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Les Veilleurs de Vincent Message

Dimanche soir, je rentrais tranquillement de Dordogne. J’allume la radio, France Inter, et au lieu de l’Afrique enchantée, apparemment avancée d’une heure, je tombe sur une cacophonie intégrale qui semble être une nouvelle émission politique. Je zappe, tombe sur France Info. Quelques minutes plus tard, une rubrique littéraire, trois libraires, un de Boulogne-sur-Mer, un de Paris et le troisième, je n’ai pas retenu… Chacun parle des livres de la rentrée littéraire qui leur a plu ou qu’ils vendent le plus… Soudain, celui de Paris parle des Veilleurs de Vincent Message comme un chef-d’œuvre… Or je suis bloquée depuis plusieurs jours vers la page 350, j’ai promené le livre tout le week-end sans l’ouvrir, et Suzanne, de Chez les filles.com, doit commencer à se demander si je vais enfin parler du livre… Bon, en rentrant, je me suis réattaquée au livre…

 

PS : il est aussi dans la sélection Télérama/France-Culture des meilleurs romans français de la rentrée…

Le livre : Les Veilleurs, de Vincent Message, éditions du Seuil, 631 pages, 2009, ISBN 978-2-02-099707-2.

L’histoire : Regson aux États-Unis. Nexus a abattu il y a quelques mois trois personnes, avant de s’endormir sur ses victimes. Il est amnésique, mais quand même jugé responsable de ses actes et condamné à perpétuité. Mais un peu plus tard, Samuel Drake, le gouverneur, le fait déménager dans une riche clinique psychiatrique, où il charge le psy, Joachim Traumfreund, et Paulus Riviero, un flic, de trouver la motivation de Nexus dans ce meurtre. pourquoi ? Juste parce que l’une des victimes était son amante illégitime, et qu’il veut savoir s’il n’était pas visé à travers elle. Peu après, les trois hommes et deux infirmiers déménagent dans une maison créée par un architecte fou et donnée à la clinique, l’Aneph : ses murs, ses meubles peuvent se reconfigurer à l’infini… Peu à peu, Nexus commence à raconter ses rêves ou ses délires plutôt, puisqu’ils s’aperçoivent vite qu’il n’a pas de phase de sommeil paradoxal.

Mon avis : Franchement, jusque vers la page 150 (sur plus de 600 en petits caractères et sans grands blancs entre les chapitres), je trouvais ça assez drôle d’alterner le point de vue du psy et du flic et celui du fou… Puis les pages et les pages de description des rêves de Nexus, sa vie parallèle au monde réel, m’ont lassée puis franchement ennuyée… Quand j’ai repris page 350, j’ai lu en diagonale toutes les pages sur ces rêves (je peux lire alors très vite, tout en saisissant l’essentiel, c’est une technique apprise il y a longtemps). Les quarante dernières pages permettent de comprendre à peu près tout ce qui précède… Alors, certains, dont le libraire entendu dimanche ou Carlita, trouvent ce livre génial, je m’y suis surtout ennuyée. Son format un peu lourd empêche de le lire confortablement au lit. Je n’ai pas trop aimé le premier livre de ce jeune auteur (né en 1983)… que vous pouvez découvrir sur son site, où j’ai apprécié la rubrique univers.

Logo de Chez les filles Le site Chez les filles.com (merci à eux et notamment à Suzanne) m’ont déjà envoyé ces autres livres, que j’ai parfois aimés, parfois pas du tout. Retrouvez-les sur la page des livres reçus pour critique.

Logo du challenge du un pour cent littéraire 2009 Ce livre est le premier que j’ai lu dans le cadre du challenge du 1 % littéraire, organisé par la Tourneuse de page.

L’intranquille de Gérard Garouste, avec Judith Perrignon

Couverture de lintranquille de Gérard Garouste

J’ai lu ce livre il y a quelques semaines, en allant voir mon frère, ma sœur et mon père (c’est le lien vers son nouveau blog, car Orange a décidé de fermer prochainement tous ses blogs, dont bien sûr celui de mon père), c’est lui qui avait acheté le livre…

Le livre : L’intranquille. Autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou, de Gérard Garouste, avec Judith Perrignon (journaliste qui a tenu sa plume à la première personne), éditions L’iconoclaste, 2009, 202 pages, ISBN 9782913366251.

L’histoire : Gérard Garouste, peintre, sculpteur, graveur, illustrateur, livre une auto-biographie terrible. Sans concession pour son père Henri Garouste, ex-collaborateur et spoliateur des biens juifs, pour son éducation catholique implacable, mais aussi pour sa recherche de la lecture des textes bibliques en apprenant l’hébreu pour mieux comprendre l’Ancien Testament… Une façon de bien saisir la difficulté de cette langue qui n’écrit pas les voyelles et ne sépare pas les mots, ce qui permet de multiples interprétations… Il revient aussi sur la distinction entre le tétragramme YHWH (souvent transcrit par Yahvé) et ADONAI. Il porte un regard sans concession sur ses problèmes psychiatriques, qu’il a longtemps caché alors que ses délires (psychose hallucinatoire) l’ont conduit à être hospitalisé à de nombreuses reprises, rend hommage à sa femme Élisabeth et à ses deux fils, pour qui cette maladie a été difficile à supporter, aux marchands d’art qui ont cru en lui.

Mon avis : lire ce livre permet de mieux comprendre l’œuvre, en particulier certains tableaux qui sont parfois considérés comme blasphématoires. Il ne parle presque pas de sa peinture, en tant qu’acte de peindre, mais elle est présente en filigrane à toutes les pages, avec sa souffrance terrible mais aussi génératrice de son art… Bravo à Judith Perrignon qui a su rendre le récit (les récits) si poignant(s) qu’elle a recueilli(s).

Pour aller plus loin : je vous ai parlé de Gérard Garouste à partir d’un grand diptyque très fort que j’ai vu l’été dernier au musée des Beaux-Arts de Caen, avec des liens concernant l’artiste.
Découvrez des traductions récentes de la Bible, qui sont reparties de l’Hébreu et non de la Septante, première traduction de ces textes en latin, par exemple :
– celle d’André Chouraqui, parue chez Desclée de Brouwer en 1987 (il a aussi traduit le Coran)
– ou celle, partielle, de Henri Meschonnic qui a traduit la Genèse (Au commencement, chez Desclée de Brouwer, 2002), les Cinq rouleaux avec le Cantique des cantiques (traduit par le Chant des chants), Ruth, Comme ou les Lamentations, Paroles du sage, Esther (chez Gallimard en 1970) et les psaumes (Gloire paru chez Desclée de Brouwer, 2001), le Lévitique (Et il a appelé, chez Desclée de Brouwer, 2005). Henri Meschonnic est décédé récemment. Allez voir sa fiche chez les éditions Verdier écrite à l’occasion de la publication de son livre éthique et politique du traduire (Verdier, 2007).

Lecture : La part du mort, de Yasmina Khadra

Couverture du quattuor algérien de Yasmmina Khadra Les éditions Gallimard (collection Folio policier, n° 510, 2008, ISBN 978-2-07-035755-0 ) ont eu la très bonne idée de rééditer pour cet été sous le titre Le quatuor algérien quatre enquêtes du commissaire Llob, par Yasmina Khadra (pseudonyme de Mohamed Moulessehoul, voir sur le site officiel de l’auteur l’explication de ce pseudonyme féminin). L’auteur a choisi la forme du roman policier pour dénoncer le terrorisme des années 1990, et surtout ses causes sous-jacentes, dont la corruption généralisée que tente de combattre le commissaire intègre Brahim Llob, ancien combattant de la première heure lors de la guerre d’indépendance. Les histoires sont éditées ici dans l’ordre du récit, et non dans l’ordre de parution. Il s’agit dans l’ordre de :
La part du mort, édité pour la première fois aux éditions Julliard en 2004 puis en 2005 dans la collection Folio policier ;
Morituri, édité pour la première fois aux éditions La Baleine en 1997 puis en 1999 dans la collection Folio policier et adapté au cinéma en 2007 par Okacha Touita ;
Double blanc, édité pour la première fois aux éditions La Baleine en 1998 puis en 2000 dans la collection Folio policier ;
L’automne des chimères, édité pour la première fois aux éditions La Baleine en 1998 puis en 2000 dans la collection Folio policier.

