Je vous emmène à nouveau visiter la façade occidentale de la cathédrale Saint-Pierre à Poitiers, sculptés sans doute au milieu du 13e siècle, dans un style gothique., un siècle après le début de la construction de l’édifice Alors qu’en Poitou-Charentes (contrairement à d’autres régions), il n’y a pas de tympan sculpté à l’époque romane, nous trouvons juste après des chefs-d’œuvre de sculpture sur les trois tympans de cette façade.je vous ai déjà montré le portail central avec le Jugement dernier (avec le paradis et l’enfer) et le Christ de la résurrection, et le portail nord, avec la dormition et le couronnement de la Vierge (et aussi des personnages sur les rouleaux à voir sur la partie externe droite). Aujourd’hui, direction le portail sud (à droite quand on regarde la façade. Alors que Poitiers avait développé les mêmes thèmes que la cathédrale Notre-Dame de Paris sur les deux autres portails, on trouve ici l’histoire de l’apôtre Thomas, là où à Paris on trouve la vie de sainte Anne (la mère de Marie). Je vous montre aujourd’hui le tympan, je vous montrerai une autre fois la sculpture de la voussure (voir les Vierges sages et les Vierges folles). Les différentes scènes du tympan sont encadrées de quatre anges encadrant le Christ situé sur la clef de l’arc, un livre dans la main gauche et bénissant de la main droite.
Saint Thomas est rarement représenté sur les cathédrales. On le trouve par exemple isolé dans l’ébrasement du portail nord de la façade occidentale de la cathédrale de Strasbourg. Mais Poitiers est probablement le seul tympan entièrement consacré à la vie de l’apôtre Thomas. Le tympan est organisé en deux registres, séparé par une ligne horizontale ondulée (symbolisant les nuages) et interrompue.
Sur le registre inférieur se trouvent trois groupes de trois personnages, plus les deux anges du rouleau qui participent à la gloire du Christ mais aussi observent cette scène.
Sous les pieds de ces deux anges se trouvent des petits monstres simiesques (d’habitude plutôt associés aux forces du mal), voici celui de gauche…
… et celui de droite. Sous les pieds des anges du portail de la Vierge se trouvent aussi des personnages, mais il s’agit alors de deux femmes prosternées.
Sur la scène de gauche, trois personnes debout portent des livres, celui de droite avec une inscription. Il s’agit d’apôtres.. Derrière eux se tient un ange qui les observe tout en participant à la scène du rouleau.
Au centre, un personnage jeune (imberbe) et saint (auréolé), sans doute aussi un apôtre, regarde Thomas, au centre, mettre le doigt dans la plaie du Christ (dont on devine à peine la croix sur le nimbe) qui leur fait face.
Sur la scène de droite, on retrouve deux hommes barbus et un imberbe. Celui de gauche semble porter un rouleau, celui du centre une croix et celui de droite un livre enfermé dans un coffret orné de pierreries. Ce sont également des apôtres. Parmi les sept apôtres / disciples accompagnant Thomas, Marie-Thérèse Camus a reconnu Pierre, André et Jean, je trouve que les attributs ne sont pas très clairs et ne permettent pas d’identification certaine (mais bon, je ne suis pas spécialiste de la sculpture religieuse…). Derrière, l’ange qui participe à l’autre scène tout en regardant celle-ci.
Au centre du registre supérieur se trouve une maison portée vers le ciel par deux anges, alors qu’un ange sort de chacune des deux portes au rez-de-chaussée de cette maison et deux autres sont accoudés aux fenêtres. Quatre têtes sont représentées sous la maison. Il fait allusion à la légende rapportée dans la légende dorée (écrite par Jacques de Voragine au début du 13e siècle) de Thomas aux Indes. Celui-ci avait dilapidé tout l’argent donné par le roi des Indes pour construire un palais en le distribuant aux pauvres. Le roi l’avait condamné à mort, mais son frère, mourant, avait eu la vision dans le ciel un palais (représenté par cette maison) en or, en argent et en pierreries.Thomas est alors gracié, le roi se convertit au christianisme et reçut le baptême.
Dans la partie gauche du registre supérieur se trouvent trois personnages debout au centre, un quatrième, accroupi devant eux, les regarde alors qu’un cinquième est agenouillé en position de prière à l’arrière.
Sur la droite du registre supérieur, quatre personnages discutent debout et légèrement penchés (le premier pourrait être Thomas) devant un cinquième assis devant eux (sans doute le frère mourant du roi) et un sixième agenouillé à l’arrière de la scène.
Pourquoi Thomas ici à Poitiers? Marie-Thérèse Camus a évoqué qu’il pourrait s’agir d’une allusion à l’assassinat de Thomas Becket assassiné en 1170 dans la cathédrale de Canterbury sur l’ordre d’Henri II Plantagenêt (le deuxième mari d’Aliénor d’Aquitaine, qui ont fondé la cathédrale de Poitiers et que l’on voit sur le grand vitrail du chœur). Les reliques de Thomas Becket, canonisé entre temps, étaient arrivées en 1174 à la cathédrale de Poitiers. L’apôtre saint Thomas serait alors ici par substitution à l’autre saint Thomas (Becket). Pourquoi pas…
Pour aller plus loin : un beau livre récent, Collectif (Claude Andrault-Schmitt, Christian Barbier, Yves Blomme, Jean-Pierre Blin, Bernard Brochard, Marie-Thérèse Camus, Robert Favreau, François Jeanneau, Françoise Perrot, Yves-Jean Riou, Albert Rouet, Jean-Pierre Roussel), La cathédrale de Poitiers, éditions Le Temps qu’il fait, 2007, 176 pages (ISBN : 978-2-86853-415-6).