Alors que la chambre de commerce et d’industrie de Poitiers est en train de déménager du centre-ville de Poitiers vers le site du Futuroscope, je vous montre non pas son horrible immeuble à l’angle de la rue du Marché et de la rue Jean-Jaurès, mais l’immeuble art déco qui est juste avant dans la rue du Marché et qui a été vendu par la CCI quand elle a emménagé dans son horrible immeuble voisin. Un peu plus loin, en allant vers l’église Notre-Dame-la-Grande, sur le même côté se trouvent l’hôtel Pélisson et un autre hôtel de marchand de drap (c’est étrange, je pensais en avoir parlé, mais après vérification, non, c’est un oubli impardonnable, mais ne vous inquiétez pas, j’ai toutes les photographies et la documentation nécessaire pour programmer des articles sur le sujet).
L’immeuble a été conçu par les frères Martineau, Maurice et Lucien, qui ont beaucoup bâti à Poitiers (et leur père Léon avait réalisé le magasin voisin de la maison Vannier, massacrée pour la construction du centre commercial des Cordeliers). La porte centrale est la partie visible la plus ornée.
La porte en fer forgé aurait été réalisée par les ateliers de la Chaînette à Parthenay (je n’ai pas réussi à recouper l’information donnée par Y.-B. Brissaud dans son livre sur Poitiers, mais la société existe toujours sous le nom ADC, ils ont peut-être conservé une trace dans leurs archives…). Sur l’imposte semi-circulaire se trouvent les armes de Poitiers (le lion), une tour, trois grappes de raisin, des fleurs de lys stylisées et la date de la construction, MCMXXXV (1935).
Je suis retournée faire des photographies un dimanche, voici la grille fermée…
…et un détail de son décor.
La sculpture a été commandée et réalisée en 1935 par Raymond Émile Couvègnes, qui a porté sa signature, la date et son statut de grand prix de Rome (en 1927). Il fut élève de Injalbert, dont je vous ai parlé pour le Cher et la Loire de l’hôtel de ville de Tours et bientôt (enfin, dans les prochains mois, l’article est programmé…) pour la gare de Tours. Il est aussi l’auteur, deux ans plus tôt, à Poitiers, d’une Tête de jeune fille, qui était dans la cour du lycée Henri-IV en tant que fontaine, a disparu, fut retrouvée en 1983 dans un manoir appartenant à la ville, remise dans la cour d’honneur sur un piédestal en 2004 (voir l’article de Mme Allessio-Redien dans le n° 168 de la revue Le Picton)… et qui est désormais dans une autre cour du lycée… Sa ville natale d’Ermont lui consacre une page sur son site internet. [PS: depuis, je vous ai aussi montré la Femme au bain dans le parc de la butte du chapeau rouge à Paris].
Cette sculpture inspirée de l’Antiquité me semble un peu raide et somme toute très « soviétique », ce qui est un comble pour une chambre de commerce… Mais ce n’est là qu’un avis très personnel. Au centre, Mercure, encadré de Cérès à gauche et Flore à droite. Ces deux charmantes femmes aux longs cheveux dénoués tournent le dos au dieu, assises les jambes allongées sur l’arc de la porte.
Mercure se reconnaît à son caducée, qu’il porte dans la main droite. Dans sa main gauche, un écu aux armes de la ville de Poitiers. Il porte sur la tête un casque ailé, mais il est pied nu et porte de petites ailes aux pieds. Pour rappel, Hermès est le Dieu du commerce, des marchands, des voyageurs… et des voleurs, plus tard des médecins à cause du caducée (mais en principe, c’est Esculape le Dieu des médecins). Il accompagne aussi les morts dans l’au-delà, auprès de Hadès dieu de l’Enfer. Dans l’Odyssée (chant 11), avec Athêna, il aide Hercule à maîtriser le chien Cerbère qui garde la porte des enfers. Ici, il ne porte pas certains de ses autres attributs comme la bourse, le coq ou le bouc. Son sexe est pudiquement caché.
À gauche (à la droite de Mercure) se tient assise Cérès, déesse des moissons, par extension de l’agriculture et de la fertilité. Elle déverse d’une corne d’abondance sa récolte de blé et de fruits.
À droite (à la gauche de Mercure), dans une position symétrique, Flore n’est pas vraiment une déesse mais une nymphe qui est réputée favoriser les récoltes. D’un plateau qu’elle tient penché s’échappent fleurs et feuillages.
Je n’ai pas osé photographier J’ai finalement photographié la rotonde d’entrée, qui n’est pas visible de la voie publique. Là encore, un décor très art déco à tendance communiste et coloniale au mauvais sens du terme (toujours mon avis… n’hésitez pas à entrer si vous passez par là pour vous faire votre propre opinion). Ces peintures monumentales sont l’œuvre de Henri-Pierre Lejeune.
Avant de commander cet immeuble, la chambre de commerce était déjà dans le quartier… patience jusqu’à la semaine prochaine pour le découvrir.