentes… De nouvelles idées ?

Le musée de la vie bourguignonne et le musée d’art sacré à Dijon

Vendredi en huit, au cours d’une réunion professionnelle à Dijon, j’ai eu le bonheur de visiter le musée d’art sacré et le musée de la vie bourguignonne Perrin de Puycousin sous la conduite de Madeleine Blondel, conservatrice des deux musées installés dans l’ancien couvent des bernardines, rue Sainte-Anne.
L’entrée de ces deux musées est gratuite.
Le musée d’art sacré occupe la chapelle de l’ancien couvent. Des visites guidées gratuites permettent de visiter des parties habituellement fermées au public : la partie haute de la chapelle et les réserves où un important programme de conservation préventive a été mis en place pour une bonne conservation des tissus et autres objets en matières fragiles. Même si vous n’avez pas d’attirance pour les calices, chasubles et autres objets  » du culte catholique « , (comme disent les thésaurus des bases de données de l’inventaire général du patrimoine culturel), ce musée ne vous laissera pas indifférent.

Le musée de la vie bourguignonne plaira à un public plus large. Il se compose de plusieurs espaces. Au rez-de-chaussée est présentée la collection d’ethnographie Perin de Puycousin, donnée à la ville dans les années 1930. Cette collection a été remise en scène ici, en gardant les mannequins de la première présentation au public. J’ai adoré la réflexion sur la calligraphie… Au fil des vitrines, des textes courent sur les parois et sur des petits éléments qui expliquent la fonction des objets. Ainsi, le mot  » mort  » adopte la forme d’une flamme au-dessus d’un cierge. On retrouve une forme de lampe à huile et de flamme respectivement pour « l’éclairage » et « domestique », etc.
Au premier étage, diverses boutiques de Dijon, aujourd’hui fermées, ont été remontées : la biscuiterie, la pharmacie, le photographe (où on peut se faire tirer le portrait), le fourreur, le chapelier, le confiseur (avec des bocaux de bonbons !), etc. Un vrai cauchemar pour le conservateur que tous ces matériaux fragiles, mais un bonheur pour le visiteur. Les affiches mises sous film plastique ont vraiment un aspect d’affiche, même si elles sont ainsi protégées et peuvent être changées tous les 2 mois pour éviter qu’elles ne passent à la lumière. On trouvera aussi à cet étage les grands hommes de Dijon (et une évocation d’Eiffel, originaire de la ville, par des produits très kitchs) ou une collection de pots à moutarde, de petits objets fabriqués par les soldats en 1914-1918, etc.
Au second étage, un petit train électrique (un TGV et son paysage, illustré aussi par de vieilles affiches de la SNCF sur Dijon) courre le long du mur du fond… et subjugue les garçons… et leurs papas !!! On trouve aussi des modules sur les matériaux (pierre, terre, bois), une surprenante maquette de cathédrale réalisée en cahiers recyclés réalisés par les enfants de l’école de Molesme, une salle de projection et une très belle salle pédagogique qui permet un accueil dans des conditions idéales des classes en visite.

Un musée à voir absolument si vous passez par Dijon !