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Un guerrier et des amoureux à Aulnay (Charente-Maritime)

église Saint-Pierre d'Aulnay, en Charente-Maritime, corniche du transept sud, partie gauche L’église Saint-Pierre d’Aulnay, en Charente-Maritime, est l’une des églises romanes (enfin, en très grande partie romane) de la région Poitou-Charentes que je préfère, où je me sens bien à l’extérieur comme à l’intérieur… Je vous en reparlerai, j’aime m’y arrêter quand je passe à proximité. Je ne suis pas la seule, c’est un lieu cher à Rémy Prin, qui en parle sur son site parole et patrimoine, dans un livre (Aulnay d’ombre et de lumière – Un art roman d’exception , de Rémy Prin, collection voyages sensibles aux éditions Jean-Michel Bordessoules, 2009) dont je vous ai parlé ici. Il en parle aussi admirablement bien dans des poèmes de Toute la terre à vif, qu’on voit, qu’il m’a autorisé à citer ici…

église Saint-Pierre d'Aulnay, en Charente-Maritime, corniche du transept sud, quatrième modillon, un couple d'amoureux  » Il y a là-haut le couple d’amoureux qui côtoie le
guerrier
il y a les bruits du monde
tous les schémas de la violence entre nous
depuis des siècles, et qu’on n’épuise pas « .

(extrait de Toute la terre à vif, qu’on voit, de Rémy Prin, éditions paroles et patrimoine, 2007, p. 37).

Nous sommes sur le transept sud de l’église, à l’extérieur. Son portail en est très richement orné d’une série de monstres et d’animaux que je vous montrerai, c’est sûr. Au-dessus, la corniche est soutenue par des modillons (clic sur le lien suivant sur le site de la région Poitou-Charentes si vous voulez voir un schéma avec ces mots). Le quatrième modillon en partant de la gauche est ce mignon petit couple qui s’embrasse tendrement (il y a un autre couple sur une absidiole).

église Saint-Pierre d'Aulnay, en Charente-Maritime, corniche du transept sud, cinquième modillon, un soldat À sa droite, sur le cinquième modillon, se trouve le soldat du poème, armé d’une courte épée et protégé par un bouclier dont la forme rappelle ceux des vertus sur la baie juste au-dessus, au deuxième niveau du mur sud du transept sud, ou encore celles du portail de la façade occidentale, mais c’est un autre sujet pour d’autres articles. La manche droite du soldat (à gauche de l’image) tire-bouchonne un peu, il est sans doute plus à l’entraînement ou à un tournoi qu’à la guerre.

église Saint-Pierre d'Aulnay, en Charente-Maritime, corniche du transept sud, troisième modillon, un griffon De l’autre côté, sur le troisième modillon, se trouve un griffon, animal fantastique hérité de l’Antiquité à corps de lion avec une tête et des ailes d’aigle. On trouve le griffon en Mésopotamie (voir les grands griffons du palais de Darius à Suse, en Iran, aujourd’hui au Louvre), en Égypte ancienne, dans les mondes grec (une petite pensée pour eux) et romain. Pour ce petit modillon, je propose de ranger cet article dans la communauté des gargouilles, cariatides etc. créée par d’Amaryllis. Et désolée, cette photo de détail a été faite avec mon ancien APN, vous voyez la différence avec le nouveau, comme ça…

Si vous souhaitez découvrir un autre recueil de poésie de Rémy Prin, je vous conseille aussi Visage inépuisable.

Le monument aux morts de 1870-1871 à Poitiers

Poitiers, monument aux morts de 1870, 1, l'ensemble Alors que l’armistice du 28 janvier 1871 approche (voir plus bas), je vous présente le monument aux morts de la guerre de 1870-1871. Cet article a été rédigé en janvier 2009, complété avec de nouvelles photographies en janvier 2010, puis en novembre 2011 avec les informations trouvées dans la presse numérisée. Depuis la rédaction de cet article, le square a perdu massacre des grilles en novembre 2011 et a subi un nettoyage intempestif qui en a détruit la patine en février 2012. Sa restauration a commencé en juin 2012. Il est désormais restauré.

Poitiers, monument aux morts de 1870, 2, le soldat Le monument représente un soldat effondré au pied d’un obélisque. Il a été inauguré le 22 décembre 1895, si vous voulez lire les détails des discours ou lire le menu du banquet, vous pouvez en voir ce que dit l’Avenir de la Vienne, 124e année, n° 301, lundi 23 et mardi 24 décembre 1895, vues numérisées 33 et 34 notamment. En revanche, je n’ai pas trouvé le détail des travaux annoncé « pour les jours prochains » (je suis allée jusque mi janvier 1896).

