Pour cette saison 2014-2015, le théâtre et auditorium de Poitiers / TAP a choisi de donner Henry VI, l’œuvre monumentale de Shakespeare écrite entre 1588 et 1590 et mise en scène par Thomas Jolly (le « culotté » metteur en scène de 32 ans) et sa compagnie la Piccola Familia, 13h30 de spectacle, 18h30 avec les entractes, qui a triomphé à Avignon en 2014 (d’une seule traite) et dans de nombreuses salles (sous des formats variables). Une vingtaine d’acteurs pour environ 200 personnages. Ici, nous avions le choix entre 4 soirées (mmm… irréaliste pour moi) ou deux dimanches, de 14h30 à 23h environ, ce que j’ai préféré. Il fallait oser monter ce cycle de trois pièces shakespearienne d’un coup, enfin, en 4 épisodes chacun partagés en deux. Les cartes à publicité annonçaient la couleur, ça va conspirer, ça va saigner, ça va vous emporter (dans les bras de Morphée?)!
L’histoire: le règne d’Henry VI revu et corrigé par Shakespeare… de son accession au trône jeune enfant le 1er septembre 1422 -il était né le 6 décembre 1421 et avait donc à peine 1 an-, à la mort de son père Henry V en pleine guerre de Cent Ans à sa mort le 21 mai 1471, en passant par la guerre des Deux Roses.
Le spectacle: un grand praticable avec une variante d’échafaudage sert de décor principal, les lettres permettent de se repérer: Bordeaux, Londres, etc., tous les lieux sont précisés. Pour le reste, des manchons en toile permettent de simuler les colonnes du palais royal par exemple, des chaises « à tout faire » (chevaux, bûcher de Jeanne d’Arc) meublent aussi la première partie. Pour éviter que le public ne se perde dans les méandres de cette histoire complexe, une rhapsode (narratrice à l’Antique) a été ajouté à la pièce originale et permet régulièrement de se situer… l’actrice, Manon Thorel, eut droit à plusieurs ovations! Quelques petits bémols, en cette période de grippe, Thomas Germaine (Henri VI adulte) a fini à chaque fois avec la voix cassée, peut-être aussi parce qu’il poussait trop la voix. Le metteur en scène a en effet choisi de faire crier beaucoup de personnages… ce qui rend parfois incompréhensibles les tirades de Geoffrey Carey (principalement dans les rôles de Humphrey de Gloucester puis de Alexander Iden) avec son accent british. Sinon, j’ai beaucoup aimé ce mélange entre tradition et parties résolument modernes, la tenue de Jeanne d’Arc est… « d’enfer » (avant qu’elle n’aille le rejoindre), mais chut, laissons la surprise à ceux qui verraient la pièce ultérieurement. Comme promis, « ça a saigné », et même beaucoup, sur fond de musique calme ou carrément électro-rock, de lumière tamisée ou de faisceaux lasers… Ces changements de rythmes et d’ambiances sont bienvenus pour maintenir l’attention! Quelques petites piques ajoutées ici et là aussi, par exemple, de passage à Poitiers, ça, c’est dans la pièce, il est question de … farci poitevin, succès garanti et ceux qui commençaient à perdre pied sont vite revenus dans la pièce. Un grand moment de théâtre, n’hésitez pas à embarquer dans l’aventure si elle se profile près de chez vous!
Les entractes: contrairement à la pagaille qui avait régné pour l’entracte de L’âme du Japon, cette fois, tout était très bien organisé. En bas du grand escalier, une taverne attendait ceux qui n’avaient pas eu envie de réserver un repas ou qui avaient apporté leurs provisions et juste envie d’un cake et de bière anglaise… Pour les autres, nous avions la possibilité de réserver et pré-payer des repas à des prix très raisonnables (avec ou sans dessert, variante viande ou végétarienne, boisson comprise, par Thierry Nardo -désormais sous les halles- et Gargamel-le-Catering -rue des Trois-Rois, deux restaurateurs poitevins). Files bien organisées et grandes tablées en bois sous de jolis lustres (en récupération… couverts rouillés à la place des pampilles) et de grandes tapisseries… projetées sur les murs des foyers côté théâtre comme côté auditorium. Organisation impeccable 😉 , jusqu’à se caler sur… l’heure anglaise (18h30 le premier dimanche, 18h le deuxième)!
Bon, je l’avoue, je n’ai pas vu la fin les deux soirs, les amis avec qui j’étais ont renoncé à me réveiller toutes les 5 minutes après 21h30… mais cela n’a rien à voir avec la qualité de la pièce, juste avec le reste de fatigue de mes méningiomes. En revanche, l’endormissement le premier dimanche après le premier entracte est dû à un passage moins rythmé et plus long du coup, d’autres spectateurs ont aussi piqué du nez. J’ai quand même eu droit au badge « J’ai vu Henry VI en entier ».