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Méningiomes multiples sous Androcur (Acétate de cyprotérone)


Cela fait très longtemps que je n’ai rien posté sur mon blog, je vais essayer de mettre à profit mes vacances pour programmer à nouveau des articles et répondre à la centaine de commentaires en instance de validation…

Je n’ai guère eu le temps entre le travail (à 80%), la fatigue (j’ai toujours besoin de très grosses nuits) et la préparation de mon dossier médical en vue de la demande en réparation (au civil), devant le TGI de Poitiers, pour mes méningiomes sous Androcur (Acétate de Cyprotérone), pour la demande de nomination d’un expert pour évaluer le préjudice que j’ai subi et pourrai encore subir à l’avenir.

Les fidèles lecteurs de mon blog savent que l’on m’a découvert 3 méningiomes (tumeurs bénignes des méninges qui entourent le cerveau) en 2013 et que l’un d’entre eux, « parasellaire » coincé entre les deux nerfs optiques et la tige pituitaire (la flèche rouge sur l’image) a été enlevé le 14 novembre 2013. Dès leur découverte, j’avais arrêté l’acétate de cyprotérone car à l’époque, on m’avait dit que ce médicament produit par le laboratoire Bayer était contre-indiqué en cas de méningiomes, suite à une première publication restée assez confidentielle sur Méningiomes et Androcur en 2008 par le Pr Froelich à un congrès de la société européenne d’endocrinologie, mais néanmoins relayée l’année suivante par l’agence européenne du médicament (S. Froelich et al. (2008). Does cyproterone acetate promote multiple meningiomas?, ECE2008, Endocrine Abstracts, 16, p. 158).

Pour moi, l’Androcur (Acétate de Cyprotérone, du laboratoire Bayer) était un anti-androgène qui contrôlait mes ovaires polykystiques (l’une de mes maladies hormonales, la plus compliquée étant l’absence de production d’hormone antidiurétique – diabète insipide central) depuis 1992. Qui lit les changements de notice (en France en 2011, l’année précédente au Canada) si l’on ne le prévient pas de ce changement? Et quand bien même, contre-indiqué en cas de « Existence ou antécédents de méningiomes », cela ne m’aurait pas alertée, ne sachant pas de quoi il s’agissait avant 2013. Après l’article de 2008 et le signalement par l’agence européenne du médicament en 2009, plusieurs CHU réalisent des études et font des thèses publiées ou plus ou moins secrètes, inédites comme celle soutenue par Adrien Simonneau en septembre 2011 au CHU de Poitiers, qui porte sur 9 cas, 8 femmes avec hirsutisme, 1 homme (cancer de la prostate), 5 opérés, dont une femme décédée: Méningiomes et acétate de cyprotérone (Androcur®), un agoniste de la progestérone (à propos de 9 cas), thèse sous la direction du Pr Bataille. L’auteur revendique la place du CHU de Poitiers comme lanceur d’alerte, mais ne cherche pas à contacter les patients dont le CHU sait qu’ils prennent de l’acétate de cyprotérone… perte de chance pour les patient.e.s (moi inclus) qui prennent ce médicament. Il est aussi dit que tous les cas ont été signalés à l’ANSM (l’Agence nationale de la sécurité du médicament), mais il s’avère que deux ans plus tard, mon cas n’a pas été déclaré à la pharmacovigilance… perte de chance puisque seule l’accumulation des cas déclarés a fini par faire avancer l’ANSM.
En 2013, on m’a juste dit que l’Androcur était contre-indiqué… mais pas qu’il était à l’origine de mes méningiomes. Ce médicament est indiqué  pour (notice de 2011) :

« Hirsutismes féminins majeurs d’origine non tumorale (idiopathique, syndrome des ovaires polykystiques), lorsqu’ils retentissent gravement sur la vie psycho-affective et sociale.
· Traitement palliatif anti-androgénique du cancer de la prostate « .

