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Mangez-le si vous voulez, de Jean Teulé

Logo de pioché en bibliothèqueCouverture de Mangez-le si vous voulez, de Jean TeuléL’autre jour, Maryse m’a prêté une bande dessinée, Le singe de Hartlepool de Wilfrid Lupano (scénario) et Jérémie Moreau (dessins et couleurs). Cette histoire m’a rappellé une autre affaire de bouc émissaire, abordée il y a fort longtemps dans un cour d’ethnographie, l’affaire de Hautefaye en Dordogne, quand en 1870, tout un village a massacré et mangé le phillanthrope du village, Alain Romuald de Monéys d’Ordières, dans un contexte de guerre de 1870 (un de ses parents avait lu le journal et les propos avaient été traduits comme « pro-Allemands », lui-même avait refusé sa réforme ou de revendre son mauvais numéro et devait partir prochainement au front), les habitants avaient été condamnés (21 jugés, 4 condamnations à mort, plusieurs aux travaux forcés). Cette affaire a été beaucoup étudiée et romancée (dernièrement par Jean Teulé), et abondamment relayée dans la presse de l’époque et dans divers livres dès les années 1870 (voir le compte rendu dans la presse poitevine, Le journal de la Vienne, des Deux-Sèvres et de la Vendée, dès le 18 août 1870, suivre le lien et aller à la vue numérisée n° 17, page de droite, colonne de droite). Hautefaye est aujourd’hui un charmant village limitrophe de la Charente avec une belle église en grande partie romane. Et si vous y allez, faites aussi par exemple un détour en Charente, pas très loin, à Charras, Villebois-Lavalette, Combiers, Sers ou Marthon (j’ai fouillé tout à côté, à La Quina aval, à Gardes-le-Pontaroux). Grégory vous recommandera sans doute plutôt le château de la Rochebeaucourt (voir son article dans l’Actualité Poitou-Charentes n° 101, été 2013, p. 104 et suivantes), qui doit être à une petite dizaine de kilomètres de Hautefaye.

En passant au rayon large vision de la médiathèque l’autre jour, j’ai trouvé le livre de Jean Teulé et l’ai vite lu, il est tout petit… même par tranche de 20 à 30 minutes deux fois par jour, j’en suis facilement venue à bout!

Le livre: Mangez-le si vous voulez, de Jean Teulé, éditions Julliard, 2009, 144 pages, ISBN 9782260017721 (lu en large vision aux éditions Libra Diffusio).

La quatrième de couverture:

« Le mardi 16 août 1870, Alain de Monéys, jeune Périgourdin intelligent et aimable, sort du domicile de ses parents pour se rendre à la foire de Hautefaye, le village voisin.
Il arrive à destination à quatorze heures.
Deux heures plus tard, la foule devenue folle l’aura lynché, torturé, brûlé vif et même mangé.
Pourquoi une telle horreur est-elle possible ? Comment une foule paisible peut-elle être saisie en quelques minutes par une frénésie aussi barbare ? »

Mon avis: J’ai été déçue par ce livre. Peut-être est-ce dû à ma mémoire, au souvenir qu’avait laissé il y a plus de vingt ans un cours d’ethnographie qui portait sur les phénomènes de bouc émissaire (et sur le cannibalisme). Jean Teulé fait un récit certes très vivant et cruel de ces faits, mais n’aborde pas les causes ni n’éclaire le phénomène, un groupe qui perd pied jusqu’au plus terrible des actes, la mise à mort d’un voisin, dans un contexte difficile, sécheresse et guerre contre l’Allemagne. Certes, le lecteur comprend le phénomène de la foule déchaînée, mais je trouve qu’à donner les faits bruts sans analyse, l’auteur ne fait que stigmatiser un village de la France profonde, qui a failli être rasé de la carte sur ordre préfectoral, sans montrer que dans l’absolu, ce phénomène répond à un concours de circonstances et à des croyances (la peur de l’autre) qui pourraient toujours se reproduire aujourd’hui. Pour ceux que la petite histoire intéresse plus que l’analyse des faits, leur cause et les phénomènes qui peuvent y conduire, je vous recommande plutôt un récit écrit peu après les faits, daté mais qui montre mieux l’ambiance, sur Gallica Ce que j’ai vu du 7 août 1870 au 1er février 1871, l’agonie de l’empire, le 4 septembre, le dictateur Gambetta de Alcide Dusolier. Vous y comprendrez mieux les défaites successives de la guerre de 1870 (Sedan qui a mené à la chute du Second Empire le 4 septembre 1870) et pourrez y lire un point de vue particulier sur Léon Gambetta, Hautefaye y est présenté (chapitre III, pages 17 et suivantes, 20 et suivantes sur la version en pdf) comme… la dernière manifestation bonapartiste.

