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Le monument à Villebois-Mareuil par Raoul Verlet à Nantes

Nantes, monument à Villebois-Mareuil, carte postale ancienneAllez, nous poursuivons la découverte de l’œuvre de Raoul Verlet (Angoulême, 1857 – Cannes, 1923), après le  monument aux morts de 1870, dit monument aux mobiles de la Charente et le monument à Sadi Carnot à Angoulême, puis le monument à Adrien Dubouché à Limoges, voici le monument à Georges de Villebois-Mareuil à Nantes (place de la bourse).

Nantes, monument à Villebois-Mareuil, signature de Deglane sur le socle, cliché MamazertyJuste après la mort de Villebois-Mareuil, un comité de souscription publique est mis en place et siège à Paris. Il s’agit de réunir la somme nécessaire à l’érection d’un monument à Nantes, la ville où il a passé son enfance, par l’intermédiaire du journal La liberté. Il lance un concours et choisit le projet présenté par l’architecte Henri [Adolphe Auguste] (Paris, 1857 – Paris, 1931, oups, ma photographie de sa marque était floue, je ne l’ai pas mise, mais depuis, Mamazerty m’a fait une belle photographie bien nette!) et le sculpteur Raoul Verlet (« R. Verlet sculpt. »), qui avaient déjà collaboré pour  le monument à Sadi Carnot à Angoulême.

Nantes, le monument à Villebois-Mareuil,  signature de Raoul Verlet sculpteur

La maquette en plâtre, datée de 1900, a été donnée en 1926 avec le fond d’atelier de l’artiste par sa veuve au musée des Beaux-Arts d’Angoulême. D’après la fiche du musée, cette maquette a été détruite après 1955. Un « portrait du colonel de Villebois-Mareuil » est présenté par Raoul Verlet au salon des artistes français de 1901 sous le n° 3587 et « monument à Villebois-Mareuil » au salon des artistes français de 1902 sous le n° 2915 (sur la même page que Le Rhône et la Saône par André Vermare).

Nantes, monument à Villebois-Mareuil, signature de Raoul Verlet sur le socle, cliché MamazertyEt voici une deuxième signature du sculpteur Raoul Verlet, sur le socle, trouvée par Mamazerty.

Monument à Villebois-Mareuil à Grez-en-BouèreCe dernier pourrait être cet autre monument plus modeste, à Grez-en-Bouère en Mayenne, le village où il était né le 22 mars 1847, réalisé (avec le reliquat de la souscription?) également avec l’architecte Henri Deglane.

Nantes, le monument à Villebois-Mareuil, marque du fondeur Durenne

revenons à Nantes.. La fonte est réalisée par Antoine Durenne, dont on voit ici la marque : « Etabents métallurgiques A. Durenne Paris ». Une très belle version de la marque (que l’on trouve aussi sur le monument aux morts de Saint-Benoît près de Poitiers)…

Nantes, monument à Villebois-Mareuil, carte de l'inauguration du monumentLe monument a été inauguré le 26 octobre 1902. Vous pouvez voir la couverture de la plaquette (voir page 5 du document) et une photographie de cette cérémonie d’inauguration sur le site des archives municipales de Nantes. L’une des plaques apposées sur le socle témoigne de cette inauguration :

Ce monument / offert à la ville de Nantes / et le comité d’organisation / de la souscription publique / ouverte pas le journal la Liberté / a été inauguré le 26 octobre 1902 / sous les auspices de la municipalité.

La grille n’est mise en place qu’en 1903. En 1909, un projet de déplacement est abandonné.