On y apprend que le monument a été réalisé par l’architecte Formigé. Les bronzes, dessinés par Jules [Félix] Coutan (voir plus bas) ont été fondus par Thiébaut frères (voir aussi plus bas) sur des maquettes réalisées par l’atelier Saint-Hilaire. L’obélisque est un remploi mais, contrairement à ce que beaucoup ont affirmé, il ne s’agit pas de la pyramide de Saint-Hilaire offerte par la famille de Vareilles-Sommières (dont je vous ai déjà parlé pour le monument aux mort de Sommières-du-Clain) (voir en PS et en commentaire dans cet article). Toujours selon cet article de presse, les plaques de marbre ont été réalisées par M. Rat (j’ai programmé un article sur son immeuble…) et l’entrepreneur fut M. Poissonneau.

Pour une étude complète du square, voir une vue du projet en commentaire et dans l’article de Grégory Vouhé, Édouard André et Jean-Camille Formigé. Le square de la République, L’Actualité Poitou-Charentes n° 95, 2012, p. 45. Donc le dessin du square et des grilles (vous pouvez voir leur dessin original  en commentaire de cet article sur le massacre des grilles) est de Édouard André, celui du monument, des palmes, etc., est de Jean-Camille Formigé, et le soldat en bronze, sujet initial de cet article, de Jules [Félix] Coutan.

Poitiers, monument aux morts de 1870, signature de Jules Coutan Le bronze représentant le soldat effondré est signé de Jules [Félix] Coutan, prix de Rome en 1872, et daté de 1895 [du même artiste, voir la tombe de la famille Herbette]. Il fut inauguré le dimanche 22 décembre 1895 de cette année là dans le square Magenta (de son nom donné par les Poitevins, mais square de la République de son nom officiel) où il se trouve toujours. Si vous êtes à Paris, vous pouvez voir Les chasseurs d’aigles sur la façade rue Buffon du Muséum d’Histoire naturelle de Paris. Sinon, Insecula consacre une page à cet artiste.

Poitiers, monument aux morts de 1870, 4, la signature des frères Thiébaut, fondeurs Il porte aussi la signature des fondeurs, les frères Thiébaut (qui ont aussi fondu le Gloria Victis d’Antonin Mercié à Niort). La lecture du compte-rendu dans la presse locale, par exemple dans l’Avenir de la Vienne (124e année, n° 301, lundi 23 et mardi 24 décembre 1895, vues 41 et 42 pour le détail des discours, le menu du banquet, etc.) donne quelques précisions, même si je n’ai pas trouvé le récapitulatif des travaux annoncé pour les jours suivants (j’ai regardé en vain jusque mi janvier 1896). Les plaques en marbre ont été réalisées par les ateliers de M. Rat (dont je vous montrerai la maison un de ces jours). Les moulures et les profils ont été dessinés par M. Formigé (architecte des monuments historiques qui à Poitiers a travaillé sur les églises chevet, Notre-Dame-la-Grande et Sainte-Radegonde) et les travaux surveillés par M. Boudoin, inspecteur des monuments historiques et des édifices diocésains de la Vienne. L’obélisque, en remploi, est dit en granite dans cet article, mais il est en réalité en marbre [voir en PS et en commentaire, il ne s’agit pas de la Pyramide de Saint-Hilaire offerte par la famille de Vareilles-Sommières (dont je vous ai déjà parlé pour le monument aux morts de Sommières-du-Clain).

Poitiers, monument aux morts de 1870, 6, le haut Revenons au monument. Au sommet de l’obélisque, la dédicace aux enfants de la Vienne morts pour la France et des symboles républicains, la palme, les couronnes de laurier, les feuilles de chêne.

Poitiers, monument aux morts de 1870, 6, détail des jambes Voici le détail des genoux du soldat…

Poitiers, monument aux morts de 1870, 7, détail de la vareuse …et son expression de souffrance, effondré sur le canon et son épée, le long fusil au côté…

Petit rappel historique : la guerre de 1870 s’est déroulée du 19 juillet 1870 au 28 (29) janvier 1871. Elle fut officiellement déclenchée à la suite à la dépêche d’Ems, publiée par Bismarck, chancelier du roi Guillaume Ier de Prusse, le 13 juillet 1870 au nom du roi de Prusse et orientée en un sens insultant pour l’ambassadeur de France Benedetti. Mais c’est la lutte pour la succession du trône d’Espagne, que Bismarck veut offrir au prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen, cousin du roi de Prusse, qui en est une des causes réelles. Napoléon III déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870, ne voulant pas se faire encercler entre la Prusse et l’Espagne. Le 2 septembre 1870, l’empereur Napoléon III s’était rendu avec 100 000 soldats à Sedan. Le 29 octobre à Metz, le maréchal Bazaine se rend à son tour avec 180 000 soldats. L’armistice est signé le 28 janvier 1871 à Versailles, le traité de paix préliminaire le 26 février toujours à Versailles, confirmé le 10 mai 1871 par le traité de Francfort : l’Alsace et une partie de la Lorraine sont cédés à l’Allemagne. Paris refuse le traité de Versailles, la garde nationale et des ouvriers se soulèvent et prennent le contrôle de la ville en mettant en place un gouvernement révolutionnaire (18 mars 1871) : c’est la Commune de Paris, écrasée depuis Versailles par le gouvernement d’Adolphe Thiers du 21 au 28 mai 1871.