Si je l’ai pris dans l’indication de l’autorisation de mise (AMM) sur le marché (syndrome des ovaires polykystiques), il a été prescrit à beaucoup d’autres personnes pour d’autres raisons, la castration chimique chez l’homme (transsexuels hommes vers femmes et violeurs – oups, dans l’AMM élargie, ils appellent ça « Réduction des pulsions sexuelles dans les paraphilies en association à une prise en charge psychothérapeutique »), la simple acné, des pertes de cheveux ou la contraception chez la femme. Une nouvelle alerte de l’ANSM à la fin de l’été 2018 commence à être davantage relayée, je déclare de moi-même mes méningiomes à l’ANSM (c’est désormais possible pour les patients, avant seuls les médecins et pharmaciens pouvaient le faire) et au laboratoire Bayer, qui me répond qu’ils me déclarent aussi à l’ANSM mais que leur produit est sûr.

En mars 2019, une étude de la caisse nationale d’assurance-maladie sur les 10 dernières années a montré qu’au moins 500 personnes, essentiellement des femmes, en excluant, sans que cela soit justifié dans le rapport publié, les personnes sous affection de longue durée (dont moi, donc). L’acétate de cyprotérone se fixe sur les récepteurs à la progestérone, particulièrement bien exprimés sur les méningiomes. La base de données pubmed recense plus de 3000 articles sur ce médicament depuis sa mise sur le marché (AMM 08/04/1980, première commercialisation le 19/11/1980 d’après la base de données gouvernementale des médicaments) les premiers portant sur sa toxicité hépatique (pour ça, j’étais contrôlée chaque année) et cardiovasculaire (risque +++ d’embolie pulmonaire), comme beaucoup de traitements hormonaux. Beaucoup d’articles disent que les méningiomes sous acétate de cyprotérone se stabilisent voire régressent (beaucoup retiennent « régressent », mais cela semble finalement rare) à l’arrêt du traitement ; cela ne peut pas être le cas pour ceux qui sont ossifiés, et de plus en plus de personnes opérées se révèlent être de grade II, c’est-à-dire plus bénins et devant avoir un traitement de radiothérapie.

En fin d’année 2018, j’ai pris contact avec un avocat toulousain, Me Sintes, du cabinet Metis Avocat, qui vient de publier un bel article sur « Mme X », avant l’audience de demain, sur son site et sur le blog médiapart de son cabinet. En avril 2019, Arnaud Varanne avait également dressé un portrait dans l’hebdomadaire de la Vienne, le 7. Vous pouvez retrouver les phases de ma rééducation sur les 2 premières années, un peu complétées, sur ce blog : problèmes de mémoire de travail, de reconnaissance des visages, fatigue, troubles visuels (faudra-t-il enlever le méningiome sphéno-orbitaire ossifié qui déforme fortement mon orbite gauche, flèche orange sur la photo ci-contre ?), perte de l’odorat, troubles de l’équilibre et de la contraction de certains muscles, douleurs neuropathiques, relations avec la MDPH, distractibilité,  etc., voir ou revoir : l’opération, mon visioagrandisseur maison et son plateau mobilerééduquer l’anosmie?, compréhension de certains homophones (résonne / raisonne par exemple), Bientôt 2 ans… Anosmie, prosopagnosie, problème d’empans de la mémoire de travail… Il faudra que j’ajoute aussi quelque chose sur le permis de conduire!

Pour l’instant, il n’est pas question de toucher au méningiome inséré dans la faux du cerveau à la limite du frontal droit (flèche verte), les risques seraient très supérieurs aux bénéfices attendus. Je vais rédiger de nouveaux articles qui ciblent chaque problème et chaque solution que j’ai trouvée, testée… et approuvée ou pas! Je continue à prendre de la cortisone (avec des problèmes d’approvisionnement des comprimés à 20 mg depuis plusieurs mois, 0,5 mg / kg soit 30 mg par jour pour moi, cela fait 6 comprimés de 5 mg) pour contrôler notamment les troubles visuels, mon champ visuel se rétrécissant à chaque diminution ces derniers mois. Les fibro-adénomes mammaires multiples (FAM, j’en ai 6 à ce jour -enfin, au dernier contrôle à l’automne dernier, dont un de +/- 5 cm) pourraient aussi être la conséquence de ma prise prolongée d’Androcur, mais pour l’instant, personne n’en parle, sauf un professeur endocrinologue à qui je demandais comment avoir moins mal avec mes FAM en deuxième moitié de cycle.

