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Crosswind de Martti Helde

Affiche de Crosswind de Martti HeldeCrosswind, la croisée des vents, de Martti Helde, est sorti depuis plusieurs semaines et sa projection se termine aujourd’hui à Poitiers. Je n’ai pu le voir qu’hier, j’attendais qu’il passe à un horaire qui me convienne (18h)…

Le film: 14 juin 1941. Erna [Laura Peterson] et Eldur [Mirt Preegel] vivent heureux avec leur petite fille, Eliide [Ingrid Isotamm], quand ils sont arrêtés, embarqués sur des camions puis dans des wagons à bestiaux. Lui d’un côté, elle de l’autre avec la fillette. Direction la Sibérie, elle est placée avec d’autres Estoniens et surtout Estoniennes dans un village perdu, contrainte à travailler à l’abattage des arbres. Privée de nourriture, la fillette décède vite, au fil des mois, des années, elle continue à écrire ses peurs, ses espoirs à son mari…

Mon avis: un film tourné en noir et blanc de manière très originale. Les scènes en Estonie, au début et à la fin, sont tournées de « manière normale », avec une très belle lumière notamment sur le verger de pommiers en fleurs ou lors de la promenade en barque. Tout le reste du film est composé de longues scènes figées, avec des acteurs immobiles. Ici un oeil cligne, là un rideau bouge, mais pas les personnages, seule la caméra se déplace et film lentement la scène, embarquement dans les wagons, vie dans les masures, travail dans la forêt, etc. La scène de fête, avec danse un peu forcée entre les villageois et les déportés, où la mort de Staline est annoncée à la radio, le 5 mars 1953, est surréaliste, d’autres font tout pour associer dans l’imaginaire cette déportation à celles menées par l’Allemagne nazzie, notamment un énorme tas de bottes et chaussures. Je ne suis pas d’accord avec la dernière image, « en hommage aux victimes de l’Holocauste soviétique », Holocauste doit rester aux victimes des nazzis, génocide oui, Holocauste non. Épuration ethnique sans aucun doute, 10.000 Estoniens furent déportés sur ordre de Staline dans cette rafle du 14 juin 1941, la moitié n’en est pas revenu (dont le mari, fusillé 5 mois après son arrivée en Sibérie). Mais il s’agit d’une déportation d’opposants politiques (ou supposés politiques), pas d’une déportation d’hommes considérés comme « inférieurs », triés à l’arrivée pour être soit assassinés directement, soit d’abord utilisés comme du bétail pour finir à leur tour assassinés. Les déportés des Pays baltes ont eu en gros le même sort que les déportés politiques (résistants, etc.) par les nazzis (relire Les naufragés et les rescapés, de Primo Levi pour son analyse des profils de ceux qui ont survécu), ils ont constitué une main d’oeuvre corvéable à merci, avec un taux de mortalité énorme, mais sans plan d’élimination systématique. Les chiffres donnés à la fin mélangent aussi un peu tout. Aux 10.000 raflés de juin 1941 se sont ajoutés 90.000 Estoniens, Lituaniens et Lettons, arrêtés entre le 25 et le 29 mars 1949 et non mentionnés dans le générique, ou plutôt « amalgamés » avec les autres victimes. Pour arriver à plus de 580.000 victimes baltes annoncées à la fin du film, il faut ajouter les déportés en Sibérie, mais aussi les victimes des crimes nazzis (pensez à la famille de Roman Kacew / et relisez Éducation européenne), de la famine, etc. Ces déportations n’ont été dénoncées par Krouchtchev qu’en 1956, début du retour des survivants, et ce n’est que le 14 novembre 1989 que la Russie reconnaît les crimes staliniens et permet l’ouverture partielle des archives et l’annonce officielle des décès. Il ne faut pas minimiser ces crimes contre l’humanité, mais créer l’amalgame ne sert pas au propos ni à établir la « vérité historique ». A cette réserve près, qui concerne des mentions à la fin du film, en générique en quelque sorte, je vous conseille vivement de le voir pour ces longs tableaux quasi muets qui se succèdent, avec juste la lecture des lettres, le film d’un jeune réalisateur (27 ans) dont le grand-père a fait partie des victimes de cette rafle de 1941.

Les fils d’Octobre de Nicolaï Maslov

pioche-en-bib.jpgCouverture de Les fils d'Octobre de Nicolaï MaslovUne bande dessinée trouvée dans les bacs de la médiathèque. Elle fait suite à Une jeunesse soviétique.

Le livre : Les fils d’Octobre de Nicolaï Maslov (scénario et dessins), traduit du russe par Anne Coldefy-Faucard, éditions Denoël Graphic, 2005, 96 pages, ISBN 978-2207257388.

L’histoire : en Sibérie et ailleurs en Russie soviétique (en train, à Moscou), en gros de 1975 à 1987. En huit épisodes, un portrait de la Sibérie et de la Russie contemporaine, avec tous ses problèmes, l’alcoolisme (des ouvriers, des paysans), le travail (à l’usine, dans un train), la visite à la mère en Sibérie, le départ des tanks pour l’Afghanistan, les anciens soldats ravagés, le départ d’un ami pour l’Italie.

Mon avis : un album en noir et blanc, dessiné avec de puissants traits au crayon, notamment de superbes paysages et de grands passages muets, sans bulle, où le dessin donne toute sa vérité aux paysages blancs, aux grandes étendues, aux arbres mais aussi de Moscou ou aux personnages alcoolisés. Ceci étant, les histoires se déroulent lentement, très lentement, dans un monde essentiellement masculin. Les personnages féminins, comme la mère mourante chez qui le fils arrive trop tard pour avoir bu pendant plusieurs jours avec ses anciens camarades, restent très en retrait, en toile de fond, sauf dans l’avant-dernière histoire, la fille, qui, avec son baluchon sur une luge, arrive à temps pour visiter une vieille femme.

 

Logo du top BD des blogueurs 2013 Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

Une jeunesse soviétique de Nicolaï Maslov

pioche-en-bib.jpgUne jeunesse soviétique de Nicolaï MaslovUne bande dessinée trouvée dans les bacs de la médiathèque.

Le livre : Une jeunesse soviétique de Nicolaï Maslov (scénario et dessins), préface d’Emmanuel Carrère, traduit du russe par Anne Coldefy-Faucard et Veronika Dorman, éditions Denoël Graphic, 2004, 104 pages, ISBN 978-2207256189.

L’histoire : en Sibérie et en Mongolie, à partir de 1971. Une histoire qui s’enchaîne au fil de l’enfance en Sibérie, puis du service militaire en Mongolie, l’espoir d’une école de dessin à Moscou, le travail dans une boulangerie puis dans une galerie d’art, dans un monde soviétique ravagé par la vodka, seul produit qui semble ne pas manquer dans les magasins.

Mon avis : un album en noir et blanc, de puissants traits au crayon, beaucoup de grands paysages, de grands passages muets sans bulle où la force du dessin s’exprime pleinement. Campagne sibérienne, chambrée militaire en Mongolie, bagarres d’ivrognes, tout est rendu avec beaucoup de détails. Le récit autobiographique se déroule avec lenteur, montrant toutes les difficultés de la vie du jeune homme et son espoir de partir un jour découvrir l’art à Paris…

Voir la suite de l’histoire: Les fils d’Octobre

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