Cela fait longtemps que je ne vous ai pas emmenés à la cathédrale Saint-Pierre de Poitiers (retrouvez en fin d’article la liste des articles que j’ai publié sur le sujet). Nous y retournons donc aujourd’hui, avec un détail des stalles du 13e siècle…
Je suis désolée pour la photo, mais les stalles sud sont toujours à contrejour et trop cirées pour des photographies au flash… et je ne peux quand même pas, à titre privé, installé un éclairage indirect… Du coup, je vous mets quand même une carte postale ancienne, où l’écoinçon est peut-être plus clair… Ce charcutier se trouve sur le huitième écoinçon si l’on compte depuis la gauche en se mettant face aux stalles sud (celles à droite quand on rentre dans la cathédrale… à gauche quand on rentre par l’entrée prévue pour la visite des stalles, dos au chœur). Vous avez donc le cochon tout recroquevillé sur la gauche, en train d’être abattu à la hache par un homme. Dans le coin en haut à droite de l’écoinçon se trouve déjà une autre tête de porc. Est-il utile de rappeler l’importance des cochonnailles dans l’alimentation, bien salé, le porc se conserve longtemps en boudins, saucisses et autres terrines. Ici, il s’agit sans doute plutôt à un renvoi à une confrérie, une association de charcutiers, si l’on veut…
Et comme Michel Vallière l’a précisé en commentaire, » n’oubliez pas l’assimilation des Juifs au cochon ! Et l’Église n’a eu de cesse de prier pour leur conversion avec de bons coups sur la tête : leur sacrifice. Un ouvrage traite très bien de cela: Claudine Fabre-Vassas: La Bête singulière : Les juifs, les chrétiens et le cochon, Paris, éditions Gallimard-NRF, 1994 (Collection Bibliothèque des sciences humaines) »… Une interprétation à creuser…
Les écoinçons des dorsaux des stalles nord, rangée supérieure de la cathédrale Saint-Pierre de Poitiers, numérotés à partir de l’ouest (à gauche quand on les regarde)
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écoinçon 1 et tous les écoinçons impairs, des anges, le premier à gauche porte une seule couronne, le dernier à droite a été coupé lors du rétrécissement des stalles, les autres portent deux couronnes
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écoinçon 2 : un coq
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écoinçon 3 : une Vierge à l’Enfant retaillée dans l’ange d’origine, dont il subsiste les deux couronnes
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écoinçon 4 : une chauve-souris
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écoinçon 6 : un chat et une belette ou un rat (selon les auteurs)
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écoinçon 8 : une tête d’homme barbu coiffé d’une capuche
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écoinçon 10 : deux dragons affrontés, aux cous entrelacés
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écoinçon 12 : une tête feuillue
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écoinçon 14 : le phénix dans les flammes
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écoinçon 16 : un animal fantastique, plus ou moins un griffon avec un buste et une tête d’oiseau et un arrière-train de cheval
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écoinçon 18 : un centaure sagittaire
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écoinçon 20 : deux étranges dragons, repris plus en détail ici
Les écoinçons des dorsaux des stalles sud, rangée supérieure de la cathédrale Saint-Pierre de Poitiers, numérotés à partir de l’est (à gauche quand on les regarde)
- écoinçon 1 et tous les écoinçons impairs, des anges, le premier à gauche porte une seule couronne, le dernier à droite a été coupé lors du rétrécissement des stalles, les autres portent deux couronnes, comme sur la rangée nord
- écoinçon 2 : un lion mange un dragon
- écoinçon 4 : deux avants-corps de chien
- écoinçon 6 : deux lutteurs
- écoinçon 8 : un charcutier avec ses outils et une tête de cochon
- écoinçon 10 : un architecte
- écoinçon 12 : l’avarice
- écoinçon 14 : l’orgueil
- écoinçon 16 : un homme âgé et barbu
- écoinçon 18 : un basilic ou un cocatrix
- écoinçon 20 : un homme assis et un animal fantastique
Le chevet
La façade occidentale
Les modillons de la nef
D’autres éléments dans la nef
Pour aller plus loin :
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un schéma de stalles et un vocabulaire normalisé de description des stalles en français et en anglais, ont été établis par l’université Paris 4-Sorbonne (mais il manque les écoinçons…).
