Il m’a fallu plusieurs semaines pour venir à bout de ce livre, trouvé à la médiathèque, en lecture « normale », l’un des premiers que je lis cette année dans le cadre de la rentrée littéraire (j’ai juste lu La confrérie des moines volants, de Metin Arditi, loin de l’objectif de 6 livres à lire dans ce projet organisé par Hérisson). Il va aussi pouvoir entrer dans le Tour du monde en lecture, abandonné depuis longtemps… Il y a quelques années, il aurait pu entrer dans le défi sur l’Europe centrale, même si l’auteure vit en France depuis 1980 et écrit en français, elle est née à Ljubljana et ce livre est en rapport avec la Slovénie.
Le livre : Visage slovène de Brina Svit, NRF, collection blanche, éditions Gallimard, 2013, 154 pages, ISBN 9782070142668.
L’histoire: de nos jours, surtout à Buenos Aires en Argentine. Alors que sa mère vient de mourir à Ljubjana, en Slovénie, l’auteure se voit proposer à Paris un cadeau, un appareil photo. C’est le déclic pour une série de portraits, en photographies et en textes, de Slovènes exilés en Argentine pour une part dans les années 1930, pour une autre part après la deuxième guerre mondiale (des collabos qui ont fui les massacres dont ils étaient menacés), pour quelques autres des exilés économiques. 30000 Slovènes et leurs descendants vivent en Argentine, quelques-uns sont retournés dans leur pays, temporairement ou définitivement. Dans la deuxième et la troisième générations, peu parlent le Slovène, certains l’apprennent tardivement. En fil rouge du récit, le lecteur suit également Gombro, Witold Gombrowicz, un écrivain polonais lui aussi exilé en Argentine.
Mon avis: un très beau récit autobiographique, un peu à la manière d’un grand reportage littéraire, sur un sujet que je ne connaissais pas, l’exil des Slovènes en Argentine. Un beau texte aussi sur l’exil, la perte ou non de l’identité, le nationalisme de certains, qui n’envisagent pas de se marier « hors de leur communauté », le rapport complexe entre intégration et réflexe communautaire (regroupement dans quelques quartiers, apprentissage de la langue), la relation au pays, avec ou sans retour, provisoire ou définitif. La forme littéraire est intéressante aussi, avec une photographie et un récit qui commence généralement par la première rencontre avec la personne concernée. Contrairement à Albert Londres (revoir Chez les fous, mais il a aussi publié des récits plus légers, comme le tour de France), il ne s’agit pas d’un récit engagé et militant pour défendre les droits de l’homme, mais d’un tableau qui montre à travers ces portraits la complexité de cet exil.