Côté victimes, il y a eu 44 000 morts allemands et 139 000 français, dont une moitié par maladie. Puisque les vaccins sont d’actualité, les Allemands avaient fait un rappel antivariolique à leurs soldats, ils ont compté un peu plus de 8500 malades et 450 morts, alors que les Français, qui n’ont pas fait ce rappel, ont eu 125 000 malades et 23 500 morts.

Les monuments commémoratifs des morts (monuments aux morts, pour faire court) ont été construits dans les préfectures, sous-préfectures, certains chefs-lieux de canton, plus rarement dans les autres communes. Malgré la défaite, certains représentent une victoire, comme ceux de Niort ou du cimetière des Bardines à Angoulême, à découvrir dans le Parcours du patrimoine de Charlotte Pon sur les allégories de la République. Les symboles républicains y sont présentés. Vous pouvez aussi revoir le monument aux morts de la Vienne ou celui aux morts allemands pour 1914-1918.

PS : sur la pyramide de Saint-Hilaire: elle est signalée dans l’arrêté de protection du musée de Chièvres (dont je vous ai parlé pour le portail des Augustins, il faut d’ailleurs que je mette cet article à jour avec des photographies après restauration) : « Petit monument commémoratif dit Pyramide de Saint-Hilaire sis 21 rue Bourbeau démonté (au musée de Chièvres) en attente de réédification soit au musée même, soit dans la ville : inscription par arrêté du 21 juin 1952« . Il ne s’agit pas de l’obélisque du monument aux morts de 1870/1871 mais de celui qui l’a précédé sur un monument aujourd’hui détruit et qui se trouvait près de l’hôtel de ville. PPS : voir le point fait sur le sujet depuis par Grégory Vouhé, Pyramides de Saint-Hilaire, L’actualité Poitou-Charentes, n° 98, octobre-décembre 2012, p. 34-35.

Pour aller plus loin : voir les articles de Grégory Vouhé, Édouard André et Jean-Camille Formigé. Le square de la République, L’Actualité Poitou-Charentes n° 95, janvier 2012, p. 45 et Édouard André, jardins pour PoitiersL’Actualité Poitou-Charentes n° 96, avril 2012, p. 42-44.

Pour les plus « téméraires » : Archives départementales de la Vienne, 16 J 3/106 (correspondance sur la pyramide Saint-Hilaire et livret de l’abbé Rosière, L’historique de la Pyramide du monument inauguré, place du Lycée, le 22 décembre 1895,
Poitiers, imprimerie 1896) et 16 J 3/107 (croquis du monument par Jean-Camille Formigé de septembre 1892, photographié par Alfred Perlat), suivez les liens, ces documents sont disponibles en ligne!

Délibérations et rapports du conseil général de la Vienne, sur Gallica, avril 1892 (subvention 100 francs, validé à la session ordinaire du mois d’août 1892), avril 1893 (subvention 500 francs car sur 15000 francs, seulement 9500 collectés par le comité), puis en avril 1895 (subvention 400 francs car le coût a augmenté, le conseil général dit 15000 F initiaux plus surcoût de 6500 francs, l’Avenir de la Vienne, dans son article sur  l’inauguration parle de 20000 francs au total). Le monument a également reçu 12000 francs de dons et souscriptions privés, des subventions de la ville de Poitiers, du ministère de l’Education et des Beaux-Arts (1700 francs), du ministère de l’intérieur, … Le musée Sainte-Croix à Poitiers conserve le plâtre du Soldat de Jules Coutan, signé « A GEORGES HEUSE SON PAPA J. COUTAN » (CAT. 1983 n° 33, à voir sur la base Alienor).

Voici en complément une carte postale envoyée par Grégory montrant l’aménagement d’Édouard André, publiée dans cet article, il y a maintenant à la place une rue bétonnée…

Photo : Paysagiste de renommée internationale, Edouard André avait créé en 1893-1894 le Square de la République. Cette carte postale garde seule mémoire de sa végétation luxuriante : une chape de béton a été coulée sur ce jardin, et désormais une rue passe à l'emplacement du bassin et des rocailles. ©Grégory Vouhé Pour en savoir plus : "Edouard André. Jardins pour Poitiers", L'Actualité Poitou-Charentes n° 96, p. 42-44.Photo : Paysagiste de renommée internationale, Edouard André avait créé en 1893-1894 le Square de la République. Cette carte postale garde seule mémoire de sa végétation luxuriante : une chape de béton a été coulée sur ce jardin, et désormais une rue passe à l’emplacement du bassin et des rocailles. ©Grégory Vouhé Pour en savoir plus : « Edouard André. Jardins pour Poitiers », L’Actualité Poitou-Charentes n° 96, p. 42-44.