Plusieurs groupes facebook autour des méningiomes et de l’Androcur (et d’autres traitements hormonaux, comme le Lutéran et le Lutényl) ont vu le jour ces derniers mois, et j’ai adhéré à l’Association méningiomes dus à l’acétate de cyprotérone (Amavea), présidée par Emmanuelle Huet-Mignaton, qui participe notamment aux discussions auprès l’ANSM. Il y a quelques jours, les courriers d’alerte sur le médicament sont enfin partis, mais l’assurance-maladie n’a ciblé que les patient.e.s qui ont pris de l’Acétate de cyprotérone ces deux dernières années, alors que le risque augmente fortement à partir de 5 ans de traitement : « effet dose cumulée avec risque multiplié par 7 pour l’ensemble des patientes traitées pour une durée de plus de 6 mois et risque multiplié par 20 au-delà de 5 ans de traitement à posologie de 50 mg/j sur un cycle », c’est écrit noir sur blanc depuis décembre 2018 sur le site de l’ANSM. Les médecins libéraux prescripteurs et les responsables des hôpitaux ont aussi reçu un courrier. Chacun.e doit discuter avec son médecin de l’opportunité ou pas de poursuivre le traitement et avoir une IRM avant le début du traitement (j’en vais eu une en 1990, normale), puis à 5 ans, puis tous les 2 ans si elle est normale. Cela fait quand même 112.000 IRM cérébrales à programmer à la suite de ce courrier, ça va allonger les délais d’attente!!! Et des sous pour Bayer (et oui, service après-vente lucratif), l’un des fournisseurs du produit de contraste nécessaire à ces IRM! En cas de découverte d’un ou plusieurs méningiomes, des consultations de neurochirurgie et, suivant la localisation, d’autres spécialistes (ORL, ophtalmologue, neurologue) devront être programmées. La délivrance ne sera plus possible, pour les nouveaux à partir de ce 1er juillet 2019, pour les autres à partir du 1er janvier 2020, qu’en présentant au pharmacien un papier co-signé du médecin prescripteur et du (de la) patient.e qui signale le risque de méningiome, clairement traduit comme une tumeur, lors de la prise de ce médicament, et les recommandations de suivi.

En attendant, rendez-vous ce mercredi 26 juin 2019 à 9h30 au TGI de Poitiers (au civil) pour nommer un expert médical avec une partie des protagonistes ou leurs représentants : Bayer, l’ANSM, le ministère de la santé, la CPAM de la Vienne (et la MGEN, en tant que fonctionnaire, c’est mon gestionnaire de sécurité sociale, mais la CPAM a délivré mes affections de longue durée), mon ancien médecin généraliste (il touchait depuis le début de mon ALD une indemnisation de coordination) et mon ancien pharmacien (ce n’est pas qu’un « épicier », il a aussi un rôle de contrôle du médicament et d’alerte notamment quand les notices changent)…

PS / 26 juin 2019. Alors que mon avocat toulousain et les avocats parisiens de Bayer, de l’ANSM et de mon ancien pharmacien étaient prêts à plaider, la représentante locale de l’avocat parisien de mon ancien médecin a obtenu un report de l’audience de ce jour au 17 juillet. La présidente a dit qu’elle n’accepterait pas de nouveau report. Même si cela nous énerve tous, encore 3 semaines à patienter!

PS du 17 juillet 2019 : l’audience au TGI a donc eu lieu ce matin. La décision de nomination (ou pas) de l’expert chargé d’évaluer mon préjudice et l’imputabilité à l’Androcur pris pendant plus de 20 ans sera rendue le 31 juillet 2019.

Voir l’interview de France 3 Poitou-Charentes réalisée hier et diffusée au journal régional (édition Poitiers) de midi en suivant ce lien (avec un texte) ou par la « box » ci-dessous (chaîne youtube de France 3), version longue :

Mise à jour du 31 juillet 2019 : le tribunal de grande instance de Poitiers a nommé un collège d’experts composé d’un neurochirurgien, d’un pharmacologue et d’un endocrinilogue, collège chargé d’évaluer le préjudice subi par mes méningiomes sous Androcur. Je mets à jour les liens « presse » au fur et à mesure…

Mise à jour du 24/09/2019 : la société Bayer a interjeté appel de la décision d’expertise le 20 septembre 2019… Deux mois de gagnés pour eux, plus le temps que la cour d’appel de Poitiers trouve une date d’audience.

