En abordant l’autel des apôtres de l’église Saint-Jean-de-Montierneuf à Poitiers, je vous avais promis de vous monter la dédicace de l’autel majeur, aujourd’hui plaquée sur le mur nord et protégée par une vitre, désolée pour les reflets… mais l’inscription est assez claire.

Sur ce détail, vous voyez clairement Mille(simo) LXVI (1086), date de la mort de Guy Geoffroy Guillaume, comte de Poitou (sous le nom de Guillaume VI) et duc d’Aquitaine (sous le nom de Guillaume VIII), fondateur du monastère (revoir son cénotaphe) et arrière grand-père d’Aliénor d’Aquitaine, qui avait été condamné à fonder ce monastère suite à ses frasques amoureuses… Les fouilles et études du bâti récentes montrent que l’établissement existait probablement avant la fondation, mais celle-ci s’est accompagnée de dons de terres et donc de revenus… La transcription et sa traduction sont publiées dans le Corpus des inscriptions de la France médiévale, tome I-1 : Ville de Poitiers, sous la direction de Robert Favreau, Jean Michaud et Edmond-René Labande, 1974, p. 82-85:
ANNO DOMINI INCARNATIONIS MILLESIMO LXXXVI ANTE INFRA SCRIPTUM VERO ANNO X / GAUFREDUS DUX AQUITANORUM [HUIUSJ l[oJc[i] / FUNDATOR MORITUR V [an]NO / ORDINACIONIS GUIDONIS PRIMI ABBATIS [quem et ipse post V an]NOS SEQUITUR.
L’an de l’incarnation du Seigneur 1086, c’est-à-dire dix ans avant l’inscription ci-dessous, Geoffroy, duc des Aquitains, fondateur de ce monastère, est mort, la cinquième année de l’institution de Guy comme premier abbé, lequel le suivit cinq ans plus tard.
L’inscription principale mentionne la dédicace proprement dite par Urbain II, en 1096, au cours de sa grande « tournée de propagande »: après l’appel à la croisade au concile de Clermont en novembre 1095, pour rallier les grands seigneurs, et les fonds nécessaires, quoi de mieux que de faire comme nos élus maintenant? Au lieu d’aller serrer les mains sur les marchés ou « d’inaugurer les chrysanthèmes », il a fait une tournée d’inaugurations d’églises (… oups, de consécrations d’autel), dont la construction pouvait être terminée depuis quelques années ou alors être encore en plein chantier de construction! Urbain II connaissait Guy Geoffroy Guillaume, puisqu’il était grand prieur de Cluny, sous le nom de Eudes de Châtillon, lors de la fondation de l’église Saint-Jean-de-Montierneuf comme dépendance de Cluny. La dédicace parle ici des reliques, du pape Urbain II… mais pas du duc d’Aquitaine de l’époque, Guillaume VII, comte de Poitou et duc d’Aquitaine sous le nom de Guillaume IX, dit Guillaume-le-Troubadour, fils du précédent et grand-père d’Aliénor d’Aquitaine! Voici le texte principal (Corpus etc., ibid.), à lire en ayant en tête qu’il s’agit d’un texte de propagande… J’ai centré la photographie sur la date, MIL XLVI.
IN HONORE DEI GE/NITRICIS ET BEATORUM APOSTOLORUM IOHANNIS ET ANDREAE. Cu/lUS RELIQUIAE CONDITAE IBIDEM SUNT ; IPSA VERO DIE HAC. SED / LONGE POST. ANNO DOMINICAE INCARNATIONS MILLESIMO XCVU PAPA URBANUS. II. CUM TRIBUS ARCHIEPISCOP1S TOTIDEMQUE EPISCOPIS. TEMPLO / IN HONORE EORUMDEMQUE VENERABILITER DEDICATO. HOC ALTARE IN HO/NORE BEATORUM MARTYRUM. STEPHANI PROTHOMARTYRIS. LAURENTII. VlNCENTII. CRI/SANTI. Et DARIAE. VENERABl[HTER] CONSECRAVIT. IN QUO ET EORUM / RELIQUIAS. POSUIT. A[men].
Le 11 des calendes de février, l’autel majeur fut consacré en l’honneur de la Mère de Dieu et des saints apôtres Jean et André dont les reliques y ont été déposées. Ce même jour mais longtemps après, l’an de l’incarnation du Seigneur 1096, le pape Urbain II procéda avec vénération à la dédicace de ce temple en leur honneur, assisté de trois archevêques et d’autant d’évêques. Il consacra avec vénération cet autel en l’honneur des bienheureux martyrs Etienne, premier martyr, Laurent, Vincent, Chrysante et Darie, et y déposa leurs reliques. Amen.
Photographies de mars 2013.
[PS: j’avais programmé cet article depuis un moment… et ai souri dans l’édition du samedi 14 juin 2014 de Centre Presse: dans sa chronique, Môsieur Echo rapportait les propos d’un élu qui s’étonnait que le carton d’invitation au lancement des nuits romanes 2014 ne mentionne pas M. Macaire, président du Conseil régional, mais sa prédécesseur(e), « créatrice des nuits romanes »… Cela doit s’inscrire dans la logique de la dédicace d’Urbain II!].
Pour aller plus loin: voir le Corpus des inscriptions de la France médiévale, tome I-1 : Ville de Poitiers, sous la direction de Robert Favreau, Jean Michaud et Edmond-René Labande, 1974, pages 82-85 et l’article de Cécile Treffort, La mémoire d’un duc dans un écrin de pierre : le tombeau de Guy Geoffroy à Saint-Jean-de-Montierneuf de Poitiers, Cahiers de civilisation médiévale, 47e année (n° 187), juillet-septembre 2004, pages 249-270.