Nantes, le monument à Villebois-Mareuil, deux vues générales

Le monument se compose d’un haut piédestal avec la dédicace à l’avant et la mention de la souscription à l’arrière, d’une plaque de bronze à droite et à gauche, et au sommet, d’un groupe sculpté en bronze (Villebois-Mareuil et une allégorie). La maquette en plâtre montrait un projet un peu différent: si le groupe sculpté avec le soldat et l’allégorie dominent bien le monument, à leurs pieds se trouvait sur l’arrière une entrée de mine avec des outils, une vieille femme et des enfants, devant, une femme allongée nue, et sur le côté, tirailleur boer armé. Je n’ai pas trouvé de document sur le changement de programme entre la maquette et la réalisation, ce n’était pas une question d’argent, pour une fois, puis que projet était chiffré à 42.000 francs alors que la souscription en avait rassemblé 45.000…

La dédicace sur le socle résume en quelques lignes la vie de Villebois-Mareuil:

Au colonel / de / Villebois-Mareuil / né à Nantes / le 22 mars 1847 / mort / au champ d’honneur / à Boshof Transvall / le 5 avril 1900.

Nantes, le monument à Villebois-Mareuil, deux vues rapprochées, de face et de côté

Villebois-Mareuil est représenté mortellement touché, encore debout mais tombant en arrière, retenu par une allégorie (représentant l’Afrique?) portant un drapeau déployé. La statue a échappé aux fontes de 1943/1944, un journal ayant mis en avant que Villebois-Mareuil avait combattu contre les Anglais, mais a perdu son épée lors du démontage et du remontage.

Nantes, le monument à Villebois-Mareuil, détail des visages et de la besaceL’allégorie embrasse (au sens propre) le soldat mourant. Ce dernier est représenté en tenue de combat avec son équipement.

Nantes, le monument à Villebois-Mareuil, plaque de la bataille de Blois, vue générale

Lors de la guerre de 1870-1871, il est affecté à une compagnie de chasseurs à pied à Tours, siège du gouvernement provisoire. En janvier 1871, il combat, avec l’armée de la Loire, dans les faubourgs de Blois, lorsqu’il est blessé. Cette blessure lui vaut d’être élevé au rang de capitaine.

Nantes, le monument à Villebois-Mareuil, plaque de la bataille de Blois, trois vues de détail

Il est représenté galvanisant ses troupes au centre du relief. Sur la droite, un soldat a été mortellement touché, remarquez son couvre-chef fixé hors du cadre du relief.

Après avoir combattu dans les troupes coloniales (en Tunisie en 1881, nommé colonel en 1892), il démissionne de l’armée en 1895 et participe à la création de la ligue royaliste et antisémite de l’Action Française.

Nantes, le monument à Villebois-Mareuil, plaque de la bataille de Boshof, vue générale

En 1899, lors du déclenchement de la seconde Guerre des Boers après l’affaire de Fachoda, il s’enrôle aux côtés des Boers contre l’Empire britannique. Il débarque en Afrique le 22 novembre 1899, au Mozambique. Il rejoint le Transvaal et est nommé à la tête de plusieurs unités de la Légion des étrangers. Il est tué le  5 avril 1900 à Boshof au nord de la colonie du Cap, aujourd’hui en Afrique-du-Sud.

Nantes, le monument à Villebois-Mareuil, plaque de la bataille de Boshof, deux vues de détailSur le côté gauche du relief, Villebois-Mareuil, touché, est à la tête des troupes étrangères qui semblent équipées de bric et de broc (dénoncé par Villebois-Mareuil avant le combat), alors qu’en face, les Anglais sont correctement armés avec de nombreuses munitions.

Photographies de juillet 2012.

Pour aller plus loin, lire  le catalogue réalisé par Béatrice Rolin, Fantômes de pierre : La sculpture à Angoulême 1860-1930, éditions du Germa à Angoulême (1995).

