Je continue à vous présenter des monuments aux morts avec le monument aux morts de 1870 de Bressuire, dans les Deux-Sèvres, qui porte une République (voir Les allégories de la République sur les monuments aux morts en Poitou-Charentes, par Charlotte Pon-Willemsen, dont je vous ai parlé ici). Il a été installé dans ce qui était alors la place Sadi-Carnot…rebaptisée en 1988 place des Anciens-Combattants. une place aujourd’hui bien encombrée par les voitures…
Voici une autre vue, plus rapprochée, de la République.
Depuis ont été ajoutées de chaque côté des plaques portant les noms des victimes des conflits postérieurs. La République est représentée debout sur un haut socle (portant l’inscription « Aux enfants du canton de Bressuire morts pour la Patrie ») placé en avant d’un obélisque de presque 9 m de haut surmonté d’un pyramidion, le tout est réalisé en pierre calcaire de Chauvigny. Les chiffres et devises de la République dominent les faces du monument : liberté sur le côté gauche, égalité sur la face principale, fraternité à droite et RF (pour République française) au dos.
Il porte les signatures « Barbaud et Bauhain / architectes / Rispal statuaire » et dans une gravure plus légère « Dorotte, Arch. voyer – inspect[eur] / des travaux ».
Jules [Louis] Rispal (Bordeaux, 1871 – Piquey, commune de Lège-Cap-Ferret, 1910 et non 1909 comme on le trouve parfois) avait travaillé à plusieurs reprisés à Bordeaux avec l’architecte. Plusieurs de ses œuvres sont conservées à Bordeaux, au musée des beaux-arts, près de la mairie (Nymphe de Diane), dans le jardin public (groupe sculpté de l’écrivain Fernand-Lafargue). Les deux architectes, Raymond Barbaud, né en 1860 à Bressuire, et le bordelais Édouard Bauhain (1864-1930) ont régulièrement travaillé ensembles à Paris (par exemple pour un immeuble art nouveau 18 rue Perrée), à Bordeaux et dans l’ouest de la France (dont la poste de Bressuire, le bâtiment avec la rotonde au deuxième plan à gauche de la première carte postale ancienne qui illustre cet article).
Les travaux ont été confiés à l’un des principaux entrepreneurs de monuments funéraires de la ville, « H[enri] Bremaud / entrepreneur ».
Le dos du monument relate l’histoire mouvementée de l’érection du monument, inauguré le 25 octobre 1903. Vous pouvez voir des photographies de l’érection et de l’inauguration sur cette page associative, ainsi que la liste des souscripteurs, mais attention, le relevé du texte gravé au dos y est approximatif. Voici le relevé que j’en ai fait:
« Ce monument / élevé par la Société / des combattants de 1870-71 /et des colonies / à l’aide / d’une souscription / publique, d’une / subvention municipale / et d’un secours de l’État / a été inauguré le 25 octobre 1903 / en présence de / M. le général André, / ministre de la Guerre/ M. Émile Loubet / étant Président de la République / Sagebien / préfet des Deux-Sèvres / Guillard / s-préfet de Bressuire / Clisson / Président de la Société / des combattants / Et René Héry / Maire de la Ville ». En-dessous se trouvent les armoiries de la ville de Bressuire.
Appuyée sur son épée, la République se tient en avant d’une grande couronne végétale composée de branches de laurier et de fleurs.
La République casquée et cuirassée s’appuie fièrement sur son épée, dans une attitude très différente de celle du monument aux mobiles de la Charente à Angoulême.
Un long poème de Victor Hugo, Hymne aux morts de juillet, daté de 1831 et publié en 1836 dans les chants du crépuscule, est partiellement reporté sur les côtés du monument.
Le poème commence à droite :
« Ceux qui pieuse-/ment sont morts/ pour la patrie //
Ont droit qu’à leur / cercueil la foule / vienne et prie.//
Entre les plus / beaux noms leur / nom est le plus beau.//
Toute gloire près / d’eux passe et tom-/be éphémère//
Et comme ferait / une mère,//
La voix d’un peuple / entier les berce / en leur tombeau//
Gloire à notre / France éternelle //
Gloire à ceux qui sont / morts pour elle!//
Aux martyrs aux / vaillants aux forts !//
À ceux qu’enflamme / leur exemple //
Qui veulent place / dans le temple //
Et qui mourront / comme ils sont / morts ! //
Il manque la strophe centrale et un refrain
« C’est pour ces morts, dont l’ombre est ici bienvenue,
Que le haut Panthéon élève dans la nue,
Au-dessus de Paris, la ville aux mille tours,
La reine de nos Tirs et de nos Babylone,
Cette couronne de colonnes
Que le soleil levant redore tous les jours ! »
Le texte se poursuit ensuite du côté gauche:
« Ainsi, quand de tels / morts sont couchés / dans la tombe, //
En vain l’oubli, nuit / sombre où va tout / ce qui tombe,//
Passe sur leur sé-/pulcre où nous / nous inclinons//
Chaque jour, pour / eux seuls se le-/vant plus fidèle,//
La gloire, aube tou-/jours nouvelle,//
Fait luire leur / mémoire et redore / leurs noms ! // Gloire à notre / France éternelle !//
Gloire à ceux qui sont / morts pour elle ! //
Aux martyrs ! Aux / vaillants ! Aux forts !//
À ceux qu’enflamme / leur exemple,//
Qui veulent place / dans le temple,//
Et qui mourront / comme ils sont / morts// »
Photographies prises en octobre 2012.
elle est « fun » la République… lol
j’aime les vieilles cartes postales ! cath
Je ne connaissais pas cet hymne martial de Victor Hugo… effectivement, la République a fière allure…
Bises et belle journée.