Gambetta par Falguière à Cahors

Gambetta par Falguières à Cahors, 1, de loin de face et de dos

En plein centre-ville de Cahors, sur la minérale place F. Mitterrand (ci-devant place d’Armes, en bordure des allées Fénelon), se dresse sur un haut socle le monument  » à / [Léon] Gambetta / né à Cahors / le 2 avril 1838 « , ainsi qu’il est indiqué sur le socle. Avocat, il devient député en 1868. Partisan de la guerre jusqu’au bout en 1870-1871, participant à la chute du Second Empire et à la fondation de la Troisième République, il entre au gouvernement de Défense nationale en tant que ministre de l’intérieur, et quitte Paris en ballon le 7 octobre 1870 et devient alors ministre de la guerre. C’est en tant que chef de guerre qu’il est représenté sur ce monument érigé peu après sa mort le 31 décembre 1882 suite à un accident (sa blessure avait dégénéré en septicémie… Vivent les antibiotiques découverts depuis). Le monument a été inauguré le 14 avril 1884 en présence de Jules Ferry et de Pierre Waldeck-Rousseau.

Gambetta par Falguières à Cahors, 2, la signature de Falguière La statue de Gambetta porte la signature de A[lexandre] Falguière, un sculpteur dont je vous ai déjà montré le monument à Pasteur à Paris avec des vues d’hier et d’aujourd’hui, ainsi que le Vainqueur du combat de coq et le monument à Pierre Goudouli à Toulouse.

Gambetta par Falguières à Cahors, 3, carte ancienne avec les soldats sur le socle Le monument a été dessiné par l’architecte Paul Pujol. Il comportait à l’origine trois sculptures en bronze, fondues par Thiébaut frères. Au sommet, la statue de Léon Gambetta, à sa droite (à gauche sur la carte), un soldat (fusiller marin) en position de tir et à sa gauche, un fantassin blessé. Au centre sur le piédestal se dressait aussi un grand drapeau et un bouclier au chiffre de la République (RF). Les deux soldats et les armes ont été fondus suite à la réquisition des bronzes par l’Allemagne en 1943, la statue de Gambetta a été sauvée.

Gambetta par Falguières à Cahors, 4, carte ancienne avec soldat mourant Sur cette autre carte, on peut voir le fantassin mourant (ils aiment bien les soldats mourants à Cahors, voir le monument aux morts de 1870), je n’ai pas trouvé de carte postale montrant de plus près le marin.

Gambetta par Falguières à Cahors, 5, deux vues de face Léon Gambetta est donc représenté debout, en position de tribun, haranguant les troupes. De sa main droite, il s’appuie sur un canon et tient une carte.

Gambetta par Falguières à Cahors, 6, deux vues de dos De l’autre main, il désigne la frontière…

Gambetta par Falguières à Cahors, 7, le canon et le soldat mort Coincé sous le canon gît un autre soldat, dont on voit surtout les pieds.

Gambetta par Falguières à Cahors, 8, la citation à l'arrière du socle A l’arrière du piédestal se trouve cette citation :  » Français / Elevez vos âmes et vos résolutions à la / hauteur des effroyables périls qui / fondent sur la patrie / il dépend encore de nous de lasser [sic] la / mauvaise fortune et de montrer à l’univers / ce qu’est un grand peuple qui ne veut / pas périr et dont le courage s’exalte au / sein même des catastrophes « .

Gambetta par Falguières à Cahors, 9, vue dans son environnement Allez, une dernière vue… statue qui semble coincée entre une terrasse de bistrot (fermée, en mars…) et le campanile du lycée à l’autre bout de la place.

Photographies de mars 2011.