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L’homme irrationnel de Woody Allen

Je suis allée voir le dernier film de Woody Allen, L’homme irrationnel, la semaine dernière (j’ai aussi vu Marguerite, il faut que je vous en parle)…

Le film : de nos jours, dans le Rhode Island. Après un divorce et la perte d’un de ses amis – dans des circonstances qui varient suivant ses récits – Abe Lucas [Joaquin Phoenix] vient prendre son poste de professeur de philosophie sur un campus secondaire. Pessimiste, déprimé, forçant sur le whisky, il arrive avec une réputation de coureur de jupons. Il tombe d’ailleurs très vite dans le lit d’une collègue mariée, Rita Richards [Parker Posey], mais il a une grosse panne au lit…Il se prend d’affection pour l’une de ses étudiantes, Jill Pollard [Emma Stone], qui s’éloigne peu à peu de son petit ami, Roy [Jamie Blackley]. Un jour, à la cafétéria, ils surprennent une conversation à la table voisine: un juge aux affaires familiales risque d’enlever la garde de ses enfants à une mère. Et si Abe se chargeait de changer le cours de cette décision annoncée?

Mon avis : euh, comment dire, ce n’est pas un mauvais film, la fin m’a même fait assez rire, mais je n’ai pas vraiment mordu à l’histoire de ce professeur déprimé. Woody Allen a trouvé un nouveau remède à la mélancolie: redonner du sens à la vie (sentimentale, intellectuelle, sexuelle) avec un projet… de crime! Le ton est léger, badin, de quoi déranger juste ce qu’il faut les bien-pensants américains. Une petite pincée de philosophes (tous européens, si je n’en ai pas raté) pour le côté intellectuel, une recette désormais classique chez Woody Allen. Allez y pour passer un agréable moment, même si on est loin des films cultes de ce réalisateur!

Pour Woody Allen, vous pouvez relire mes articles

Ceci n’est pas… de Dries Verhoeven à Poitiers

Ceci n'est pas... de Dries Verhoeven à Poitiers, la cabine ferméeLe festival à Corps a eu lieu il y a déjà quelques semaines à Poitiers, du 11 au 18 avril 2014. Je vous ai parlé de 15 x la nuit, de Paul-André Fortier. J’aborde aujourd’hui un spectacle qui a beaucoup fait parler! Ceci n’est pas, de Dries Verhoeven. La performance se déroulait chaque jour de 15h à 20h, sur la place Lepetit (qui a connu une certaine activité l’année dernière suite à une évasion spectaculaire), dans une sorte de cage en verre (avec volets pour un peu d’intimité pendant les pauses, WC et boisson sous le plancher, climatisation…), d’un cartel un peu long en français et en anglais avec un texte de réflexion, et se couplait avec des vidéos mises chaque jour sur Youtube et sur la page Facebook, avec également un florilège de réactions des spectateurs (beaucoup moins de « combien ça a coûté cette c…ie » sur le site que dans  la rue). Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça a alimenté les conversations! Certains se disaient choqués, d’autres amusés, peu sont restés indifférents sur les dix jours. Si créer du lien social était un objectif, alors il a été atteint. L’étape de Poitiers était la deuxième phase d’un projet européen, « Second Cities – Performing Cities », qui lie le théâtre et auditorium de Poitiers / TAP à six autres opérateurs culturels européens.

En tout cas, à quelques jours de l’épreuve de philosophie du baccalauréat, cette performance pourrait fournir de nombreux sujets: qu’est-ce que l’art? L’art peut-il tout dire? Variante, Peut-on tout dire? Commenter cette phrase de Kant: « L’œuvre d’art n’est pas la représentation d’une belle chose, mais la belle représentation d’une chose ». L’art peut-il se passer de règles ? (série S, 2010) ou L’art peut-il se passer d’une maîtrise technique ? (série T, 2010). L’art transforme-t-il notre conscience du réel ? (série S, 2008). Peut-on aimer une œuvre d’art sans la comprendre ? (série T, 2008). La sensibilité aux œuvres d’art demande-t-elle à être éduquée ? (série S, 2005). On peut aussi tenter les sujets sur l’éthique et la morale:  Ne désirons-nous que les choses que nous estimons bonnes ? (série ES, 2002). Une culture peut-elle être porteuse de valeurs universelles ? (série ES, 2006). Qui se lance?

Pour chaque jour, je vous propose une photo, vous donne le titre, un lien vers la vidéo sur Youtube, une brève description et un commentaire. Vous pouvez aussi voir la version complète des textes proposés.

Ceci n'est pas... de Dries Verhoeven à Poitiers, jours 1, 2 et 3

Jour 1, Ceci n’est pas de l’art, voir la vidéo du jour 1.
Ce premier jour a failli faire perdre patience aux bistrots voisins! Toute la journée, un majordome a cassé des tambours à coups de massette!