Mise à jour du 22 janvier 2020 : Radio Agora, à Montmorillon, a consacré une longue interview de 20 minutes, à retrouver ici.

Mise à jour du 23 avril 2020 : j’ai publié un article séparé qui explique mon entrée un peu anticipée dans le confinement, le maintien de mon opération initialement programmée le 2 avril puis son report au 18 juin, entrée à l’hôpital Bretonneau à Tours le 17, l’article en anglais de Mick, un ami britannique, la presse locale a relayé le report de l’audience en appel et la solidarité de tous les voisins de ma cage d’escalier qui font mes courses, puis Centre Presse et la Nouvelle République (Emmanuel Coupaye) ont aussi annoncé le report de mon opération, le journal de 13h du 1er avril 2020, repris dans le 12/13 France 3 Poitou-Charentes du 3 avril 2020, à partir de 7 min 28, par Anne Guillé-Epée et Julien Delage.

La nouvelle date de l’audience en appel a été fixée par le tribunal de Poitiers pour le 28 mai à 9h. Cela sera sans doute ma première sortie depuis le 15 mars.

Mise à jour du 27 mai 2020 : voir cet article spécifique, j’ai ajouté les liens médias dans la revue de presse ci-dessous

Mise à jour du 16 juin 2020 : la cour d’appel de Poitiers confirme la décision de premier instance (délibéré de ce jour). Test Covid19 passé pour bilan préopératoire, hospitalisation demain et opération jeudi…

Revue de presse :

Les articles sur mon blog :

Bientôt 2 ans… Anosmie, prosopagnosie, problème d’empans de la mémoire de travail…

Cela fait bientôt deux ans (le 14 novembre 2015) que j’ai été opérée d’un méningiome qui écrasait mon nerf optique et menaçait la tige pituitaire (par où passent, entre autres, des neurotransmetteurs et des hormones). La grande couture, à la limite des cheveux, ne se voit plus du tout, je prends toujours l’anti-épileptique prescrit au centre anti-douleur qui contrôle assez bien mon allodynie / hyperesthésie / paresthésie (en gros sensations douloureuses ou anormales, en limite du « scalp »/ décollement de la peau) : j’arrive à supporter le bonnet tricoté par Maryse.

Matériel de stimulation olfactiveConcernant mon anosmie (perte de l’odorat), contrairement aux prédictions du neurochirurgien et de l’ORL du CHU de Poitiers, à force de stimulations quotidiennes, avec mes boîtes à odeur, des sticks aux huiles essentielles et deux jeux de loto des odeurs, je perçois de plus en plus d’odeurs, arrive à séparer les sticks aux agrumes de ceux aux menthes, à percevoir parfois le fumet au-dessus des casseroles. Merci à Alexia Blondel qui anime les voyages olfactifs au CHU de Poitiers. Il faut beaucoup de molécules olfactives pour que je perçoive quelque chose, en continuant les stimulations, je ferais peut-être encore des progrès, un rééducateur du CHU de Bordeaux avec qui j’ai échangé par messagerie m’y encourage. Puis un endocrinologue italien qui travaille sur une maladie endocrine rare associée à une anosmie m’a expliqué que l’on pouvait récupérer des compétences olfactives via le trijumeau, notamment le menthol, les agrumes et tout ce qui est lié aux huiles, ce qui correspond à ce que j’ai commencé à récupérer empiriquement et que je vais travailler davantage !

