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Frantz, de François Ozon

Affiche de Frantz, de François OzonDimanche, je suis allée voir Frantz, de François Ozon, film inspiré – très librement d’après la critique – d’un drame peu connu d’Ernst Lubitsch, Broken Lullaby (L’homme que j’ai tué), 1932.

L’histoire : au printemps 1919, dans la petite ville de  Quedlinburg en Saxe-Anhalt. Alors qu’elle se rend sur la tombe de Frantz [Anton von Lucke] son fiancé tombé au combat en septembre 1918, Anna [Paula Bee] constate que la tombe a été fleurie… C’est un français, Adrien Rivoire [Pierre Niney] qui se présente le lendemain chez les parents inconsolables de Frantz, Magda [Marie Gruber] et le Dr Hoffmeister [Ernst Stötzner], chez qui loge Anna, en deuil et déprimée, refusant de céder aux avances de Kreutz [Johann von Bülow], militant nationaliste d’un certain âge qui a demandé sa main. Avant la guerre, Frantz, francophile et pacifiste, avait poursuivi ses études à Paris, Adrien Rivoire, riche héritier d’un château bourguignon, était violoniste dans l’orchestre de Paris. Adrien raconte la vie d’avant-guerre, leurs visites au Louvre, autour d’un tableau de Manet « montrant un homme renversé en arrière ».

Mon avis : le noir et blanc de ce film très travaillé (je trouve la scène nocturne dans le cimetière particulièrement réussie), entrecoupé de quelques scènes au couleurs plutôt sépias, quasi irréelles même pour l’apparition en rêve de la figure blessée de Frantz dans un rêve d’Anna (bon, ça passe mieux que le bébé aux ailes de poulet de Ricky). Il mêle aussi passages en français et en allemand, il est donc indispensable de le voir en version originale.

Le discours joue sur la difficulté, au lendemain de la guerre, pour un Français à apparaître dans la petite ville de Saxe ou une Allemande à Paris ou dans le château de Meursault (où l’on voit notamment les actrices Cyrielle Clair – la mère d’Adrien – et Alice de Lencquesaing – sa promise). La position du père évolue, lui qui a forcé son fils pacifiste à s’engager présente à ses amis de club qu’ils ont, comme les français, une responsabilité dans la mort de leurs fils, en les armant et en les envoyant à la boucherie. Un discours qui n’évite pas les clichés, Reiner Maria Rilke (tiens, pourquoi un Autrichien?) face à la poésie de Paul Verlaine (chanson d’automne… voir ci-dessous), une musique de film qui emprunte le thème de l’Ode à la joie de Beethoven, etc. En revanche, je ne connaissais pas le tableau Le suicidé, d’Édouard Manet, placé pour les besoins du film dans une galerie du Louvre et qui est d’une grande force.

Le charme du film repose aussi sur le charmant accent français de Paula Bee et sur l’accent allemand, comment dire, étrange, de Pierre Niney, j’ai entendu dans un entretien sur France Inter qu’il ne parlait pas allemand avant de tourner ce film… et il mélange curieusement certaines prononciations. Du coup, quand il aspire de « ch » dans « möchte » en [x] au lieu de [ç] , un peu à la bavaroise (« mokhte », quasi comme le prétérit mochte) , on hésite, qu’a-t-il voulu dire? Le sous-titre indique un conditionnel (« möchte » est un forme du subjonctif II qui correspond à notre conditionnel), mais le spectateur attentif a bien entendu [‘mOxt´], donc un prétérit (+/- passé)… Je ne suis pas si sûre qu’il s’agisse d’un simple détail, les dialogues en allemand m’ont paru très pauvres, et pas seulement à cause du scénario, les parents de Frantz qui apprennent à connaître Adrien Rivoire. S’il n’y avait des scènes en français dans la partie allemande, celle-ci serait sans doute très lassante, trop lente, trop pauvre.

Ceci étant, je vous conseille quand même ce film 😉

Pour aller plus loin :

– Voir le tableau Le suicidé, d’Édouard Manet, sur le site de la fondation Emil G. Buehrle à Zürich. Il s’agit d’une toile de moyen format (38 x 46 cm), peinte après 1877 et avant 1881, date de sa cession au cours d’une vente aux enchères organisée par le peintre Pierre Franc-Lamy au profit du compositeur Ernest Cabaner, alors au sanatorium.

– Voir le site de la ville de Quedlinburg en Saxe-Anhalt.

– Sur mon blog, voir quelques tombes du cimetière de Passy à Paris (où le cousin d’Adrien Rivoire est censé être enterré).