Jour 2, Ceci n’est pas une mère, voir la vidéo du jour 2.
Dans une « piscine à boules », une adolescente enceinte écoute de la musique. Je crois (mais ne suis pas sûre, je n’ai pas retrouvé mes notes) que c’est ce jour là que la musique du film La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche est passée quasi en boucle. Le texte parle du rallongement de l’âge du premier enfant depuis la légalisation de la pilule, des préjugés défavorables aux jeunes mères et de l’augmentation du risque d’anomalie chez l’enfant des mères plus âgées. Ce n’est pas tout à fait vrai. Certaines anomalies du nombre de chromosomes augmentent avec l’âge maternel (trisomie 21, syndrome de Klinefelter = garçons XXY), mais les anomalies de structures des chromosomes (délétions etc.) sont plus sensibles à l’augmentation de l’âge paternel! Voir le site de l’association Valentin Apac, association de porteurs d’anomalies chromosomiques.

Jour 3, Ceci n’est pas de l’amour, voir la vidéo du jour 3.
Un couple en maillot de bain, un homme d’âge moyen lisant des contes pour enfants à une adolescente. Le texte parle de la différence de perception entre un père qui marque de l’affection pour son enfant et la mère qui aurait les mêmes gestes tendres. Ceci dit, les contes sont loin d’être neutres sur le plan sexuel… (voir les commentaires sur l’article du petit chaperon rouge).

Ceci n'est pas... de Dries Verhoeven à Poitiers, jours 4, 5 et 6

Jour 4, Ceci n’est pas le futur, voir la vidéo du jour 4
Dans la cage, un individu cagoulé en maillot de corps a passé sa journée à nettoyer les douilles sur lesquelles il est assis et de temps à autre un revolver (ou un pistolet?). Le texte parle à la fois du repli identitaire, de la paix depuis longtemps en France et des risques terroristes.

Jour 5, Ceci n’est pas de l’histoire, voir la vidéo du jour 5.
Dans la cage, fers d’esclave aux pieds, un homme noir habillé façon « publicité Banania » mange des bananes assis au milieu de fèves de cacao. Le texte parle des tirailleurs sénégalais qui se sont battus pour la France ou ceux qui ont été massacrés par la puissance coloniale et le rôle de la PAC qui interdirait la juste concurrence avec l’Afrique, avant de conclure : « Les Français, pour leur part, n’ont pas le sentiment d’être des néocolonialistes mais chérissent toujours l’image du bon Banania ». Un petit sujet de philosophie supplémentaire, L’intérêt de l’histoire, est-ce d’abord de lutter contre l’oubli ? (série T, 2006).

Jour 6, Ceci n’est pas la nature, voir la vidéo du jour 6.
Un hermaphrodite nu (en fait en combinaison latex) avec des ailes (tiens, ça me rappelle les moutons-papillons). Le texte parle de la détermination du genre selon Freud, et précise que « Seule l’Australie autorise officiellement que les passeports fassent état d’un genre indéterminé ». C’est faux, de plus en plus de pays (Allemagne, Inde, Pakistan, Népal) prévoient ce genre neutre ou indéterminé, soit pour l’hermaphrodisme ou ambiguïté sexuelle (qui touche environ 1 bébé sur 5000 naissances, environ 200 bébés par an en France), soit pour les eunuques et les transsexuels (voir le reportage de TV5 Monde). Une allusion au mythe de la Caverne de Platon (où Aristophane est censé présenter l’histoire) aurait aussi été possible.

Ceci n'est pas... de Dries Verhoeven à Poitiers, jours 7, 8 et 9

Jour 7, Ceci n’est pas notre désir, voir la vidéo du jour 7.
Dans la « cage », une naine a passé son après-midi à lire en sirotant des apéritifs. Le texte parle des défauts physiques et du rejet sexuel, mais aussi de l’eugénisme, sans dire le mot, en parlant de diagnostic génétique prénatal et d’avortement, mais pas des lois de bioéthique. Il aurait été préférable de parler d’interruption médicale de grossesse, ce n’est pas exactement la même chose puisqu’elle peut avoir lieu jusqu’à la naissance en cas de mise en danger de la mère, du bébé ou si ce dernier est atteint d’une maladie d’une particulière gravité. Elle doit être acceptée par deux médecins, l’un de ces deux médecins devant exercer dans un Centre de Diagnostic Prénatal Pluridisciplinaire. Après 22 semaines d’aménorrhée, elle a lieu par voie basse après fœticide et ouvre droit à l’inhumation, aux congés de maternité et de paternité et à l’inscription sur le livret de famille d’un enfant né sans vie. C’est un acte très différent de l’avortement ou interruption volontaire de grossesse (voir par exemple sur le site de l’association Valentin Apac, association de porteurs d’anomalies chromosomiques).