Le monument à Sadi Carnot par Raoul Verlet à Angoulême

Angoulême, monument à Sadi Carnot, 1, vu de loin Cela fait longtemps que je ne vous ai pas emmenés à Angoulême… Aujourd’hui, il faut se déplacer, à vos risques et périls (un périmètre de sécurité est en place depuis quelques mois, le monument s’affaisse vers le rempart) au bout des allées de New-York, après l’hôtel de ville et le théâtre…

Angoulême, monument à Sadi Carnot, 2, vue rapprochée Le voici d’un peu plus près, au sommet de la colonne, un buste du président Sadi-Carnot (« A Carnot La Charente », dit l’inscription sous le buste), avec une allégorie féminine à ses côtés et une autre au pied du monument…

Angoulême, monument à Sadi Carnot, 3, signatures de Verlet sculpteur et Deglane architecte … qui porte la signature du sculpteur Raoul Verlet (Angoulême, 1857 – Cannes, 1923) (« R. Verlet sc. ») et de l’architecte « H. Deglane Arch. ». Raoul Verlet, je vous en ai déjà parlé pour le monument aux morts de 1870, dit monument aux mobiles de la Charente, juste à côté de l’hôtel de ville d’Angoulême, je vous en reparlerai pour d’autres monuments dans les prochains mois, voir le monument à Adrien Dubouché à Limoges et les monuments à Villebois-Mareuil à Nantes et Grez-en-Bouère. Vous pouvez déjà aller voir la fontaine place Amédée-Larrieu à Bordeaux chez Virjaja. Raoul Verlet prolongera quelques années plus tard sa collaboration avec Henri [Adolphe Auguste] Deglane au Grand Palais à Paris…

Angoulême, monument à Sadi Carnot, 4, signature de Mien entrepreneur Sur l’autre extrémité du socle se trouve la signature de l’entrepreneur (« A. Mien entr »).

Angoulême, monument à Sadi Carnot, 5, dédicace Au dos, une plaque explique les circonstances de la construction (en majuscules, mais je vous mets le texte en minuscules, plus facile à lire):

 » Erigé par souscription départementale / à la mémoire de / Marie François Marie Sadi Carnot / président de la république française mort à Lyon le 24 juin 1894 / ce monument a été inauguré le 2 mai 1897 / sous l’administration de Mr Léopold Viguié, préfet de la Charente / de M. Jean Dezole maire d’Angoulême / le même jour au nom du comité d’initiative et des souscripteurs / M. Rambaud de Larocour président du conseil général en a fait remise / à la ville d’Angoulême ».

Angoulême, monument à Sadi Carnot, 6, buste de Carnot Au sommet donc, le buste du président dont l’assassinat avait frappé toute la France (en créant des rues Carnot, comme à Poitiers, je vous montrerai aussi un de ces jours le monument érigé à Lyon…).

Angoulême, monument à Sadi Carnot, 7, deux vues de l'allégorie du haut A sa gauche (à droite quand on regarde le monument), une femme ailée, allégorie de la Renommée, qui flotte en l’air, pieds nus, et dépose devant lui une palme et une branche d’olivier. Une autre renommée de Raoul Verlet (réalisée en 1900) est visible à Angoulême, sur le monument aux morts de 1870 commandé par le Souvenir Français au cimetière de Bardines, il faudra que j’aille le photographier la prochaine fois que j’irai à Angoulême, en attendant, vous pouvez le découvrir dans le livre Les allégories de la République sur les monuments aux morts en Poitou-Charentes, par Charlotte Pon-Willemsen, dont je vous ai parlé ici, et dans ce dossier en ligne.

Angoulême, monument à Sadi Carnot, 8, vues de l'allégorie du bas Au pied du monument, une autre allégorie, cette fois la France en deuil, également pieds nus et vêtue à l’Antique (deux caractéristiques assez fréquentes des allégories), qui se tient la tête voilée, soutenant un drapeau. Elle vous rappelle peut-être un peu la France en deuil également sur le monument aux morts de 1870, dit monument aux mobiles de la Charente (toujours Raoul Verlet… mais réalisé une dizaine d’années plus tôt).

Ces photographies datent de l’automne 2010.

Pour aller plus loin, lire le catalogue réalisé par Béatrice Rolin, Fantômes de pierre : La sculpture à Angoulême 1860-1930, éditions du Germa à Angoulême (1995).