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Pendant que le roi de Prusse… de Zidrou et Roger

pioche-en-bib.jpgCouverture de Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes?, de Zidrou et Roger J’ai lu un avis intéressant sur ce livre à l’occasion d’un TOP BD des blogueurs chez Yaneck / Les chroniques de l’invisible, je l’ai emprunté à la médiathèque.

Le livre : Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes?, de Zidrou (scénario) et Roger (dessins et couleurs), éditions Dargaud, 54 pages, 2013, ISBN 9782505017073.

L’histoire : de nos jours, quelque part. Une vieille dame (Catherine Hubeau, 72 ans), veuve, s’occupe en permanence, seule, de son fils Michel, Michelou, 43 ans. Car celui-ci est handicapé mental suite à un accident quand il était jeune adulte. Il est grand, a pris du poids et vit à l’âge de …. 3 ou 4 ans! Chaque jour, elle l’emmène au parc, aux tables voisines, les gens jouent au échec, mais Michel est rivé à son Puissance 4 auquel il joue avec ses règles. Il attend avec impatience l’heure de son dessin animé à la télévision. La vie n’est pas facile tous les jours…

Mon avis : un titre à rallonge avec un scénariste dont je vous ai déjà parlé pour Les folies Bergères. Une couverture originale aussi… qui se complète au dos de l’album avec la mère qui tient la main de son grand enfant. La page de titre aussi, qui arrive après une dizaine de planches assez mystérieuses, où il est difficile de comprendre ce qui se passe. L’air de rien, l’album aborde de nombreux sujets sur le handicap mental / psychique: le sacrifice de la mère (pourquoi? flou sur le veuvage, l’accident de voiture), la sexualité (location de films pornographiques), les « crises » (épilepsie dans la baignoire? violence en détruisant régulièrement son jeu de Puissance 4). Et aussi le refus de « placer » ce grand enfant dans un centre spécialisé, l’incompréhension de la fratrie, qui logiquement refuse de prendre en charge ce frère encombrant, le refus de la mère de prendre des vacances même avec une amie qui lui propose… car elle doit « repriser les chaussettes du roi due Prusse » ou plutôt lessiver et repasser jour après jour les T-shirts favoris de son fils. Quelques petits instants de bonheur quotidien semblent suffire à cette mère, mais elle vieillit et devra bien se séparer un jour de son fils, le plus tard possible. Voilà pour le scénario, qui aborde un sujet rarement évoqué en bande dessinée ou dans la littérature, avec beaucoup de justesse!

Maintenant, sur le dessin et surtout la couleur, je n’ai pas aimé, trop sombre, trop d’ocres, de bruns. Ce n’est pas la première fois que je signale des couleurs sombres qui ne me plaisent pas, peut-être parce que ma vision des couleurs est un peu déformée. Or le dessin prime dans cet album, avec peu de dialogues et de textes, ce qui rend bien l’impression d’une vie pauvre en échanges verbalisés de cette mère. Certes, il rend bien la relation et la tendresse dans le couple mère/fils, mais je pense que l’album aurait été mieux servi par des couleurs plus gaies, surtout par des fonds plus clairs. Quand une série de cases est entièrement colorée en ocre, brun ou autre mais en nuances ternes, j’ai du mal à distinguer le dessin superposé (enfin, sous-imposé plutôt) à la couleur. Dommage…

Pour le scénario, je vous conseille néanmoins vivement cet album.

Logo top BD des bloggueurs Cette BD sera soumise pour le classement du TOP BD des blogueurs organisé par Yaneck / Les chroniques de l’invisible. Mes chroniques BD sont regroupées dans la catégorie pour les BD et par auteur sur la page BD dans ma bibliothèque.

Mommy de Xavier Dolan

Mommy de Xavier DolanDimanche, je suis allée voir Mommy de Xavier Dolan, qui a reçu le prix du Jury au festival de Cannes en 2014, en VO sous-titrée… et oui, film québecois, mais sous-titres nécessaires pour l’accent et les expressions de certains acteurs [du même réalisateur, voir aussi Juste la fin du monde].

Le film: au Canada, en face de Montréal, en 2030. Steve [Antoine-Olivier Pilon], un jeune adolescent souffrant de TDAH [trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité], est viré du centre éducatif où il se trouve pour avoir commis vols et autres délits: il vient de mettre le feu au réfectoire, plusieurs adolescents sont blessés, dont un gravement brûlé. Deux choix s’offrent à sa mère, Diane “Die” Després [Anne Dorval], veuve depuis trois ans: le reprendre avec elle ou l’abandonner dans un hôpital au nom d’une nouvelle loi. Elle décide de l’accueillir à la maison, même s’il nécessite une surveillance de tous les instants et de suivre les cours à domicile. La voisine d’en face, Kyla [Suzanne Clément], une prof’ en congé sabbatique depuis deux ans, à cause de difficultés d’expression, leur vient en aide…

Mon avis: une mère récupère son enfant perturbé et doit le gérer seule puis avec une voisine, qui sans doute s’implique trop. Comme épée de Damoclès, une nouvelle loi qui permet aux parents de se « débarrasser » d’un enfant malade psychique dans un hôpital, en le confiant à la charge de l’État. Le film montre une relation très forte, parfois violente, pathologique, entre le fils et sa mère. Il aborde les difficultés du huis-clos, mais aussi un manque de suivi médical du fils, le choix étant visiblement soit de le garder à domicile sans aide, soit de l’abandonner (en perdant les droits parentaux) dans un hôpital psychiatrique.

En revanche, le film ne montre pas du tout un adolescent atteint de TDAH trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), diagnostic avancé par la mère dans une confidence à sa voisine, encore moins autiste comme j’ai pu l’entendre dans la bouche de critiques! C’est un enfant en grande souffrance, sa mère dit qu’il a été diagnostiqué TDAH à la mort de son père, donc vers 13 ans. Or on le voit sagement assis avec la voisine à faire un cours de mathématiques, pour les TDAH que j’ai pu fréquenter, c’est absolument impossible à moins d’être shooté à la ritaline. Bon, donc, nous avons un adolescent perturbé, qui exprime son malaise par la violence et la délinquance, avec de graves troubles psychologiques, mais pas un TDAH. A un moment, la mère parle de trouble oppositionnel, ce qui est très différent, mais semble mieux correspondre au comportement de Steve: le trouble oppositionnel avec provocation (TOP) est à inclure dans la famille des psychoses et peut être annonciateur de la schizophrénie. Certes, c’est un film, une fiction (d’ailleurs l’introduction prend soin de placer le film dans l’avenir), mais c’est dommage d’avoir collé cette étiquette de TDAH (trouble neurologique) alors qu’une autre, le TOP (trouble psychique), aurait sans doute mieux convenu à son problème. Si beaucoup de gens vont voir ce film et connaissent des enfants TDAH, ils risquent de se faire une idée fausse de ce qu’ils deviendront à l’adolescence!

Ces réserves mises à part, c’est un film que j’ai bien aimé.

Ce film a été inclus dans le festival Télérama 2015, dans lequel j’ai vu: