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Les cahiers russes, d’Igort

pioche-en-bib.jpgCouverture de Les cahiers russes, d'IgortAprès Les cahiers ukrainiens il y a quelques années, je viens d’emprunter les Cahiers russes à la médiathèque.

Le livre : Les cahiers russes, la guerre oubliée du Caucase, de Igor Tuveri, dit Igort (scénario et dessin), éditions Futuropolis, 2012, 172 pages, ISBN 9782754807579.

L’histoire : Moscou, en 2009. Trois ans après l’assassinat d’Anna Politkovskaïa, militante des droits de l’Homme, journaliste à la Novaïa Gazeta,  le 7 octobre 2006, Igort entre dans l’immeuble et l’ascenseur où elle a été assassinée. Elle voulait défendre la cause des Tchétchène. Après sa mort, son ami et avocat a poursuivi son action, avant d’être à son tour assassiné en janvier 2009, après de multiples agressions physiques et menaces de mort. Retour sur les actions de ces deux personnes, d’exception, leur combat, le rôle de médiateur d’Anna Politkovskaïa lors de la prise d’otages du théâtre Doubrovska en octobre 2002, sur les exactions russes en Tchétchénie…

Mon avis : Igort retrace les exactions russes en Tchétchénie et présente les prises d’otages du théâtre de Moscou et de Beslan comme des conséquences de ce qui se passait dans cette zone soit disant autonome, et les centaines de morts comme l’incurie des services russes (voir aussi L’incertitude de l’aube de Sophie Van der Linden). Il met en image les témoignages recueillis par la journaliste sur les tortures et autres exécutions sommaires en Tchétchénie, auprès de victimes et de soldats. Cependant, je n’aime pas trop le style du dessin. Le récit se présente comme un entretien avec Galia Ackerman, une amie de la journaliste, en alternance avec la plongée dans la violence en Tchétchénie ou contre ceux qui défendent sa cause. Je n’ai pas trop compris certaines digressions, comme la page sur la famine en Ukraine sous Staline (sujet des Les cahiers ukrainiens), sans rapport avec le sujet, pas plus que les passions littéraires d’Anna Politkovskaïa pour Léon Tolstoï et Fédor Dostoïevski. Cela brouille un peu le récit.

L’incertitude de l’aube de Sophie Van der Linden

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Logo rentrée littéraire 2014Couverture de L'incertitude de l'aube de Sophie Van der LindenParmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque, j’ai choisi celui-ci. C’est le premier dans la catégorie roman pour le défi de la rentrée littéraire organisé à nouveau en 2014 par Hérisson. (J’ai déjà commencé les BD avec Vigiprimate, Silex and the City, tome 5, de Jul)

Le livre : L’incertitude de l’aube de Sophie Van der Linden, éditions Buchet-Chastel, 151 pages, 2014, ISBN 978-2-283-02808-7.

L’histoire: septembre 2003, à Beslan (Ossétie-du-Nord). Comme sa mère, enceinte, est alitée, c’est son grand-père qui va accompagner Anushka, 8 ans, pour la rentrée de l’école. En chemin, elle retrouve sa meilleure amie, Miléna, et sa mère. La rentrée doit s’accompagner d’une fête. Arrivées à l’école, déception, elles ne sont pas dans la même classe. Alors que le grand-père est assis dans la cour, les deux fillettes et la maman se retrouvent dans le gymnase pour le spectacle, en fait avec des centaines de prisonniers, enfants et parents, mères et grands-mères surtout, prises en otage par des terroristes tchétchènes.

Mon avis: J’avais écouté distraitement un entretien avec cette auteure à la radio, mais noté ni le titre ni l’auteur sur mon carnet, pas particulièrement tentée. Mais sans doute était-il inscrit dans un petit coin de ma tête, parce que lorsque je l’ai vu parmi les livres de la rentrée littéraire nouvellement acquis par la médiathèque, il a fait « tilt » d’abord… pour son petit nombre de pages. Et oui, ma vitesse de lecture est encore lente, même avec mon visioagrandisseur maison. En le commençant, je me suis souvenue en avoir entendu parler. La tragique fin de cette prise d’otage, il y a dix ans, chacun la connaît, l’assaut par les forces russes s’est terminé dans le sang (331 morts dont 181 enfants). Sophie Van der Linden a choisi de raconter le drame de l’intérieur, à la première personne dans la bouche de la fillette, Anushka. Après avoir pu aller aux toilettes une fois, elle se retrouve bloquée, pense à sa courte vie, des événements gais (fêtes, instants avec ses grands-parents) ou pas (elle a failli se noyer à la piscine emportée par une amie qui ne savait pas nager), fait d’abord des projets d’avenir, puis de moins en moins, les bébés ont été évacués, les autres ont de plus en plus faim, soif, la fillette glisse et décroche de plus en plus de la réalité. L’écriture est agréable, emmenant le lecteur dans la tête de cette fillette et dans son monde, au gré des contes et poèmes russes qui viennent peupler ses pensées.

Douze… de Nikita Mikhalkov

Affiche du film 12, de Mikhalkov C’est décidément une semaine cinéma, mais que voulez-vous, je suis pas mal sortie ces derniers temps….

12 donc, c’est une adaptation très libre par Nikita Mikhalkov (qui joue lui-même le juré n° 2, président du jury) de 12 hommes en colère, pièce écrite par Reginald Rose en 1953 et réalisée au cinéma par Sidney Lumet en 1957.

Le nouveau film se situe donc de nos jours, à Moscou. Douze hommes, douze jurés, sont amenés à débattre – si possible rapidement – pour juger un homme, un jeune Tchétchène qui a assisté il y a quelques années au meurtre de ses parents et qui est aujourd’hui accusé du meurtre de son père adoptif, un officier russe qui l’a recueilli à l’époque. Le tribunal étant en travaux, ils se retrouvent enfermés dans un gymnase d’école transformé pour l’occasion en salle de délibération alors que l’accusé patiente à côté, revivant sans cesse la guerre de Tchétchénie… Le jugement ne devrait être qu’une question de minutes, mais l’un des jurés refuse de voter la culpabilité, et les douze hommes s’embarquent pour plusieurs heures de débats (2h30 pour le film). Coupable, non coupable ?

Mon avis : j’ai beaucoup aimé la façon de Nikita Mikhalkov de traiter cette histoire. « On » le dit proche du pouvoir, mais il dresse ici un portrait sans complaisance, je trouve, de la société russe d’avant (du temps des communistes), d’aujourd’hui, des exactions en Tchéchénie, de la corruption. Mikhalkov a rassemblé douze hommes ordinaires, de tous les horizons, pas de beau gosse comme au cinéma, un reflet de la société en général… Pour la Rollex du directeur de cimetière, rien à voir avec une scène franco-française, Mikhalkov a sorti son film en 2007 en Russie… mais toute la salle a souri. D’après une interview de l’auteur que j’ai entendue il y a quelque temps dans Cosmopolitaine de Paula Jacques sur France Inter, après la sortie du film, beaucoup de procès en Russie se sont terminés par des acquittements… À voir si vous le pouvez, sinon, à découvrir sur le site officiel.