Je poursuis la découverte du monument de la place de la République à Paris. Après les quatre figures allégoriques (République, Liberté, Égalité, Fraternité), voici les douze plaques en bronze apposées tout autour du socle et qui racontent les principaux épisodes de l’histoire de la République de 1789 à 1883, date d’érection du monuments. Les sculptures et les reliefs sont de Léopold Morice, dont le frère Charles a réalisé l’architecte du monument.
Comme pour le lion et la République, la fonte a été réalisée par Thiébaut frères, dont la marque est apposée en bas à gauche de plusieurs reliefs. La date correspondant à chaque événement est gravée sur le monument, au-dessus du relief. Je vous le montre pour le premier, puis j’ai resserré le cadrage de mes photographies.
Le premier relief illustre le 20 juin 1789… Alors, vite, on révise son histoire de France, tiens, à transmettre aux candidats à la Présidentielle et déjà aux candidats aux primaires: s’ils n’identifient pas correctement les événements de ces douze dates, ils sont disqualifiés! Alors… Vous avez trouvé? Oui, c’est le Serment du jeu de paume. Les députés, réunis pour les états généraux à Versailles, entrent en résistance contre le roi, ils approuvent le texte rédigé par l’abbé Emmanuel-Joseph Sieyès et lu par Jean-Sylvain Bailly, « de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides »… La composition reprend en gros le célèbre dessin de David…
… y compris la foule qui applaudit aux fenêtres à l’arrière-plan…
… mais le panier à droite (pain?) n’est pas sur le dessin.
14 juillet 1789… Là, c’est facile! Prise de la Bastille…
4 août 1789… Nuit du 4 août… abolition des privilèges, même si certains n’ont toujours pas compris ce que ça veut dire, ou qui doivent croire au transfert des privilèges de la noblesse vers les députés (et autres édiles…).
Pour l’instant, perruques, chapeaux, cheveux nus ou tonsures permettent encore de distinguer les trois ordres (noblesse, clergé et Tiers-État).
14 juillet 1790, Fête de la Fédération… c’est elle qui est fêtée sur la plupart des monuments au Centenaire de la Révolution (voir par exemple celui de Châtellerault). La grande fête organisée pour fêter l’anniversaire de la prise de la Bastille réunit une grande foule place du Champ-de-Mars à Paris, aménagée pour l’occasion, et dans toute la France. Au moment de l’édification du monument de la place de la République, le 14 juillet vient juste (depuis le 6 juillet 1880) de devenir le jour de la Fête nationale française, sans préciser si c’est 1789 ou 1790. La Fayette, au nom des gardes nationales fédérées, prête serment de fidélité « à la nation, à la loi et au roi », de maintenir la Constitution, d’assurer la protection des biens et des personnes… puis le roi prête à son tour serment de fidélité aux lois nouvelles.
11 juillet 1792, Proclamation de la Patrie en danger, la guerre avait été déclarée au roi de Bohême et de Hongrie (donc à l’Autriche et non à tout l’Empire romain-germanique) par Louis XVI le 20 avril, puis avait mis son véto au projets de déportation des prêtres réfractaires et de constitution d’un camp de gardes nationaux (Fédérés) pour défendre Paris… Suite à l’entrée en guerre de la Prusse le 6 juillet, l’assemblée nationale contourne ce véto en proclamant la patrie en danger. Les volontaires sont appelés à rejoindre Paris…
… ce qui permet la victoire célébrée sur la plaque suivante, 20 septembre 1792, La bataille de Valmy, les armées prussiennes sont stoppées par les troupes révolutionnaires, commandées par Charles-François Dumouriez, aux portes de Paris, dans la Marne… Le début d’une série de victoires. Vous avez remarqué le grand chêne à droite du relief? Le même jour, l’assemblée nationale vote la laïcisation de l’état civil et l’autorisation du divorce! Et renouvelle la Commune insurrectionnelle de Paris.
L’histoire se précipite et le 21 septembre 1792 est la date suivante… Dès le lendemain de Valmy (ou plutôt le lendemain des décisions législatives précédentes), la Convention nationale tient sa première séance et proclame L’abolition de la royauté, proclame la République et décide de l’instauration du suffrage universel (ça ne va pas durer) pour ratifier la nouvelle constitution . Le calendrier est revu et l’on passe de 1792 à l’an I de la République!
Du coup, la date suivante est le… 13 prairial an II (1er juin 1794), là, j’avoue que j’ai dû chercher! Il s’agit de la Bataille navale de prairial qui a opposé Français et Anglais au large d’Ouessant. Les Anglais tentaient d’empêcher le passage de vivres en provenance des États-Unis. La victoire est revendiquée… par les deux camps! Les Français ont perdu 7 navires mais les Anglais n’ont pas intercepté la cargaison de vivres.
