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La terre et l’ombre de César Acevedo

Affiche de La Terre et l'ombre de César AcevedoMa sortie cinéma du week-end a été pour La terre et l’ombre de César Acevedo, qui a reçu la caméra d’or au dernier festival de Cannes (2015).

Le film : de nos jours en Colombie. Après une absence de 17 ans, Alfonso [Haimer Leal] revient dans sa ferme désormais isolée au milieu des champs de canne à sucre, dont elle est séparée juste par une cour et un arbre majestueux. Gerardo [Edison Raigosa], son fils, est alité, victime d’une maladie pulmonaire. Esperanza [Marleyda Soto], sa belle-fille, et Alicia [Hilda Ruiz], sa femme avec qui il est fâché, vont travailler à sa place dans les plantations de canne à sucre, Alfonso gardera son fils et Manuel [Felipe Cárdenas], son petit-fils.

Mon avis : si vous avez envie d’un film gai, n’allez pas voir celui-ci! Au fil des ans, les paysans ont été contraints de vendre leurs terres aux planteurs de canne à sucre, puis de travailler pour eux, en étant payés de manière aléatoire. Les cendres issues du brûlage des déchets retombent en pluies qui rendent l’air opaque et irrespirable, ont provoqué chez Gerardo une sorte de silicose. Et dire qu’on nous dit qu’un petit feu de jardin, ça pollue… à notre échelle, c’est ridicule, multiplié par des milliers, oui, on libère des particules dans l’air, mais comparé à ces brûlis géants, que pesons-nous ? (Allez, un petit effort, on limite quand même nos émissions). Le grand-père essaye quand même de transmettre des savoir-faire en lien avec la nature à son petit-fils: siffler comme les oiseaux, les attirer sur une mangeoire (on les entend mais ne les voit jamais), jouer avec un cerf-volant. Le film est parfois très lent, et pourtant, il ne montre pas certaines scènes que l’on attend : le cadavre est lavé, le fils lui dit adieu (scène là aussi suggestive, très belle, avec juste la main du père et une partie du visage du fils), puis le corps est emporté sans la famille dans une ambulance au milieu des flammes des brûlis, mais il n’y a pas d’enterrement. La cause du départ du grand-père il y a 17 ans, l’obstination de sa femme à rester sur place, sont sous-jacents en permanence, sans être abordés frontalement. La peine des personnages, les rancunes, les colères (cf. la grève des ouvriers agricoles aussi sont en permanence suggérés, avec de beaux plans sur les visages des personnages. À la sortie du film, je pense que vous ne mangerez plus de sucre de canne, sauf peut-être s’il est issu d’un label de production responsable (et bio… on ne montre pas les pesticides dans le film, mais ils sont aussi abondamment utilisés sur les plantations géantes)…

 

Au commencement était la mer de Tomàs Gonzàlez

Couverture de Au commencement était la mer, de Tomas Gonzales logo du chalenge 1% rentrée littéraire 2010pioche-en-bib.jpgJ’ai trouvé ce livre à la médiathèque parmi les nouvelles acquisitions… et atteins ainsi le 1 % de livres de la rentrée littéraire 2010 (dans le cadre du challenge du 1 % rentrée littéraire 2010, repris par Schlabaya).

Le livre : Au commencement était la mer de Tomàs Gonzàlez, traduit l’espagnol colombien par Delphine Valentin, Editions Carnets Nord, 2010, 224 pages, ISBN 9782355360442 (Première édition en Colombie en 1983, mais il s’agit de la première édition en français ; attention, ce titre est aussi le titre d’un livre de Maïssa Bey).

L’histoire : 1976, dans un île au large de la Colombie. J. et Elena ont quitté Medellín, après des heures de bus et encore 4 de bateau, les voici arrivés dans leur nouvelle demeure. Pas d’eau courante, un couple avec enfants, qui s’occupaient de la maison avec le précédent propriétaire et qu’ils embauchent, beaucoup de ménage à faire pour s’installer, un peu (de plus en plus) d’alcool pour aider à vivre, une malle de livres pour lui, une machine à coudre qui a été cassée dans le voyage pour elle, deux lits de camp jusqu’à la construction d’un grand lit à deux places. Très vite, on sait que l’histoire va mal se terminer, avec la mort de J… Mais comment vont-ils en arriver là, alors qu’ils rêvent de paradis? De prêt en prêt, de voyage à Medellín (le couple a été escroqué de toutes leurs économies) au montage d’un magasin qui ne vend presque qu’à crédit, de bains de mer sous les yeux curieux des villageois au montage d’une scierie sans expérience de la coupe du bois, ou comment un rêve va tourner au cauchemar…

Mon avis : ce livre est écrit dans un style très particulier, avec une sorte de distanciation au personnage principal, qui n’est jamais désigné que par J alors que sa femme et les autres personnages sont désignés par leur prénom pour les plus proches, leur nom pour les plus lointains (le cousin, certains habitants du village). La lente dérive du couple, le rêve de départ, mais aussi la progression des deux personnages sont fascinants. Elena, qui semble ne communiquer que dans le conflit, hurlant sur le chauffeur de la compagnie de bus, la femme qui s’occupe de la maison, les villageois qui la regardent sur la plage. J, qui fuit on ne sait quoi, mais surtout ses responsabilités, complètement à côté des réalités du monde et plongé dans ses livres et son journal intime, qui se réfugie de plus en plus dans l’alcool. Les villageois, qui à la fois ont du mal à les accepter, profitent de l’épicerie, craignent Elena mais accueillent J tout en exploitant ses faiblesses. Le batelier qui assure le transport régulièrement… Des portraits par petites touches, assez fascinants.

logo tour du monde en lecture Ce livre entre dans le cadre du défi du tour du monde des livres, organisé par Livresque, au titre de la Colombie, en complément de Douze contes vagabonds du cosmopolite Gabriel García Márquez.