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Un article ancien, mais intéressant : Amédée Boinet (1913) – Les stalles de la cathédrale de Poitiers, Compte-rendu du LXXVIIIe Congrès archéologique de France tenu en 1912 à Angoulême, 1913, p. 325-338. Consultable dans la bibliothèque numérique / Gallica de Bibliothèque nationale de France par ce lien
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un beau livre récent avec quelques éléments sur les stalles : Collectif (Claude Andrault-Schmitt, Christian Barbier, Yves Blomme, Jean-Pierre Blin, Bernard Brochard, Marie-Thérèse Camus, Robert Favreau, François Jeanneau, Françoise Perrot, Yves-Jean Riou, Albert Rouet, Jean-Pierre Roussel), La cathédrale de Poitiers, éditions Le Temps qu’il fait, 2007, 176 pages (ISBN : 978-2-86853-415-6).
Merci encore Véronique pour cette image si bien remise en contexte. je ne vous contredirai pas concernant l’importance de la cochonaille dans l’alimentation, bien sûr et c’est si bon !
Pourtant je trouve bien prosaïque cette décoration au côté des autres sujets… N’oubliez pas l’assimilation des Juifs au cochon ! Et l’Eglise n’a eu de cesse de prier pour leur conversion avec de bons coups sur la tête : leur sacrifice.
Un ouvrage traite très bien de cela: Claudine Fabre-Vassas: La Bête singulière : Les juifs, les chrétiens et le cochon, Paris, éditions Gallimard-NRF, 1994 (Collection Bibliothèque des sciences humaines). Plongez-vous dedans et vous verrez que votre interprétation, en dépit des apparences, ne colle pas avec ce contexte religieux. A suivre donc…
Bonne fin de congés de Toussaint.
Oui, sans doute aussi… Surtout que pas loin, il y a l’orgueil et l’avarice, du côté sud. Mais son voisin est un architecte. Bonne fin de WE, de mon côté, je suis à Limoges.
Quand je pense que les mulsumans se passent de lui… je n’ai d’ailleurs pas une idée très pécise du pourquoi de ce refus … ils se privent d’une richesse culinaire incroyable….
Le pourqui est simple, il existe aussi dans la Bible et donc pour les Juifs… C’est lié aux problèmes sanitaires du cochon en pays chaud, où il peut très vite devenir dangereux à la consommation (mortel même). Un ver parasite est également très présent en Méditerranée, ver transmissible à l’homme, la trichinella qui donne la trichinose ou trichinellose. Donc avant les frigos, les gens ont vite fait le rapprochement… et interdit la consommation du porc.Chez nous, elle est toujours présente chez les sangliers sauvage et peut poser pb chez ceux qui consomment des sangliers tués en voiture… sans contrôle véto. Voir sur le site de l’inra par exemple.
Héé bien quelle barbarie… on imagine pas en entrant dans une église, une cathédrale! Suis toujours à la recherche de dragons… par ici!
et bien merci encore pou cette explication évidente quand on y pense
Dans le cochon tout est bon !! A midi j’ai mangé dans un resto à Vivonne, du boudin noir en crumble sur lit d’oignons confits… hmmmm !!!!
Mmm… Ca me tente bien, un de ces jours! Dans quel resto de Vivonne?
Le Saint-Georges, juste en face de l’église. Très bon !
Etrange cochon que ce sanglier;
Curieux charcutier que ce charpentier;
Etonnant jambon que cette herminette .
et bien dis donc c’est cruel !!! bises cath
je viens de lire un bouquin ou ils parlent de ces scènes de vie quotidienne dans les cathédrales, et j’avoue que je n’avais jamais fait attention a cela! ton article tombe bien!!!
Alors, regarde aussi les modillons, à l’intérieur comme à l’extérieur, sous les cornbiches : c’est là qu’il y a le plus de références à la vie quotidienne
Vincent,
au moyen-âge, en encore bien plus tard, les cochons n’avaient pas encore l’aspect d’aujourd’hui qui est le résultat de sélections drastiques dans l’élevage.
Les cochons d’avant ressemblaient à des sangliers. Consultez les Très riches Heures du Duc de Berry, mois de novembre. Les cochons à la glandée y sont bruns, portent une crinières et de jolies défenses.
Merci mille fois à Véronque pour ces documents et commentaires très intéressants.