– Mes avis sur les précédents films de  François OzonUne nouvelle amie, Dans la maison, Ricky).

Chanson d’automne de Paul Verlaine

Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure

Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.

Waterloo… Honte à la France!!!

Echantillons de pièces commémoratives en EuropeDepuis la création de l’euro, chaque pays peut émettre deux pièces commémoratives de deux euros par an. Il y a aussi des commémorations collectives avec des variantes dans plusieurs pays, comme vous pouvez le voir ici (merci aux commerçants du marché complices ce matin pour réunir ces pièces): dix ans des pièces et billets en euro en 2012 (dans 17 pays, ici variantes Pays-Bas, Allemagne et France), 50 ans du traité de Rome en 2007 (dans 13 pays, ici Allemagne, Pays-Bas et Belgique), 10e anniversaire de l’union économique et européenne en 2009 (dans 16 pays, ici Allemagne et France). Pour les pièces des pays, nous avons trouvé l’Atomium à Bruxelles (Belgique 2006, voir sur ce bâtiment Expo 58 de Jonathan Coe), Don Quichotte (Espagne 2005), et des pièces françaises (30 ans du traité de l’Élysée 2013 -il y a une version allemande aussi-, 70 ans de l’appel du 18 juin en 2010, présidence française de l’Union européenne en 2008 et 30e anniversaire de la fête de la musique en 2011). Les autres pays de l’union européenne peuvent émettre leur véto pour l’émission d’une pièce si elle est de nature à mettre en question l’unité européenne, et cela n’était jamais arrivé… jusqu’à cette semaine!

La Belgique avait donc prévu et commencé à frapper des pièces commémoratives de 2€ pour célébrer les 200 ans de la bataille de Waterloo, à une vingtaine de kilomètres au sud de Bruxelles. Le 18 juin 1815, les armées napoléoniennes avait perdu la bataille face à une armée européenne commandée par le duc de Wellington: 200000 hommes sur le champ de bataille, 65.000 Français, 65.000 hommes pour l’armée anglo-néerlandaise et 55.000 hommes pour l’armée prussienne commandée par maréchal Blücher. Bilan de la journée: 55.000 morts, un record en une journée!  Le site de la bataille est inscrit sur la « tentative list » du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008 (suivre le lien, le récit de la bataille y est bien fait et neutre!). Franchement, le gouvernement français n’a rien de mieux à faire que de bloquer l’émission d’une pièce belge sur une bataille oubliée de tous sauf des historiens et des passionnés de reconstitutions de batailles napoléoniennes? Croyez-vous que les Anglais qui prennent leur train à la gare de Waterloo savent tous ce qu’elle commémore? Et les Français qui y débarquaient en Eurostar jusqu’en 2007 se sentaient-ils agressés?

Le site de la bataille d'Austerlitz en 1993, 1, l'ossuaire

Si tel est le cas, dans un contexte de pacification européenne, il est aussi urgent de débaptiser la gare d’Austerlitz à Paris, qui fut aussi le témoin d’une autre cruelle bataille napoléonienne (voir le site de la bataille d’Austerlitz à Slavkov u Brna, près de Brno, en République tchèque, si vous préférez), plus de 16.000 morts (dont 11000 Russes et 4000 Autrichiens) le 2 décembre 1805. Mais cette fois, ce sont les Français qui ont gagné!!!

Donc, le gouvernement français, qui n’a pas de problèmes actuellement, pas de problème de chômage, de vie quotidienne, de montée de l’extrême droite, de perspective d’abstention record aux élections départementales le week-end prochain, a trouvé son point prioritaire absolu: interdire l’émission de cette pièce, se couvrir de ridicule en Europe… La Belgique n’aura plus qu’à refondre les 175.000 pièces déjà frappées. Mais elle a trouvé la parade: émettre une pièce destinée aux collectionneurs, d’une valeur faciale originale (2,5€), non soumise à l’accord des autres États membres!

Monument au maréchal Ney à ParisAllez, je vous parlerai très vite de cette statue au Maréchal Ney, …

Paris, monument au maréchal Ney, liste des batailles avec Waterloo… il a participé à la bataille de Waterloo, et fut fusillé pour trahison (pour son rôle dans les 100 jours) place de l’Observatoire à Paris (où se trouve le monument) le 7 décembre 1815. Une bataille capable de raviver l’équilibre et la paix en Europe… mais alors, pas plus que toutes les batailles inscrites sur le socle de cette statue (sur cette face et il y en a autant de l’autre côté!), qu’attend notre gouvernement pour les masquer??? Non, il faut au contraire expliquer et enseigner l’histoire!!!