Dans le cadre de l’exposition Une fenêtre sur le monde, Jean-Richard Bloch à la Mérigotte à la médiathèque de Poitiers (jusqu’au 31 octobre 2014, voir le programme d’animations (conférences, visites guidées), j’ai lu plusieurs ouvrages de Jean-Richard Bloch (rééditions ou originaux issus de sa bibliothèque). Si j’ai lu chez moi la réédition de Espagne, Espagne!, j’ai lu plusieurs ouvrages au fond patrimoine de la médiathèque, qui a bien voulu déplacer pour moi le lourd visioagrandisseur de la salle des revues où il est habituellement et me mettre de côté les ouvrages sur plusieurs jours, ne pouvant pas lire plus de 50 à 100 pages à la fois. Je vous parle aujourd’hui non d’un livre de Jean-Richard Bloch mais d’une traduction qu’il a faite.
Le livre: Karl et Anna, de Leonhard Frank, traduit de l’Allemand par Jean-Richard Bloch, 17e Cahier du Masque, 70 pages, 1929.
L’histoire: 1917, dans un camp de prisonniers en Russie, à la frontière entre l’Europe et l’Asie. Blessé à la jambe, Richard pense à sa femme, Anna, dont il parle à longueur de temps à Karl, prisonnier avec lui. Juillet 1918. Anna avait reçu le 4 septembre 1914 l’avis de décès au « champ d’honneur » de Richard. Les prisonniers rentrent peu à peu. Karl, qui s’était évadé depuis un an, se fait passer pour Richard auprès d’Anna, qu’il connaît intimement par procuration. Après avoir résisté, Anna accepte Richard / Frank… quand se dernier écrit pour faire savoir qu’il rentre!
Mon avis: traduire une pièce de théâtre allemande en 1929 (créée en Allemagne en 1928), et avoir permis de la faire jouer à Paris (mise en scène de Gaston Baty, avec Lucien Nat, dans la création au théâtre de l’avenir), est un acte militant d’un homme qui croyait alors encore à la paix. Choisir une pièce sur la Première guerre mondiale, où il a lui-même été blessé trois fois et eu de nombreuses séquelles (notamment physiques) est un acte plus que militant. Un militant pacifiste avant tout après la guerre où il a combattu avec conviction, qui a choisi un auteur, Leonhard Frank, né en 1888, qui s’exila d’Allemagne vers Zurich en 1915.
Parlons un peu de sa pièce. Il y dénonce à la fois la cruauté des camps de prisonniers, et la cruauté de la guerre. Un mari de retour assassine femme et enfant, car celle-ci ne l’avait pas attendu et avait refait sa vie. Dans un autre foyer se forme un trio femme, mari revenu et amant de l’absence. Mais globalement, je n’ai pas été particulièrement séduite par ce texte, à voir peut-être au théâtre, dans une mise en scène un peu novatrice. Gaston Baty, qui faisait partie du cercle de Jean-Richard Bloch, venait de monter en 1927 le « Cartel des quatre » avec Louis Jouvet, Charles Dullin et Georges Pitoëff, pour la promotion du théâtre d’avant-garde (vous pouvez les voir tous les quatre sur une photographie sur ce site dédié aux marionnettes dans sa propriété de Pélussin, dans la Loire). Il faut que je cherche un témoignage (presse parisienne, revues littéraires?) de la façon dont il a monté cette pièce. Il faudrait peut-être simplement que je commence par les revues dans lesquelles Jean-Richard Bloch intervenait en ciblant avril/mai 1929, mais un des lecteurs de mon blog a peut-être déjà la réponse à mes questionnements? Je vais déjà attendre la conférence sur Jean-Richard Bloch, Romain Rolland et le théâtre, dans deux semaines à la médiathèque de Poitiers, le sujet sera peut-être abordé! Ou bien dans le catalogue annoncé pour la fin de l’exposition…
Pour aller plus loin :
– sur le blog: La Mérigot(t)e à Poitiers, résidence de l’écrivain Jean-Richard Bloch, Une fenêtre sur le monde, Jean-Richard Bloch à la Mérigotte, sa tombe au cimetière du Père-Lachaise à Paris, Espagne, Espagne!, Sur un cargo, Cacaouettes et bananes,
– Jean-Richard Bloch. En Mérigotte, auberge antifasciste
– voir aussi l’article d’Alain Quella-Villéger (avec des photographies de Marc Deneyer), Jean-Richard Bloch à la Mérigote, L’Actualité Poitou-Charentes n° 46, 1999, p. 18-23.
– voir le site de l’Association Études Jean-Richard Bloch.