Il existe dans la cathédrale de Poitiers des clefs de voûte très intéressantes, hélas pas facile à photographier avec un appareil ordinaire et sans éclairage. Si vous voulez les voir vraiment, il faut que vous alliez les voir sur place avec des jumelles ou dans le livre que je vous ai signalé en fin d’article (page 48 pour la première, pages 133-135 pour les autres). La première se trouve dans la dernière travée centrale du chœur (juste devant le grand vitrail). Elle porte l’inscription « IN QUO A(nno) MCLXVII », en cette année 1167. Mais elle est écrite de manière curieuse. Vous avez la nervure centrale et les petits bourrelets autour. Dans les angles en bas de ce dernier, vous avez I d’un côté, N de l’autre. Sur la nervure en haut, A à gauche, VO à droite. Le A. pour Anno se trouve entre le Q et le VO. Ensuite, il faut lire en tournant. Sur la barre horizontale de la nervure, vous pouvez lire à gauche le M, en bas le C écrit tourné vers le haut, à droite le LX et au centre VII.

Voici ci-dessous ce que ça donne sur un schéma. A quoi correspond cette année? A la fin de la construction de la voûte au moins de la partie orientale de la cathédrale, c’est l’année de la naissance de Jean (sans Terre), fils d’Aliénor d’Aquitaine, en Angleterre, que l’on ne voit pas non plus sur le grand vitrail (en bas à droite de celui-ci, il y a le plan de la cathédrale porté par les commanditaires des premiers travaux, Aliénor d’Aquitaine et Henri II Plantagenêt, encadrés de 4 enfants, soit Henri, Mathilde, Richard -le futur Richard Cœur de Lion et Geoffroy, Guillaume étant déjà décédé et Aliénor, Jeanne et Jean pas encore nés, donc le vitrail a sans doute été réalisé avant 1161, année de naissance de Mathilde. D’après les estimations (pour plus d’arguments, voir le livre cité en fin d’article), le chantier de la cathédrale a dû commencer entre 1154 et 1162.

Vraiment désolée, on n’y voit pas grand chose…Nous sommes ici un peu plus tard que pour la clef de voûte portant la date, il y a eu un changement d’option de voûtement dans le chantier, et ces clefs sont sans doute réalisées entre 1180 et 1220/1230. J’ai organisé ici ce que l’on voit autour de la croisée du transept (au centre) où il y a un oculus pour laisser passer la corde des cloches, et les 7 clefs de voûte qui l’entourent, en haut nous sommes vers le chœur (dans la première des trois travées du chœur), en bas dans la troisième et dernière travée de la nef et les collatéraux, sur la ligne centrale dans l’axe du transept. Voici un schéma pour mieux vous repérer (attention, c’est juste un schéma, non conforme à l’échelle et à la forme exacte de la cathédrale).