Sur Saint-Jean-de-Montierneuf à Poitiers, voir aussi:
le chevet sous la neige
la façade : les remplois romans, le décor de 1643/1644
l’autel des apôtres- les bâtiments installés sur l’ancien cloître : Ensma puis rectorat et bâtiment abritant le cinéma le Dietrich et un projet de restaurant
le cénotaphe de Guillaume VIII d’Aquitaine
Une plaque en cuivre retrace aux pieds du gisant l’histoire un peu ré-interprétée : « Hic jacet / Willemus VII [sic] qui et Gaufredus / dux Aquitaniae et Pictavorum / comes / hujus monasterii novi / fundator / obiit anno 1086 / Saeviente impiorum insanea / dirutum / suis reddito rege Lud[ovic]o XVIIIo / restitutum / Episcopo R.R. D.D. de Bouillé / Prefecti D.D. Locard / Hujus ecc[lesie rectore D. Sabourain » (soit à peu près : ci-git Guillaume VII qui est aussi appelé Geoffroy, duc d’Aquitaine et comte de Poitiers, fondateur de ce monastère qui mourut en 1086. Détruit par la folie des impies quand elle sévissait, rendu aux siens par Louis XVIII sous l’épiscopat du révérend de Bouillé, Locard étant préfet et Sabourain [sic, en fait Sabourin] recteur de cette église). En fait, si les tombeaux des ducs d’Aquitaine (celui-ci et celui de son fils) ont été en partie détruits lors du sac de la ville par les protestants en 1562, il semble, contrairement à ce que dit le texte (« la folie des impies ») que celui de Guy Geoffroy Guillaume ait été au moins en partie épargné et que ce soit plutôt l’effondrement des voûtes de la nef en 1643 qui est à l’origine de la destruction du tombeau en marbre. Reconstruit en pierre et visible dans le chœur en 1657, déplacé dans la nef lors de la grande campagne de restauration de l’église de 1668-1672, il est à nouveau détruit sous la Révolution.
Le cénotaphe porte la signature « Bonniot sculpt. » et a été réalisé en 1822, à l’issue d’une grande campagne de « restauration » de l’église (qui voit la destruction de la plupart des chapiteaux romans) menée à partir de 1817 et de « fouilles » à la recherche de Guy Geoffroy. Il n’a jamais plu, encore moins à l’abbé Sabourin pourtant « mouillé » dans la dédicace, et a été relégué dans un coin sombre de l’église.
Il ne présente pas un grand intérêt, le gisant est figuré allongé la tête couronnée reposant sur un oreiller et les pieds appuyés sur son chien, d’après les représentations classiques (qui ici ressemble plus à un lion!).
J’ai découvert il y a quelques jours ce projet, relayé dans la revue de presse en ligne de Philippe de
Je vous ai aussi parlé d’une participation directe en 2010 sous la forme d’un
Ce type de financement n’est pas nouveau : nombre de statues publiques du 19e siècle et même des monuments aux morts de 1914-1918 ont été financées par souscriptions locales ou nationales (voir dans ma rubrique 
Aujourd’hui, je vais vous parler du portail, qui date de 1644… date inscrite sur la porte. En cherchant bien dans la façade, on trouve aussi de nombreux remplois de l’ancienne façade romane.
Ce portail est reconstruit dans un style classique, avec des colonnes corinthiennes…
… et un fronton orné de feuillages et de putti (angelots à l’allure de poupons) baroques…
…et assez maladroits.
Une petite bête tout à gauche…
…un oiseau qui picore au-dessus d’une feuille sur le premier putti, un escargot qui rampe juste à côté et un quadripède indéfinissable (un chien?)…
Un peu plus à droite, deux putti encadrent un masque aux cheveux de végétaux…
… du centre du motif végétal, en symétrique du (chien?), émerge une curieuse bestiole, lézard à grandes dents ou dragon?
Au centre, deux bêtes à quatre pattes, guère identifiables, deux putti et en haut, des oiseaux…
… un détail des bêtes au centre…
La partie droite est plus ou moins symétrique…
Si on regarde bien, le masque est ici décalé vers le haut par rapport à l’autre côté… et a une sorte de rose sur le front à la place des feuillages. Il y a aussi moins de petites bêtes, juste un petit oiseau… rien au milieu des feuilles.
Et le dernier putti à droite est encore plus maladroit que les autres, l’oiseau sur les feuilles au-dessus de sa tête pas terrible (et cassé), et à droite, une autre bête à quatre pattes, peut-être un chien…
Au-dessus, des armoiries…
… et tout en haut, sur la clef de la fenêtre qui surmonte le portail, les lettres IHS (le monogramme du Christ, nous sommes quand même sur un édifice religieux) surmonté d’un masque.
Ce matin à 8h, la neige tombait bien. Un peu plus tard, surprise, les bus fonctionnent, je monte au marché de la ZUP, sur la colline de l’autre côté du Clain. Le marché est tout petit, là où vous voyez les voitures, il y a d’habitude de nombreux étals.
Vite, je fais quelques courses, et je redescends à pied. Une fine pluie tombe, j’espère qu’elle ne va pas se transformer en verglas. Mais elle s’arrête vite. Une petite vue sur la ville, le clocher blanc sur fond blanc au centre de la photo, c’est
Au passage, un banc pour admirer la ville…
… un garde-manger pour les oiseaux…
… et je continue sur le chemin des crêtes que j’aime bien car il longe le rebord du plateau.