Jour 8, Ceci n’est pas notre peur, voir la vidéo du jour 8.
Un homme barbu, revêtu d’un gilet pare-balles, lit le Coran et récite ses prières. Le texte aborde la prière dans l’espace public et les croyants qui se sentent agressés par des dessins humoristiques. Personnellement, même si l’artiste est libre de ses choix, je trouve que ce tableau était stigmatisant pour une religion en particulier et donc assez malvenu. L’artiste aurait-il osé mettre un curé dans la même cage???

Jour 9, Ceci n’est pas mon corps, voir la vidéo du jour 9.
Une femme nue (enfin, en combinaison simulant la nudité) au corps vieillissant reste assise sur une chaise. Le texte parle des mannequins de plus en plus jeunes, du rapport au corps, au vieillissement des cellules à partir de 21 ans… Absurde! les cellules vieillissent depuis leur multiplication et s’éliminent au fur et à mesure, par le processus d’apoptose (en gros, auto-destruction). Leur durée de vie va de quelques jours à des centaines de jours: 5 jours pour les cellules qui tapissent l’intestin, 3 à 4 semaines pour la peau, 120 jours pour un globule blanc, plus d’un an (400 à 500 jours) pour le foie…

Ceci n'est pas... de Dries Verhoeven à Poitiers, jour 10

Jour 10 (épilogue), Ceci n’est pas moi, voir la vidéo du jour 10.
Au-dessus d’une épaisse couche de vers (certains arrivaient au stade de larve voire d’insecte genre blatte, j’en ai entouré une), une urne cinéraire tourne doucement. Choix cornélien pour le visiteur, être réduit en cendres ou mangé par les vers? Le texte parle de la position des cimetières hors des villes depuis l’Antiquité (mais c’est faux au Moyen-Âge!) et du deuil, moins visible dans notre civilisation (plus de vêtements de deuil, moins de cierges allumés, expression plus retenue de la douleur des veufs et veuves).

Et vous, qu’est-ce que ça vous inspire?

Visite déguidée et lecture de Bertrand Bossard au TAP

Poitiers, le théâtre et auditorium,12, vu depuis la grande passerelle J’ai commencé ma saison 2012-2013 au théâtre et auditorium de Poitiers / TAP par un spectacle hors abonnement de Bertrand Bossard, une Visite déguidée du théâtre, de l’auditorium et des espaces de service, une visite complètement déjantée, menée à un train d’enfer (et très différente de la visite par l’architecte). Je ne vous en dirait pas beaucoup plus, car d’autres visites sont organisées les 27 et 28 octobre 2012, s’il reste des places (visites en petits groupes d’une trentaine de personnes, six représentations sur le week-end), n’hésitez pas à vous inscrire… et à mettre des baskets plutôt que des chaussures à talon pour les filles…

J’ai aussi assisté à la Lecture qu’il a donnée en lecture-sandwitch (gratuite) sur le plateau B. une lecture proposée avec 2LPECO (deux langues pour une éducation Centre-Ouest). trois acteurs en scène, Bertrand Bossard, Alexia Krioucoff et Maud Thibault, une actrice sourde. Ainsi qu’une interprète en langue des signes française (LSF), Magdaléna Lacroix, pour les parties sans les acteurs… Une première représentation avait eu lieu la veille au soir plutôt à destination du public sourd (invitation spécifique aux associations). Accueil tonitruant (il va falloir que je pense à emporter des bouchons d’oreille à chaque fois que je vais au spectacle) sur Nirvana. Puis une lecture à trois voix (les deux acteurs entendants se relayaient, l’actrice sourde lisait seule à son rythme en LSF) de textes de Martha Nussbaum, un peu rude, la philosophie à midi et demie… Puis vient un extrait du film Pater d’Alain Cavalier (l’épisode de l’installation de l’ascenseur). Après une courte leçon pour apprendre à dire oui et non en LSF, la lecture s’est poursuivie par un texte d’Albert Camus extrait de l’ouvrage collectif L’existence. La lecture s’est poursuivi avec une conférence prononcée par Gilles Deleuze en 1987, avant de se terminer par un texte d’André Malraux sur l’œuvre d’art.

la maison natale de Michel Foucauld, 10 rue Arthur Ranc à Poitiers Dans le texte de Gilles Deleuze, il fut question de Michel Foucault (1926-1984), l’occasion de vous monter sa maison natale au 10, rue Arthur Ranc à Poitiers (en face de la direction de l’équipement, rue actuellement en travaux, comme vous pouvez voir). L’université et le TAP organiseront d’ailleurs cette année des rencontres et un spectacle, Foucault 71, sur les actions concrètes du philosophe en 1971 (indignation en direct dans la rue), du 25 au 27 mars 2013.