A part l’agneau, toutes les figures sont représentées à mi corps. Sur l’oculus central se trouvent 13 anges, 5 groupes de deux et trois seuls. Ils portent des livres, une croix, une couronne, un linge, une couronne d’épines. Pour les autres clefs, voici leurs thèmes en commençant en bas à gauche et en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre autour de l’oculus :
– un ange portant une petite croix avec un tau gravé,
– saint Paul déroulant un phylactère, une Vierge à l’Enfant (tous deux couronnés),
– saint Pierre bénissant de la main droite et portant une grosse clef dans la main gauche,
– un ange portant une croix dans sa main droite et une couronne dans la gauche,
– l’Agneau de Dieu avec une croix et un oriflamme sur le dos, son nimbe a un curieux décor,
– et le Christ représenté en buste sur un fond de feuillage et tenant une hostie dans la main gauche sa main droite est cassée, mais la position du coude laisse supposer qu’il bénissait).
Les clefs de voûte de la cathédrale de Poitiers ont été exclues par Y. Blomme de son étude sur les clefs de voûte du domaine Plantagenêt (parce qu’ici, il y a une influence d’artistes venus du nord), mais je trouve qu’elles sont quand même très proches de celles qu’il mentionne (voir référence ci-dessous), en particulier celles de l’église d’Airvault dans les deux-Sèvres.
Pour aller plus loin :
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un livre : Collectif (Claude Andrault-Schmitt, Christian Barbier, Yves Blomme, Jean-Pierre Blin, Bernard Brochard, Marie-Thérèse Camus, Robert Favreau, François Jeanneau, Françoise Perrot, Yves-Jean Riou, Albert Rouet, Jean-Pierre Roussel), La cathédrale de Poitiers, éditions Le Temps qu’il fait, 2007, 176 pages (ISBN : 978-2-86853-415-6).
- un article : Blomme, Yves. L’image de l’apocalypse dans la sculpture gothique Plantagenêt (XIIe et XIIIe siècles). Dans Apocalypse, imaginaire et création artistique, sous la direction de Marie-Claude Rousseau, Cahiers du CIRHiLL, Hors série 2004, Angers, Édition de l’UCO, p. 19-45.
Cet article est une réédition augmentée de mon article d’avril 2009, publié à l’occasion de la saint Marc, mais avec des photographies de détail, j’ai joué les touristes à Poitiers en juillet 2011… et repris un peu le texte.
Au centre mais légèrement décalé vers la gauche par rapport à l’axe de la mandorle se trouve le Christ. Il a perdu sa tête mais est reconnaissable à son nimbe cruciforme (le disque avec une croix qui entoure sa tête). Il est représenté debout, les pieds nus pointes vers l’extérieur. Il porte le Livre (la Bible) dans sa main gauche. Quand le Christ est ainsi représenté dans une mandorle, on parle aussi de Christ en gloire ou en majesté (qu’il soit debout comme ici ou assis sur son trône). Il est ici encadré par le symbole des évangélistes.
Marc est souvent symbolisé par un animal, vous ne voyez pas ? Pensez à Venise… Ça y est, en bas à gauche, le lion… Le lion est ici représenté avec des ailes, comme un griffon. Pourquoi le lion ? Pourquoi quatre êtres ailés associés, qui forment le tétramorphe, soit le lion, le taureau/bœuf, l’aigle et l’homme ? Ils apparaissent une première fois dans l’Ancien Testament, dans les visions du prophète Ézéchiel. Puis dans l’Apocalypse de Jean (IV, 6-8) : » Devant le trône, on dirait une mer, aussi transparente que du cristal. Au milieu du trône et autour de lui, se tiennent quatre Vivants, constellés d’yeux par-devant et par-derrière. Le premier Vivant est comme un lion ; le deuxième Vivant est comme un jeune taureau ; le troisième Vivant a comme un visage d’homme. Le quatrième Vivant est comme un aigle en plein vol. Les quatre Vivants, portant chacun six ailes, sont constellés d’yeux tout autour et en dedans « .
… Un homme ou un ange pour Matthieu, ici en haut à gauche. il est ici représenté en buste, les mains serrées sur le ventre et maintenant le Livre ouvert. Il émerge des flots.
…Un aigle pour Jean. Sous ses pattes se trouve un livre. Il se trouve en haut à droite.
… un taureau ou un bœuf pour Luc,lui aussi ailé, et avec le livre sous sa patte avant gauche. Il est représenté en bas à droite de la mandorle.
Après avoir fait le tour du clocher de l’église Sainte-Radegonde à Poitiers à l’extérieur à toutes ses phases de constructions (à
Du côté nord (à gauche en entrant) se trouve un personnage féminin assis de face. Comment ça, vous ne voyez rien…
Allez, on zoome. Elle est vêtue d’un long et ample vêtement, la tête est auréolée (signe de sainteté) et couronnée par dessus sa guimpe (le voile qui lui enserre la tête en passant sous le menton). Il s’agit très probablement de la reine Radegonde, dont je vous ai parlé rapidement de l’histoire dans