Grand saut dans le temps… on passe directement à 1830! Vous remarquerez au passage les choix « consensuels » qui sont faits, la fuite du roi, sa décapitation etc. ne sont pas célébrés sur ces reliefs, ils évitent aussi toute la période de l’Empire et de la Restauration! Cinquante ans plus tard, la République est fragile, pas question de remuer des questions qui fâchent.
Nous voici donc le 29 juillet 1830. Les Trois glorieuses (27, 28, 29 juillet 1830) se terminent par l’instauration de la monarchie constitutionnelle dite Monarchie de juillet… Le 30 juillet, Charles X est éliminé et Louis-Philippe arrive le lendemain.
De Révolution en révolution, on passe au 4 mars 1848. Marianne trône maintenant derrière la table du Conseil. La Révolution, qui a commencé par l’insurrection de Paris le 22 février, c’est soldée par l’instauration de la Deuxième République le 24 février. Le 4 mars 1848, c’est l’adoption du suffrage universel (masculin)…
L’histoire de France est tronquée du Second Empire et nous voici le 4 septembre 1870. Il s’agit de la date de la Proclamation de la troisième République. Le 2 septembre, Napoléon III avait été battu à Sedan, entraînant de nouvelles émeutes à Paris et la convocation dans l’urgence du corps législatif.
Cette fois, la Commune de Paris (18 mars – 28 mai 1871) est passée sous silence. On arrive au dernier relief, qui relate un fait qui eut lieu le jour même de l’inauguration du plâtre préfigurant le monument de la République! Nous sommes le 14 juillet 1880, première fête nationale officiellement à cette date (voir plus haut au 14 juillet 1890).
La scène se passe sur la place de la Bastille, le petit génie de la Liberté qui se trouve place de la Bastille.
Photographies d’août 2014.
La place de la République à Paris, réaménagée en 2013, est devenue un lieu de recueillement après avoir été longtemps le point de départ ou d’arrivée des grandes manifestations… Mais qui regarde vraiment le monument? Pourtant, il est constitué de quatre figures allégoriques (je vous en parle dans cet article) et de douze plaques en bronze racontant les principaux épisodes de l’histoire de la République (à découvrir dans un prochain article).
Toutes les statues sont du sculpteur Léopold Morice (Nîmes, 1846 – Paris, 1920) et l’architecte du monument n’est autre que son grand frère Charles Morice (
Le monument, commandé en 1879, est dédié » A la gloire de la République Française, la ville de Paris, 1883 » (inscription sous les armoiries de la ville de Paris) et a été construit de 1880 (mise en place d’un modèle en plâtre le 14 juillet) à 1883 (inauguration officielle… encore le 14 juillet!).
La République qui domine la colonne est un concentré des
elle est coiffée d’un bonnet phrygien et d’une couronne, elle brandit un rameau d’olivier.
Habillée à l’Antique, en appui sur les droits de l’homme…
… elle porte une courte épée dans un fourreau contre son flanc gauche…
… et est pieds nus dans ses sandales.
Impossible de prendre l’inscription « droits de l’Homme » dans sa totalité…
Les trois autres allégories, sculptées en pierre, se répartissent autour de la colonne et illustrent la devise républicaine : Liberté, égalité, fraternité. Elles se distinguent par leurs attributs, et au cas où, leur « nom » est ajouté au-dessus ;-). Je commence donc par la Liberté…
Nu-tête, elle est assise devant un chêne et brandit un flambeau. Alors que la célèbre
L’Égalité semble un peu crispée, avec sa main cramponnée sur le drapeau…
Elle a un air martial avec les attributs d’Athêna, déesse de la guerre : la cuirasse (égide) est sanglée par dessus sa robe et ses jupons et elle porte le casque typique de la déesse.
Elle tient de la main droite un drapeau à la hampe ceinte d’une cocarde et portant le chiffre de la République (RF).
Elle tient de la main gauche le niveau triangulaire des charpentiers.
La Fraternité est est vêtue d’une robe au corsage lacé de manière assez serrée.
Coiffée d’un foulard noué derrière la tête, la Fraternité est assise avec un bouquet d’anémones qui s’échappent de la corne d’abondance posée sur ses genoux.
De sa main droite, elle s’appuie sur les brancards d’une charrue.
A ses pieds deux enfants potelés (dodus pour faire plaisir à Maryse?) semblent concentrés sur un livre. Derrière eux, gerbes de blé et raisins symbolisent l’abondance.
Des cuirs posés sur des faisceaux de licteur (revoir les
Devant le monument, un lion majestueux (3 mètres de long quand même) garde une urne marquée du « Suffrage universel »…
Elle porte la marque des fondeurs
… et des trophées marqués 1789 accompagnés de palmes.
Lui aussi porte la marque de » Thiébaut frères fondeurs ».