Un livre que j’avais eu envie de lire à sa sortie, mais j’avais hésité, devant les propos durs qui devaient s’y trouver, opinion renforcée après avoir vu plusieurs émissions avec Rithy Panh. J’ai fini par l’emprunter à la médiathèque.
Le livre : L’élimination de Rithy Panh, avec Christophe Bataille, éditions Grasset, 2012, 333 pages, ISBN 9782246772811.
L’histoire : Phnom Penh, 17 avril 1975. Les Khmers rouges prennent le contrôle de la capitale du Cambodge, la vide de leurs habitants, dont toute la famille de Rithy Panh, 13 ans, dont le père, fils de paysans, était un haut fonctionnaire du ministère de l’éducation. En quelques mois, la famille est décimée, malades et affamés, seuls survivent une grande sœur, un temps perdue de vue, et Rithy, trimbalé de camp de travail en hôpital… En 2003, après plusieurs années de recueil de témoignages et de montage, Rithy Panha sorti le film documentaire S21, La machine de mort khmère rouge, sur le centre de torture et d’exécution S21, où plus de 12000 personnes entre 1975 et 1979 ont été assassinées (1,7 millions de Cambodgiens, un tiers de la population, sont morts pendant ces 5 années). Arrêté en 1999, Duch, le bourreau du camp, est jugé en 2010 par le Tribunal Pénal International. Il accorde une série d’entretiens à Rithy Panh en marge de ce procès, confronté par lui aux documents recueillis.
Mon avis : un roman livré d’une traite, sans séparation en chapitres, juste un saut de ligne entre les passages qui s’entremêlent, entretiens avec Duch (dont est sorti un film que je n’ai pas vu, Duch, le maître des forges de l’enfer), vie aux camps, vie à Paris aujourd’hui, en essayant de « digérer » ce matériau, période de recueil des témoignages pour S21… Plusieurs approches pour témoigner du génocide, de la famine organisée, de l’indifférence voire de la complaisance du reste du monde à l’égard du régime Khmer rouge, critique sur le tribunal pénal international qui livre un documentaire-fiction au lieu de confronter Duch aux documents d’archives. Un Duch qui apparaît froid, menteur, ironique, cultivé, converti au christianisme, en contraste avec la vie du gamin de 13 ans qui en moins de six mois devient orphelin, survit à une grave infection du pied (un accident banal, mais sans médicaments…), au paludisme, à la famine. Un livre dont on ne sort pas indemne, mais dont la lecture est aussi indispensable que celle des grands témoins de la Shoah et des camps nazis… Pour ne pas oublier, pour rendre aux victimes leur place.
Pour aller plus loin sur l’histoire du Cambodge, voir aussi:
Kampuchéa de Patrick Deville
… et bientôt plusieurs bandes dessinées sur le génocide Khmer rouge et le Cambodge, j’ai voulu approfondir le sujet. Voir: L’eau et la terre et Lendemains de cendres de Séra, L’année du Lièvre, tome 1, Au revoir Phnom Penh de Tian.