A quelques jours près, il y a juste un an, j’étais opérée d’un méningiome qui écrasait mon nerf optique et menaçait la tige pituitaire (par où passent, entre autres, des neurotransmetteurs et des hormones). Extérieurement, il n’y a aucune trace de la grande couture, à la limite des cheveux, elle ne se voit pas. En revanche, il vaut mieux que j’évite encore les coups sur la tête, car la rondelle de crâniotomie (réalisée à gauche) n’est pas complètement consolidée, une rigole se sent nettement aux doigts et est bien visible sur la radio de la semaine dernière (à l’IRM, le titane des deux barres, des deux rondelles -rouelles plutôt?- et des quatre vis est invisible).
Du point de vue des séquelles, la vue est loin d’être parfaite: il reste de nombreux trous dans le nerf optique à gauche et bien sûr l’exophtalmie de grade II due à l’ossification du fond de l’orbite par le second méningiome pas opéré. Un oiel à sa place et un pas à sa place et qui voit mal, ça donne une vision loin d’être parfaite mais bien meilleure qu’avant l’opération. Avec mon visioagrandisseur maison, j’ai pu reprendre le plaisir de lire un peu au lit le matin. Avec son plateau mobile, je peux facilement déplacer la feuille et donc reprendre un peu de bibliographie préhistorique (à petite dose). Mon équipement au bureau s’améliore aussi et est désormais pas mal. Avec beaucoup de lumière, ma vision est meilleure.
En revanche, mon cerveau peine et fatigue encore vite pour trier les informations de « vision fine » ou nécessitant la coordination des deux yeux: la broderie (en monochrome, voir mon alphabet arabe) reste un exercice de rééducation plus qu’un plaisir, même s’il est plus agréable que faire entrer des oiseaux dans la cage de l’orthoptiste! Mon cerveau fait aussi des « bugs », je fais beaucoup plus de fautes d’orthographe (c’est bien la peine d’avoir relu des milliers de pages du Bulletin de la Société préhistorique française quand je le coordonnais) et je n’arrive pas à comprendre certains homophones. Quant à la perte de mémoire de certains noms propres, il paraît que ça arrive à tout le monde et que je ne devais pas y faire attention « avant ». Pourtant, il m’arrive souvent de chercher un nom propre, de personne ou de lieu, sans pouvoir le dire, je sais comment identifier la personne (contexte de rencontre, par exemple, ou un article publié si c’est un collègue préhistorien) ou le lieu (une carte me permet de résoudre le problème), je pense donc que c’est un trouble spécifique et non un simple « trou de mémoire » commun [après un peu d’errements, il semble que je soufre d’une prosopagnosie – incapacité à reconnaître les visages / prosopon en grec – partielle].
Il me reste quelques troubles de l’équilibre (atteinte labyrinthique): trébuchement au réveil, mal-être sur des tabourets hauts sans contact des pieds au sol. Globalement, je compense quand même très bien tant que j’ai « les deux pieds sur terre » (les capteurs proprioceptifs et la vue permettent de garder l’équilibre), et j’échappe à un nouveau passage sur la « chaise à vertiges » (un test avec des lunettes-caméras qui enregistre les mouvements des yeux pendant que la chaise bouge ou qu’ils envoient de l’air chaud ou froid dans les oreilles).
Un anti-épileptique prescrit au centre anti-douleur contrôle assez bien mon allodynie / hyperesthésie / paresthésie (en gros sensations douloureuses ou anormales, en limite du « scalp »/ décollement de la peau). Je gère aussi très mal le bruit, mon cerveau ne filtre pas comme il devrait, impossible au restaurant par exemple de bien distinguer la conversation en cours à ma table de celle de derrière. Cela peut aussi me donner des maux de tête; ce problème de gestion du bruit étant lié au traumatisme crânien, je cherche des pistes avec l’association des traumatisés crâniens. J’ai repris le travail « presque » à plein temps, même si je n’arrive pas encore à tenir 7h/jour (les heures en moins sont cumulées en congé en fin de mois) et si je saute très peu la sieste et peux « m’endormir debout » (presque au sens propre, avec des micro-endormissements, j’ai jeté la feuille de mots-croisés où c’était assez impressionnant). Je n’ai pas repris la conduite automobile: il me faudrait une évaluation sérieuse avant de reprendre le volant, je me renseigne.