Aujourd’hui, je vous parle donc de La part du mort, qui occupe presque la moitié de ce volume (452 pages sur 920). L’histoire se déroule à l’extrême fin des années 1980, juste avant l’explosion des attentats terroristes des années 1990.

Le début de l’histoire : un psychopathe, dont le procès a été bâclé il y a une dix-sept ans, est en passe d’être libéré par grâce présidentielle après avoir alterné prison et asile psychiatrique. Parallèlement, Lino, l’adjoint du commissaire, sort avec une fille qui n’est pas de son monde, s’endette pour acheter des vêtements à la mode. M. Thobane, un riche dirigeant, fait pression contre lui auprès de sa hiérarchie… La suite en lisant le livre !

Mon avis : si l’histoire policière n’est pas le point fort de ce livre, il est, comme le voulait l’auteur, l’occasion de dresser un vaste tableau de l’Algérie et des germes de violence qu’elle portait avant l’explosion du terrorisme (et est-ce que cela a vraiment changé aujourd’hui ?). J’ai vraiment beaucoup aimé, même si le tableau est noir, très noir même. En dehors de la dénonciation de la corruption généralisée, de l’absentéisme, de l’alcoolisme de certaines élites, de l’écart entre les quartiers de villas et des taudis, la fascination des marques de vêtements et autre américaines et européennes, de petites remarques laissent entrevoir un vrai problème récurrent en Algérie : alors que c’est l’un des pays les plus riches d’Afrique (grâce au pétrole), l’eau ne coule qu’épisodiquement au robinet. Du coup, quand elle arrive, tous les récipients (et les baignoires, bien sûr) sont remplis… Il y a deux ans, lors de mon dernier séjour, c’était toujours un problème en dépit de la construction de plusieurs barrages.

Ce livre a reçu plusieurs prix littéraires, dont le prix du Meilleur polar francophone de Montigny en 2004 et le prix Beur FM Méditerranée en 2005.

Post-scriptum : depuis la rédaction de cet article, j’ai aussi lu Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra, paru fin août 2008, La longue nuit d’un repenti, Les hirondelles de Kaboul et La rose de Blida.

logo tour du monde en lecture J’ai sélectionné ce livre pour le tour du monde en lecture proposé par Livresque.

Logo du challenge ABC critique de BabelioJ’ai sélectionné ce livre pour le défi ABC critique organisé par Babelio.

Emmanuel Venet, Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud

Couverture de Ferdière par Emmanuel Venet Tout d’abord, merci de m’accueillir dans la communauté lecture pour tous.
Aujourd’hui, j’avais des obligations qui m’ont laissé peu de temps pour la lecture. J’ai donc lu tôt ce matin Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud par Emmanuel Venet, publié en 2006 aux éditions Verdier (ISBN 2-86432-469-5).
J’avais acheté ce livre il y a quelques mois, après avoir lu la réédition des Nouveaux écrits de Rodez d’Antonin Artaud, réédité cette année dans la collection l’Imaginaire de Gallimard, accompagnée d’un CD avec des extraits d’interview de Ferdière sur France Culture. Antonin Artaud se plaint du traitement inhumain de Gaston Ferdière et surtout des électrochocs, alors que celui-ci les justifie par l’état mental d’Artaud.
Emmanuel Venet tente de réhabiliter Ferdière, en montrant qu’il avait lui-même essayé de rédiger des poèmes, qu’il avait eu à subir les pressions de la hiérarchie psychiatrique sur Paris après ses positions sur la guerre d’Espagne et à s’exiler en province. Pendant la guerre, il a probablement sauvé ses malades de la famine, et Artaud en particulier en l’accueillant à Rodez, dans l’Aveyron, caché plusieurs juifs. Mais il y a quand même pratiqué une lobotomie et de nombreux électrochocs sur plusieurs patients. Le livre ne permet pas de trancher la question : les électrochocs ont-ils réellement permis à Artaud de revenir à l’écriture ?