Cette bande dessinée m’a été offerte par Petite fée Nougat pour mon anniversaire. L’année dernière, elle m’avait offert et je vous avais déjà parlé, du même auteur, Joël Polomski, Le disparu de Saint-Cirq-Lapopie que j’avais beaucoup aimé ; voir aussi 2007 l’Odyssée de l’espace vert).
Le livre : Le Diable du pont Valentré, adapté du Légendaire du Quercy de Robert Martinot, de Joël Polomski (scénario et dessin), 48 pages, 2008, édité à compte d’auteur, édition spéciale 700 ans du pont Valentré ISBN 978-29518916-4-7 [1ère édition 2005].
L’histoire : Cahors, juin 1308… Les consuls de la ville décident de construire un pont fortifié sur le Lot, pour protéger la ville d’éventuelles invasions (il y eut déjà les Barbares, les Normands, etc.). Un architecte est choisi, mais le chantier avance lentement… les consuls promettent plus d’argent, le rythme des travaux s’accélère, mais cela ne plaît pas à un petit Diable qui va tout faire pour faire arrêter le chantier. Les accidents se multiplient, les ouvriers quittent peu à peu le chantier. L’architecte vend alors son âme au diable : s’il l’aide à finir le pont et lui obéi en tout, alors il lui donnera son âme pour l’éternité… Quelle ruse l’architecte a en tête pour obtenir l’avancée du pont et ne pas perdre son âme ?
Mon avis : J’ai beaucoup aimé l’interprétation de la légende donnée par Joël Polomski. Le petit diable a d’ailleurs une bouille trop mignonne… Quand vous passerez voir ce pont à Cahors (vous ne pouvez pas le rater, avec ses tours…), vous verrez un petit diable scotché à la pierre : il est l’œuvre d’un restaurateur qui s’est inspiré de la légende, lors de travaux en 1879… Pour les 700 ans du pont en 2008, des amis dessinateurs de Joël Polomski ont fourni aussi de super dessins de diables.
À propos du pont de Valentré et des mythiques chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Contrairement à ce qui est écrit sur le site de la ville de Cahors dans un dossier de presse, le pont de Valentré n’est pas protégé en tant que tel au patrimoine mondial de l’Unesco, juste au titre de jalon du « bien culturel » (c’est le nom officiel donné par l’Unesco pour les sites inscrits sur la liste) Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France, comme jalon n° 52 (juste après la cathédrale de Cahors, n° 51). Les chemins de Saint-Jacques en France sont une construction de 1998 un peu fourre-tout et plus une création contemporaine qu’une réalité historique. Au moins pour l’époque romane, il n’y a jamais eu de milliers de pèlerins pour Saint-Jacques-de-Compostelle, mais des multitudes de grands pèlerinages locaux, de grands pèlerinages chrétiens vers Rome ou Jérusalem, et chacun allait de chez lui au lieu de pèlerinage, sans route précise, le fameux « guide du pèlerin » (livre V du Codex Calixtinus) attribué à Aymeri Picaud n’est pas un « guide », mais le récit d’un voyage probable… et plus certainement un livre de propagande politique… au 12e siècle, dans le cadre de la succession d’Alphonse VII de Castille, et en 1938, date de sa traduction en français, quand Franco essayait de faire venir des Français à Saint-Jacques-de-Compostelle ! Mais bon, contrairement à ce que pensent certaines associations jacquaire, dans la justification de la protection par l’Unesco, il n’est question, heureusement, que de bas Moyen-Âge. Aujourd’hui, Saint-Jacques-de-Compostelle et Le Puy-en Velay et les étapes du GR65 ont tout intérêt à poursuivre la légende qui leur amène marcheurs, touristes et pèlerins, mais gardez en tête qu’il s’agit d’une création contemporaine, au mieux moderne au moment de la contre-réforme catholiques (lisez en entier les chants de pèlerins soit disant du Moyen-Âge, ils parlent de revanche sur les Protestants !). Pour démystifier ces chemins, allez donc sur le site de la Fondation David Parou Saint-Jacques, lisez les travaux de Mme Péricard-Méa (par exemple le dernier livre de Denise Péricard-Méa et Louis Mollaret, Chemins de Compostelle et Patrimoine mondial, éd. La Louve, Cahors (si!!!), 2010, ISBN 9 782916 488349), les associations jacquaires pousseront sans doute des hurlements, mais tant pis… Quant à affirmer, pour celles-ci, que la coquille Saint-Jacques perforée est un grand témoin de pèlerinages à Saint-Jacques-de-Compostelle, alors, c’est que ce pèlerinage existe depuis des dizaines de milliers d’années ! Au Paléolithique en France et en Europe, on en recense certainement plus que dans les tombes médiévales, LOL ! En première approche, je vous conseille la thèse d’Yvette Taborin, publiée en 1993 ( La parure en coquillage au Paléolithique, XXIXe supplément à Gallia-Préhistoire, éditions du CNRS, dans toutes les bonnes bibliothèques municipales, sans doute)… Et si vous voulez des « preuves » directement accessibles, vous pouvez voir sur Persée par exemple l’article sur Les objets de parure de la vallée de l’Aveyron, Fontales, Abris de Bruniquel (Plantade, Lafaye, Gandil) de Edmée Ladier et Anne-Catherine Welté (paru dans la revue Paléo, 1993, n° 5, p. 281-317), les figures sont à la fin de l’article, ces pecten maximus (coquilles Saint-Sacques) là et les « pèlerins » qui les portaient ont plus de 15000 ans. J’ai pris cet exemple car l’Aveyron est bien représenté dans les jalons des chemins de Saint-Jacques en France… Mais vous pouvez en ligne voir ceux de l’abri Blanchard à Saint-Germain-la-Rivière (Marian Vanhaeren et Francesco d’Errico, Le mobilier funéraire de la Dame de Saint-Germain-la-Rivière (Gironde) et l’origine paléolithique des inégalités, Paléo n° 15, 2003, p. 195-2
38 : voir fig. 26), à la grotte des Rideaux et dans un autre abri de Lespugue en Haute-Garonne (signalé dès 1913 par de Saint-Périer, Gravure à contours découpés en os et coquilles perforées de l’époque magdalénienne, Bulletins et Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, VIe Série, tome 4 fascicule 1, 1913, p. 47-52), etc.
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