Ce qui me gène actuellement beaucoup, c’est l’anosmie (absence d’odorat) et l’agueusie (absence de goût). Plus de goût (sauf acide, sucré, salé et amer) ni d’odorat, plus de plaisir pour préparer les repas ou manger… et beaucoup de plats brûlés,faute d’être alertée par l’odeur ! Maryse a essayé de me stimuler avec son baeckeoffe et son cake aux clémentines confites et chocolat. J’ai aussi suivi un cours de cuisine et vais essayer la relaxation…
La cause de l’anosmie est identifiée: pour passer et enlever le méningiome (la boule au centre sur cette IRM avant opération), le neurochirurgien était obligé de pousser l’ethmoïde et notamment sa plaque criblée pour atteindre le jugum du sphénoïde (… poétiques, les noms des os du crâne). Ce faisant, il a soit étiré, soit rompu les petites terminaisons du nerf olfactif, qui ne conduit plus l’information. L’ORL dit que tout n’est pas perdu, qu’il peut y avoir des récupérations jusqu’à 18 à 24 mois. J’ai de très rares sensations olfactives (même pas une odeur par jour, pas toujours les mêmes) depuis quelques semaines, elles sont inconstantes et seulement à de fortes concentrations.
Même si l’ORL est sceptique, j’ai vu grâce à ce site consacré à l’anosmie qu’il existe une consultation spécialisée à Garches, avec un programme expérimental de stimulation de l’odorat chez des traumatisés crâniens même après plusieurs années d’anosmie. J’ai envoyé un message, sans réponse depuis 15 jours, je vais essayer d’appeler. En attendant, j’ai fouillé mes tiroirs et retrouvé de petits pots, restes de cadeaux de noëls personnalisés il y a quelques années. J’ai confié les trois pots en céramique colorée à une collègue qui va me mettre des « surprises » dedans. Pour les autres, je les ai recouverts de papier crépon rouge collé au Primal, un produit pour professionnels de la conservation-restauration, comme le paraloïd B 72, il s’enlève à l’acétone (sous hotte chimique ou au grand air!) et je pourrai récupérer les pots. Ainsi, je vais pouvoir tester et tenter de reconnaître des choses sans être influencée par la vue. Pour l’instant, j’ai juste mis à sécher des peaux de clémentine, une des rares odeurs que j’arrive à sentir. J’hésite pour les autres pots. Il faut qu’il reste de l’air, dans lequel se concentreront les odeurs, et éviter les huiles essentielles, trop concentrées et qui peuvent avoir des actions sur les neurotransmetteurs, à éviter au maximum, comme l’encens, les polluants intérieurs ou extérieurs, il faut stimuler mais éviter de perturber le cerveau par des substances chimiques.
Il me reste aussi à gérer l’incertitude sur l’avenir: il reste deux méningiomes partiellement ossifiés dans mon crâne (ci-contre celui de la faux du cerveau), sous surveillance, ils poseront sans doute des problèmes à l’avenir, cela sera variable suivant l’orientation qu’ils prendront (et donc des zones comprimées).
En tout cas, point positif, j’ai appris plein de choses en neuro-sciences, sur le fonctionnement du cerveau et ses « bugs ».
Je veux bien continuer à stimuler le goût en te faisant quelques préparations sucrées et/ou salées.
Pour l’odorat, je ne mettrai pas du patchouli pour te faire plaisir même si tu y es sensible 😉
Coucou Véro !
Tu peines encore à ce que je voie ! n’as tu pas repris le travail presque à temps complet trop tôt ? enfin je suppose que tu avais l’autorisation des médecins.
Merci en tout cas pour cette explication très complète de ta « maladie ». Une sacré machine le corps humain et surtout le cerveau.
Quand aux odeurs, c’est bien embêtant ! encore que mon mari n’a pas d’odorat, le brulé, il ne sent rien, le gaz non plus et bien d’autres odeurs (moi, ça serait plutôt le contraire). Je suis sure que si tu venais à la maison il y a de temps en temps une odeur qu’on ne peut rater, même sans odorat, c’est quand mon boxer se lâche, il vaut mieux dans ce cas ne pas avoir d’odorat, en général on se met en apnée. Non, je rigole mais je comprend que ça doit te gêner dans ta vie. Quand à la mémoire là ?????
Aller, courage, je pense qu’il te faut de la patience.
Biz
Tes soucis ne sont pas de « petits » soucis, mais je te trouve toujours aussi inventive pour essayer d’y remédier, avec assez de force pour faire face… en te lisant, j’apprends toujours plein de choses sur le fonctionnement de notre corps…
La mémoire des noms, je ne l’ai jamais eue, je serais bien en peine de t’aider… c’est tellement curieux, la mémoire, par contre, je me souviens d’un tas d’infos sans avoir vraiment conscience de les enregistrer, mais les noms, oups… les visages, les circonstances, oui, mais les noms…
Je vais peut-être dire une bêtise, mais une consultation mémoire ne pourrait-elle pas te rassurer quant à ces oublis ?