Sur le plan visuel, j’utilise encore mon visioagrandisseur maison et son plateau mobile, mais si j’éclaire suffisamment, en choisissant des livres avec un interligne suffisant, des lettres noires (et pas grises comme c’est souvent le cas), un papier qui ne laisse pas voir la page au dos, j’arrive à lire une heure sans l’aide de la caméra. Sinon, je l’ai toujours à portée de main…

Mon équipement au bureau comporte aussi une caméra qui retransmet l’image sur mon deuxième écran, et les escaliers que je fréquente sont tous équipés de bandes podotactiles d’alerte, d’un signalement en rouge des premières et dernières contremarches et en noir des premiers et derniers nez de marches. Je commence l’inventaire de la vallée de la Gartempe, de Lathus à Nalliers, par l’étude de la ville de Montmorillon où je peux aller en train, la conduite automobile pose encore problème à cause de la limitation de mon champ visuel horizontal et de ma mémoire de travail qui risque de ne pas me faire prendre vite la bonne décision. En tout cas, notez sur vos tablettes, je ferai une conférence à la maison des services de Montmorillon le samedi 28 novembre 2015 à 15h30, dans le cadre des actions du Pays d’art et d’histoire (J’en reparlerai…). [PS du 6 juin 2017 : après avoir récupéré un permis limité à un an pour raison médicale, la préfecture vient de me délivrer un permis sans limitation de durée].

Passons aux problèmes qui nécessitent encore un gros travail avec une orthophoniste spécialisée en rééducation neurologique deux fois par semaine et seule tous les jours, au moins une demi-heure par jour, avec une grosse fatigue liée à la reconfiguration du cerveau. Je vous l’avais fait remarqué presque depuis mon opération, je n’arrive pas à comprendre certains homophones (résonne / raisonne par exemple). Mes tests neurologiques « standards » n’étaient pas « pathologiques » mais en « limite basse » uniquement sur quelques exercices.

Après des tests plus ciblés, il apparaît que j’ai un déficit important de l’empan de la mémoire de travail, et surtout de la mémoire de travail verbale. Pour moi, l’empan, c’était une mesure pratique (avec le pied…) sur le terrain en archéologie quand on a oublié son mètre roulant : du bout du pouce au bout du petit doigt quand on les écarte.

Côté mémoire, la mémoire de travail est ce qui permet de retenir un numéro de téléphone le temps de le noter, un peu comme la « mémoire tampon » de l’ordinateur. Pour la stimulation, j’ai plein d’exercices avec l’orthophoniste (après 45 minutes, je sors épuisée) et je continue les exercices en ligne sur le site Jeu test ma mémoire (merci à un ami médecin qui me l’a conseillé bien avant le neurologue), surtout les Mémory, les bouliers et les cases noires. Je n’ai aucun problème avec d’autres exercices, comme le jeu du Simon où l’apprentissage de la combinaison est progressif (un son à répéter, puis un autre, etc., en plus associés à un repère visuel = une touche colorée). Je suis toujours dans les premiers niveaux pour chacun, mais je progresse petit à petit (j’ai dû passer d’un niveau 3 ans à un niveau 4 ans). Je joue aussi quotidiennement au Mastermot (comme le jeu télévisé « motus »), plutôt au niveau « enfants ». Pour améliorer la « flexibilité verbale » (celle qui permet de comprendre les jeux de mots, les homophones ou homographes), je tente de résoudre quotidiennement une carte du jeu de société Contrario (merci à Maryse qui me pose les questions et me donne les indices). Je travaille aussi sur des mémoires de formes, de phrases, de séries de chiffres, des anagrammes (site pratique car on manipule les lettres comme au scrabble), les différents jeux de TV5Monde… ce qui est très coûteux en énergie (et donc en besoin de sommeil pour récupérer).

Dans la vie quotidienne, le déficit de mémoire de travail me fatigue aussi parce que le cerveau met en place de nombreuses stratégies pour contourner les problèmes. La cause est identifiée, une minuscule zone frontale à gauche où se trouve la cicatrice de ma dure-mère, il faut maintenant que mon cerveau reconfigure une autre zone pour effectuer ces tâches.

Un autre problème a été difficile à identifier, parce qu’il se superpose à une petite perte de mémoire de certains noms propres, il m’arrive assez souvent de chercher un nom propre, de personne ou de lieu, sans pouvoir le dire, je sais comment identifier la personne (contexte de rencontre, par exemple, ou un article publié si c’est un collègue préhistorien) ou le lieu (une carte me permet de résoudre le problème).

