Il y a quelques semaines, dans sa chronique dans Charlie Hebdo, le psychanalyste Yann Diener se basait sur deux livres d’Emmanuel Carrère, et m’a donné envie de les lire. J’ai acheté La moustache en livre de poche d’occasion. Je n’ai pas vu l’adaptation qu’il en a faite au cinéma avec Vincent Lindon, Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric. Du même auteur, je vous ai déjà parlé de D’autres vies que la mienne.
Le livre : La moustache, d’Emmanuel Carrère, éditions POL, 1986, 192 pages, ISBN 2-86744-057-2 [lu en Folio n° 1883, 1987, rééd. 2005, 183 pages].
L’histoire : un jour, une fin d’après-midi plutôt, dans l’appartement d’une ville indéterminée. Alors qu’il prend un bain avant de partir dîner chez des amis, le mari d’Agnès décide de se raser la moustache qu’il porte depuis dix ans, elle l’a donc toujours connu avec. Mais elle ne remarque pas ce changement, pas plus que leurs amis. Au retour, il finit par se fâcher, ce n’est pas sympatique de ne pas avoir remarqué le changement… mais elle lui assure qu’il n’ jamais porté la moustache, il n’a qu’à vérifier avec les photographies de vacances ou auprès de ses collègues du cabinet d’architecte… Et s’il laissait repousser sa moustache ?
Mon avis : la narration, bien qu’à la troisième personne, nous fait entrer de plain pied dans la folie où sombre peu à peu l’homme, avec lui, on finit par douter, y a-t-il un complot, s’est-il rasé la moustache ou ne l’a-t-il jamais portée? Est-il victime de la fatigue, du surmenage, sous la pression d’un projet urgent à rendre au travail? Est-ce sa femme qui a décidé de le rendre fou en se moquant de lui et en complotant? Le lecteur est déstabilisé jusqu’à la fuite à Hong-Kong, où tout bascule définitivement. Un livre à découvrir, très original dans son mode narratif et son approche de la folie… Qui est fou, d’ailleurs? [Pour le rapport au père évoqué dans l’article de Yann Diener, j’attends de lire le deuxième livre pour comprendre].