Bises et belle journée.
Moi j’admire ton courage, avant tout pour essayer de pallier au mieux tous ces soucis. Bisous et bonne journée !
Si tu veux me confier un ou deux pots, je peux te cueillir quelques plantes aromatiques, mais pas sûr que ça sente grand chose une fois sèches ?
Sinon je n’ai repéré qu’une faute de frappe : « et si je saute très peu la sieste et peuX »
A vendredi au musée ? ou avant pour un trajet (travaux au-dessus de chez moi qui s’ajoutent aux autres!!)
Bis bald
Oulala!
Tu as réussi tout de même à taper tout ce texte avec 1000 détails impressionnants de précisions!!!!
Dans tes petits pots (que tu aurais juste pu recouvrir avec du papier collé au blanc d’oeuf moins toxique!!!!) je mettrais bien des épices style clous de girofle, cannelle, anis étoilé…..et aussi de la menthe séchée…..C’est le fameux jeu du KIM odeurs que je proposais aux enfants!!
Et avec l’acupuncture? n’y aurait-il pas des pistes?
Bonne rééducation en tout cas car avec ta volonté et le temps tu vas y arriver!
Bises de Sylvie
Merci! Les colles de farine, de riz, le blanc d’oeuf ou le lait, ça marche bien, mais là, comme il va y avoir des manipulations multiples, j’ai préféré faire dans le « costaud »… Bonne journée!
Bon courage ma belle ; je suis impressionnée par ta ténacité et tout ce que tu réussis à faire.
Bisous
Je vois que tu as repris le boulot un peu plus que le mi-temps …tu es courageuse Véro ,
ton petit gâteau me fait bien envie ..lol
et ton Alphabet est superbe..!!
bisou
Quelle énergie déployée pour trouver des solutions et diminuer peu à peu tes séquelles, je suis admirative, devant ta combativité et en plus travailler presque à temps plein !! chapeau!!
tu es très courageuse; si tu fais des fautes, eh bien ma foi, on te les pardonne bien volontiers, ce n’est pas par manque de ta part; pour l’odorat, je crois que j’avais vu un reportage sur ce service il y a des années; oui il faut que tu y ailles! pour la mémoire, le bruit… pas d’opération pour moi, mais j’ai aussi ces problèmes et cela fait que je dois enlever mes appareils auditifs dans les lieux publics bien souvent, comme hier au concert-sandwich! lundi je suis passée près du Printemps, j’ai vu les tracto-pelles DANS le Printemps, voilà… ainsi va la vie; ils auraient dû vendre des bouts de carrelage rose, je suis sûre que ça aurait marché; lol. en ce moment je lis « l’ornière » de H Hesse; juste avant un livre de F Cheng, les personnages restent avec le lecteur bien après la dernière page! bonne journée!
JE TE TROUVE TRèS POSITIVE, TU CHERCHES, TU AVANCES, TU NE SEMBLES pAS TE DéCOURAGER ,ni laisser l’affectif prendre le pas sur l’intelligence,tu nous apprends (à moi en tout cas) plein d e choses que j’ignorais sur notre fonctionnement, merci Véro^^
je suis bien admirative de ton courage, et de ta force, continues à prendre soin de toi même
Je vois que s’il y a eu des progrès, le chemin est encore difficile. je suis toujours impressionnée par ton courage, ta soif de comprendre pour gérer les choses parfaitement. J’espère que tu vas réussir à récupérer au plus vite un peu de toutes ces sensations.
Je te découvre peu à peu et je te remercie ce soir j’aurai appris un peu plus sur le corps humain. Bravo mille fois pour ton courage et pour ce que tu réalises. Ton abecedaire arabe est remarquable. Amitiés Mariette
Bonjour Véronique, je lis votre post et découvre l’impact de l’anosmie/hyposmie dans votre quotidien. Cela vous intéresserait-il de témoigner? Photojournaliste indépendante, je travaille sur le sujet depuis plus de deux ans et suis toujours à la recherche de nouveaux témoignages. N’hésitez pas à prendre contact pour en savoir plus. Merci d’avance, Eléonore
Madame bonjour, je viens de lire votre article et il m a fortement intéressé. J ai 53 ans et je viens d être opérée d un méningiome à la tête. Le neurochirurgien a dû sacrifier les nerfs de l odorat et du goût car pris dans la tumeur. Il est prévu une deuxième opération très prochainement car il reste encore de la tumeur accrochée au tronc cervical derrière la tête.
J aimerai savoir ou vous en êtes aujourd’hui, comment vous allez, et comment avez vous surmonté cette épreuve