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Planétarium de Rebecca Zlotowski

Affiche de Planétarium de Rebecca ZlotowskiEntre deux giboulées et coups de vent, je suis allée voir hier au cinéma Planétarium de Rebecca Zlotowski [voir mon avis sur son film précédent, Grand central].

L’histoire : à Paris, dans les années 1930. Laura [Natalie Portman] et Kate [Lily-Rose Depp], deux jeunes mediums américaines, donnent leur numéro dans un cabaret quand elles sont abordées par André Korben [Emmanuel Salinger], un riche producteur de cinéma juif d’origine polonaise, naturalisé français. Il demande une séance privée, les invite à emménager dans sa villa, pour les engager dans l’aventure d’un film qui mettrait leur don en avant en filmant un revenant. Fêtes et tournage se poursuivent alors que s’annonce le nazisme…

Mon avis : les costumes, les maquillages et les reconstitutions de décor sont soignés. La villa qui a été trouvée pour le tournage est parfaite pour ce film. Côté scénario, c’est un peu fouillis. La fête, le spiritisme et le milieu du cinéma sont privilégiés sur la montée du nazisme, qui apparaît d’abord sous forme d’allusions ou d’un slogan écrit au rouge à lèvres sur un miroir avant d’exploser à la fin du film. La cinéaste semble parfois prendre position sur le spiritisme /  » piège à gogos « , les deux sœurs ne semblent guère y croire, l’une y voit un moyen de gagner sa vie grâce à la crédulité des  » clients « , l’autre, en apparence fragile et naïve, finit par dire que son  » don  » est la conséquence d’une maladie qui l’emportera. Illusion que le spiritisme, illusion aussi, dans le film, que le cinéma et son mode de financement… et l’on voudrait donc croire que la montée du nazisme est aussi une illusion, même à la fin la réalité des camps de concentration : « il ne faut pas croire à tout ce que l’on dit qu’il se passe à l’est » (ou quelque chose comme ça). Même s’il y a de très jolis cadrages, des scènes touchantes, je reste un peu réservée pour ce film.

Grand central de Rebecca Zlotowski

Affiche du film Grand central de Rebecca ZlotowskiNouvelle sortie cinéma avec le film de Rebecca Zlotowski, Grand central [de la même réalisatrice, voir aussi Planétarium].

Le film : de nos jours dans la centrale nucléaire de Cruas-Meysse (quatre réacteurs nucléaires) dans la vallée du Rhône en Ardèche. Gary (), gamin attardé (la petite trentaine, il est né en 1984) de la banlieue lyonnaise, erre de petit boulot en petit boulot quand il est embauché sans grande difficulté par une entreprise sous-traitante du nucléaire. Après une brève « formation », il est intégré dans une équipe dont il partage aussi la vie au camping du coin avec Toni, le quadra stérile (Denis Ménochet, il a pris trop de « dose » radioactive?), Karole (), l’amie avec laquelle il doit bientôt se marier, Gilles (), l’aîné du groupe, désabusé par ce sale boulot. Les intérimaires se retrouvent à réaliser les tâches qu’il vaut mieux ne pas confier aux permanents d’EdF (mieux payés, moins exposés à la radioactivité, parking à part, électricité gratuite, dixit le film). Sur fond de course à éviter de prendre trop de rayonnement radioactif (surtout synonyme de fin du boulot), avec la complicité des dirigeants de la société sous-traitante pour traficoter les résultats des dosages, Gary tombe amoureux de Karole…

Mon avis : deux aspects dans ce film, l’histoire d’amour entre Karole et Gary, ou plutôt Gary et Karole, car on peut se demander si cette dernière ne s’est pas engagée avec lui uniquement pour trouver un « donneur de sperme » qui pourrait suppléer à la défaillance de Toni, l’amour de sa vie devenu stérile, probablement suite à une trop grande exposition à la radioactivité. Le deuxième est une dénonciation somme toute soft et pas militante des conditions de travail dans le nucléaire, l’abus d’emplois d’intérimaires bien pratiques puisque leur exposition aux doses est plus discrète, ils finiront par disparaître dans la nature… Et ne croyez pas que c’est une vue de l’esprit, cela a été l’objet de plusieurs reportages en France, et actuellement à Fukushima (voir cet article du Monde sur la nouvelle fuite en cours, avec de nombreux liens utiles pour comprendre ce qui se passe), Tepco recoure aux mêmes méthodes (voire pire: les dosimètres individuels ne sont pas seulement cachés, certains ont avoué avoir été contraints de les planquer sous des plaques de plomb pour qu’ils n’enregistrent pas la radioactivité). , découvert dans Un prophète de Jacques Audiard, est vraiment excellent, comme , que j’avais bien aimé aussi dans L’enfant d’en haut de Ursula Meyer. La partie bricolage et défaut de sécurité des intérimaires du nucléaire est traitée par suggestions que je trouve très efficaces: elles devraient amener les spectateurs « non militants » à se poser des questions de manière peut-être plus douce que les films militants, finalement vus plus par des militants déjà convaincus que par ceux qui auraient intérêt à comprendre ce qui se passe dans nos centrales, où les incidents de niveau 0 et 1, liés le plus souvent à des non-respects des procédures de sécurité se multiplient année après année, dénoncés rapports après rapports par l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) sans qu’aucune mesure ne soit prise sur le long terme. EdF sera-t-il enfin contraint d’assumer les risques et d’embaucher en direct ce sous-prolétariat du nucléaire, qui prend la plus grande partie des doses radioactives et sans suivi médical à long terme?

Pour aller plus loin : EdF n’a bien sûr pas autorisé le tournage à l’intérieur de l’une de ses centrales nucléaires « si sûres » (revoir ma centrale nucléaire préférée (Civaux), construite sur le karst, ses problèmes avec la sécheresse, avec une petite crue de la Vienne, une fuite de tritium en janvier 2012, etc.) de tels manquements à la sécurité, le film a donc été tourné en Autriche, sur le Danube, dans la centrale nucléaire de Zwentendorf… la seule centrale nucléaire autrichienne, construite à une cinquantaine de kilomètres de Vienne, et jamais mise en service suite à un référendum en 1978! Elle se visite depuis 2010 et sert aussi à des tournages…

A titre personnel, je me suis engagée avec Enercoop un fournisseur plus cher… quoi que, à force, il va finir par être moins cher, puisque nous payons de l’énergie sans apport du nucléaire, payée au juste prix de la production, visitez leur site, si vous ne souhaitez pas sauter le pas de changement de fournisseur d’énergie, actuellement, vous pouvez aussi participer à « l’aventure » en finançant de nouvelles unités de production d’énergie non nucléaire (biomasse, solaire, éolien, etc.)…