Je vous ai déjà montré de loin l’hôtel de ville de Poitiers avant rénovation, en cours de rénovation et après rénovation. Il est l’œuvre de l’architecte Antoine Gaëtan Guérinot, qui avait réalisé la préfecture avec Alphonse Durand. La construction prit presque 10 ans, de 1869 à 1878, il faut dire que la guerre de 1870 et les changements politiques qui suivirent bouleversèrent le projet. L’essentiel du gros œuvre était achevé en 1875, date portée en chiffres romains sur la façade. J’ai décidé de vous le faire visiter de plus près pour l’extérieur et par des cartes postales anciennes pour l’intérieur, en plusieurs épisodes… Toujours le dimanche à midi, bien sûr… mais pas chaque semaine, il faut varier les plaisirs.
Je commence par le milieu de la façade… Je passe sur le campanile, ses tigres-chimères (de l’artiste animalier Auguste Cain) et ses angelots en plomb (oui, bien lourds au sommet d’un édifice), tout juste restaurés, mais il me faudra aller faire de meilleures photographies avec un pied… (à voir maintenant ici).
Je vais aujourd’hui vous faire découvrir les deux allégories qui encadrent la monumentale horloge… Et oui, les allégories furent très à la mode dans la seconde moitié du 19e siècle, je vous ai déjà montré celles de l’ancien cercle industriel, article repris avec des explications de vocabulaire et de l’ancien cercle du commerce à Poitiers, vous pouvez par exemple voir à Tours les allégories de la force et du courage ou celles de l’éducation et la vigilance sur l’hôtel de ville ou encore les allégories de Limoges et Nantes ou de Bordeaux et Toulouse sur la gare. Quelques années plus tard, Louis Ernest Barrias a aussi réalisé une allégorie de l’Architecture (avec une représentation de l’hôtel de ville de Poitiers) sur la tombe de Guérinot.
Dépôts de l’Etat (elles figurent dans le catalogue du Fonds national d’art contemporain), ces deux allégories sont l’œuvre de Louis Ernest Barrias (1841-1905), second prix de Rome en 1872, ainsi que cela se voit sur la signature portée sur le côté droit de la sculpture de gauche. Si vous voulez découvrir cet artiste, je vous conseille cette biographie ou de consulter la base de données Joconde (lien direct sur Barrias). De manière étonnante, une maquette en terre des allégories de Poitiers seraient au musée de Valenciennes, si l’on se fie aux informations de cette base de données.
Revenons à Poitiers. Les deux allégories, l’agriculture et la science, sont vêtues d’une longue robe drapée à l’Antique. À gauche de l’horloge, vous trouvez l’agriculture que je vous montre de face…
… son profil droit…
… et son profil gauche.
Approchons un peu plus. Dans le creux du bras droit, elle porte une gerbe de blé. L’agriculture est assise sur une brouette, dont on voit ici les bras…
… et de l’autre côté, un axe avec une cheville et une roue crantée. Dans la main gauche, elle tient une faucille ou une serpe.
Un petit détail de sa coiffure, avec une couronne de blé, des nattes regroupées vers l’arrière de la tête en chignon.
Contournons l’horloge. De ce côté se trouve la science (souvent présentée comme l’industrie, par opposition à l’agriculture, mais le plâtre préparatoire présenté à l’exposition Un Louvre pour Poitiers confirme qu’il s’agit de la science), la tête couverte d’un voile (quoi, un voile en plein espace public? Au secours, appelez l’Élysée !) Ses cheveux, libres sur l’avant, sont tressés et rassemblés vers l’arrière.
De plus près, ses attributs, une tablette dans la main gauche, un globe posé sur un livre à ses pieds. Remarquez au passage que son pied gauche, nu, est légèrement avancé. La barre métallique, que vous voyez aussi de l’autre côté, porte l’éclairage nocturne.
Pour aller plus loin : voir le livre de Charlotte Pon-Willemsen (récemment décédée au mois de juillet 2010), Hôtels de ville de Poitou-Charentes, éditions CPPPC, ISBN 2905764198, 1999 (p. 58-64 pour Poitiers, mais vous trouverez aussi La Rochelle, Saintes, Niort, Cognac, Confolens, Châtellerault, Angoulême, etc.).
Voir l’article de Grégory Vouhé, La Science symbole de Poitiers, L’actualité Poitou-Charentes, n° 100, printemps 2013, p. 114-115.
Louis Barrias réalisa en 1893 pour la tombe de Antoine Gaëtan Guérinot., l’architecte de l’hôtel de ville de Poitiers, au cimetière du Père-Lachaise à Paris, un plan de ce bâtiment et un buste en bronze intitulé L’architecture (voir Antoinette Le Normand-Romain (1986), Tombeaux d’artistes, Revue de l’Art, vol. 74, p. 60 et 62). Il faudra que j’aille la photographier, à l’occasion…
J’aime bien la pointe d’humour sur l’industrie !
merciii pour ces si belle photos, je suis toujours en admiration devant la mairie, et ses vitraux sont superbes
bizzzes
cagouille
Pas facile, de photographier les vitraux… Mais j’ai en réserve qq cartes postales anciennes sympas sur l’hôtel de ville! A bientôt, je lis juste en vitesse les comm de ces 10 derniers jours…
Je te crotais en vacances :o)
Un superbe hôtel de ville, pas seulement majestueux, mais beau!!!!!
Bonjour,
Je découvre peu à peu les anciens articles… la préparation de l’exposition Un Louvre pour Poitiers a naturellement fait progresser les connaissances : l’édition du 5 mars 1875 du Courrier de la Vienne, citée p. 86 du catalogue, précise que l’Agriculture est assise non sur une brouette, mais sur le timon d’une charrue : elle vient de moissonner la gerbe avec la faucille…
la terre cuite (et non le plâtre) de la Science, au tiers de la grandeur d’exécution, est bien conservée à Valenciennes (cat. 61).
Deuxième Grand Prix de Rome en 1861 (et non 1872), Ernest Barrias reçoit le Premier Grand Prix en 1865 : voir Georges Lafenestre, « Ernest Barrias (1841-1905) », Revue de l’Art anien et moderne, 1908, p. 321-340.
L’Architecture de la tombe de Guérinot est en marbre ; c’est une figure entière et non un simple buste, qui est reproduite p. 32 du catalogue.
C’est intéressant de décrypter ce genre de sculpture.