Finalement, la réponse au problème est venue quand j’ai signalé au neurologue que je n’avais pas reconnu le sénateur Alain Fouché sur une photographie. Le magazine gratuit Tendance a consacré il y a quelques semaines une série d’articles de « communication institutionnelle » aux nouveaux élus du conseil départemental (merci à Grégory qui a trouvé la version électronique). Il était clairement identifié, je l’ai beaucoup croisé à titre professionnel et le vois souvent au restaurant le vendredi en ville. Je le reconnais sans problème « en vrai », mais étais persuadée que ce n’était pas lui sur la photographie.

Alors quoi? Où est le bug? D’abord, il n’est pas habillé comme d’habitude, je ne l’ai jamais vu col de chemise ouvert, sans cravate, avec un blouson sur l’épaule au lieu d’une veste de costume, quant aux lunettes de soleil sur la tête, ce n’est pas du tout son « style ».

Il est d’habitude comme sur son profil Twitter!

En cherchant, j’ai trouvé une autre photographie de cette série de photographies institutionnelles, faites par des communicants, fournies à la presse – ici la Nouvelle République – pour la campagne électorale des dernières départementales, même tenue… mais le blouson est de l’autre côté (et sans lunettes de soleil sur la tête)!

Ce n’est qu’avec de l’aide que j’ai compris que la photographie avait été publiée « en miroir » dans le magazine tendance, comme les visages ne sont pas symétriques (surtout qu’il a une petite excroissance en bas de la joue gauche), cela a suffi pour que je ne le reconnaisse pas. Mesdames et messieurs les graphistes et les communicants, mettre une photo en miroir est peut-être tentant pour des raisons de mise en page ou symbolique (ouverture ou je ne sais quoi), mais c’est au risque que les lecteurs ne reconnaissent pas la personne!

A partir de ce constat, j’ai passé d’autres évaluations neurologiques qui ont confirmé que j’ai de très grosses difficultés à reconnaître les visages (πρόσωπον / prosopon en grec) et que j’ai rejoint le club des prosopagnosiques.  Je ne reconnais pas les personnes « nouvelles » si elles ne sont pas dans le contexte où elles m’ont été présentées. Pour les autres personnes, je les identifie sans doute [confirmé depuis par un autre test] par d’autres éléments que le visage (la tenue vestimentaire, la voix, la démarche), je ne suis pas la seule mais je n’ai par exemple pas repéré en janvier que mon père s’était rasé la barbe qu’il portait depuis 1972… Je travaille la reconnaissance des visages avec des trombinoscopes, mais là aussi, mon cerveau dévie, identifie le fond de la photo plutôt que le visage. Ainsi dans mon trombinoscope d’entraînement figure un journaliste radio (chut… je tais volontairement son nom). Il était dans un récente numéro de Télérama avec un casque sur les oreilles, je ne l’ai pas reconnu car je l’avais identifié « oreilles assez décollées » 😉 . 2% de la population serait prosopagnosique à des niveaux variables, souvent « de naissance », parfois à un niveau assez important comme Jane Goodall (spécialiste des chimpanzés), Olivier Sacks (un célèbre neurologue décédé en août 2015  et dont Jean-Claude Ameisen parle souvent dans son émission sur les épaules de Darwin), Brad Pitt, Thierry Lhermitte ou Philippe Vandel. Suivez les liens pour avoir leurs témoignages directs ou indirects. Je m’entraîne avec des trombinoscopes, avec des descriptions de photographies mais en général, il n’y a pas de récupération de ce trouble. Pour moi, il est impossible de distinguer deux personnes comme dans cet autre article de la Nouvelle République où je vois deux hommes dans les 70 ans, un peu ronds, barbus et portant des lunettes (désolée pour le père Gilbert Roux et l’imam El Hadj Amor Boubaker). Il a fallu qu’on me dise que je prenais régulièrement le café à côté de « X » pour comprendre que cet habitué du matin au bistrot était « Y » arrivé récemment dans mon environnement professionnel. Pour moi, c’étaient deux personnes différentes. Dans une foule (au marché, au théâtre, au cinéma, dans la rue), je peux ne pas repérer une personne connue, je ne dispose plus de cette fonction d’analyse rapide des images de visages. Donc, si je vous croise et ne vous dis pas bonjour, c’est probablement parce que je ne vous ai pas reconnu!

Voilà, je suis fatiguée, mais je continue les stimulations et espère bien progresser encore!