Essai clinique clandestin près de Poitiers

Poitiers, église Sainte-Radegonde, les ex-votos royauxDepuis une semaine, il est beaucoup question de l’essai clinique clandestin réalisé par les (ex)-professeurs Jean-Bernard Fourtillan (ancien professeur de chimie thérapeutique / pharmacologie) et Henri Joyeux, croulants et réactionnaires, respectivement président et vice-président du fonds Josefa  (qui a son siège à Poitiers avec pour trésorier le professeur Jean-Pierre Fontanel, ex chef de service ORL au CHU de Poitiers), ultra-catholiques, anti-avortement (y compris avortement médical de grossesse), diagnostic pré-implantatoire (ou DPI, « tri » des embryons dans le cas de maladies génétiques ou chromosomiques graves, une procédure difficile et exécutée dans 6 centres en France), anti vaccins… L’article paru ce matin dans Centre Presse et La Nouvelle-République (même article) m’amène à réagir. Les charlatans se défendent en disant que ce n’est pas un essai clinique parce que ce n’est pas un médicament (mais ils promettaient une guérison!), que les 402 patients (nouveau chiffre, jusque là la presse relayait 350) s’appliquaient volontairement les patchs sur lesquels il était inscrit : « Technical sample. Not for human use ». Pas pour usage humain, et ils disent que ce n’est pas un médicament et sans danger!!! Cela ressemble plutôt à « administration d’une substance dangereuse » et « empoisonnement ». Des informations  laissent supposer qu’ils continuent leurs essais malgré l’intervention de l’agence régionale de santé (ARS).

Les essais cliniques sont très encadrés, gratuits, le patient signe une « information éclairée, qui lui est remise (enfin, en principe, pour la dernière à laquelle j’ai participé au CHU de Poitiers, sur un protocole de désinfection avant la mise en place d’un cathéter pour vérifier les taux d’infection, il a fallu que je passe par la direction des usagers pour avoir une copie de ce protocole). Là, ils ont donné un produit, soit disant proche d’hormones naturelles, interdit à l’usage humain, en demandant de l’argent (il y a quelques jours, on parlait de 1000 €, maintenant, il est plutôt question de 1500 €), en demandant d’arrêter les traitements en cours, en demandant le secret… Tout cela ressemble fortement à la définition d’une dérive sectaire : la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) aurait d’ailleurs reçu trois signalements. Sur leur site officiel, les critères pour caractériser un risque de dérive sectaire sont les suivants :

  •  » la déstabilisation mentale
  • le caractère exorbitant des exigences financières
  • la rupture avec l’environnement d’origine
  • l’existence d’atteintes à l’intégrité physique
  • l’embrigadement des enfants
  • le discours antisocial
  • les troubles à l’ordre public
  • l’importance des démêlés judiciaires
  • l’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels
  • les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics « .

Mis à part l’embrigadement des enfants, presque tous les critères sont réunis.

Les examens étaient menés à l’abbaye Sainte-Croix à Saint-Benoît, un bel édifice étudié il y a quelques années par mes collègues : suivez le lien! Les sœurs disent qu’elles ne savaient pas qu’il y avait des prélèvements sanguins, qu’elles ne faisaient que louer les chambres une fois par mois… pendant 20 mois selon la presse. Vu la capacité d’accueil de l’abbaye Sainte-Croix (12 chambres), pour tester 402 patients, cela fait 33,5 nuits de pleine occupation de l’abbaye, les infirmier.e.s tous les jours, cela devait quand même se repérer! La foi rend vraiment aveugle.

L’abbaye Sainte-Croix vient du déménagement de l’abbaye du centre-ville de Poitiers (là où se trouve aujourd’hui le musée). Elles sont les héritières du monastère fondé par sainte Radegonde, réputée pour son pouvoir de guérison… y compris Louis XIV, ainsi qu’en atteste (!!!) l’ex-voto en photographie en tête d’article, posé par Anne d’Autriche en remerciement de la guérison de son fils Louis XIV en 1658 (à gauche) ; à droite, un autre  ex-voto, daté de 1870/1871 (sainte Radegonde aurait protégé Poitiers de l’avancée des Prussiens…). Sainte Radegonde est souvent représentée sous les traits d’Anne d’Autriche, je vous remets tous les liens vers mes anciens articles ci-dessous. Les organisateurs de cette escroquerie pensaient peut-être que le pouvoir de guérison magique de sainte Radegonde pouvait aussi aider à la guérison des malades de Parkinson et d’Alzheimer qu’ils ont abusé?

Sainte-Radegonde

3 réflexions sur « Essai clinique clandestin près de Poitiers »

  1. Lucien Dujardin

    c’est une question de mots, un jeu des mots et je pense que tu as trouvé le bon mot : « charlatan(s) »
    A.− Vx. Marchand ambulant qui, après avoir débité un boniment, vendait des drogues, arrachait des dents, etc., sur les places publiques et dans les foires :
    B.− P. ext., péj. Personne habile qui trompe sur ses qualités réelles et exploite la crédulité d’autrui pour s’enrichir ou s’imposer.

    pour référence : https://www.cnrtl.fr/definition/charlatan

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  2. NiniDS

    Totalement d’accord, ce sont non seulement des charlatans sectaires, mais des criminels, et leur place est directement en prison, en attendant d’être jugés avec la plus grande sévérité…
    Entre ce genre de scandale et les pénuries organisées de médicaments, il y a de quoi se révolter…
    Belle journée, bises

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  3. Emmanuelle

    Cette histoire est hallucinante, et j’espère que la justice et l’Ordre des médecins agiront en conséquence face à des personnes qui sont de vrais dangers publics. J’ai beaucoup de mal à croire aussi que les sœurs ne se sont jamais aperçu de rien !

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