Je vous ai déjà montré la cour du musée Sainte-Croix à Poitiers à l’occasion de l’expédition Glen Baxter en juin 2010. Comme je vous l’ai déjà dit, l’ancien musée dans l’hôtel de ville était devenu trop petit. L’ancien couvent Sainte-Croix, qui venait d’être libéré par les sœurs (installées depuis lors à la Cossonière à Saint-Benoît), est choisi pour accueillir le nouveau musée, qui a ouvert en 1974. L’architecte Jean Monge (1916-1991) a détruit les bâtiments du 19e siècle mais maintenu une grande cour rappelant l’ancien cloître. Bon, béton brut, parfois avec des effets de cannelures, labyrinthe à l’intérieur, sauvegarde de justesse des vestiges archéologiques gallo-romains (le comble pour un musée avec des collections archéologiques aurait été de les détruire), je ne le trouve pas terrible au niveau de l’architecture. Mais vous pouvez profiter en ce moment (et jusqu’au 5 février 2012) des salles rénovées sur le Moyen-Âge et d’une exposition sur le thème de l’âge roman en Poitou-Charentes, qui est accompagnée d’un très beau catalogue.
Dans l’entrée du musée, voici…
un relief qui y a été mis en place en 1986. Il s’agit du dépôt par l’État d’une œuvre retrouvée lors du rangement du palais de Chaillot pour l’aménagement de la cinémathèque dans les années 1980. C’est l’une des versions de l’art du théâtre, de Évariste Jonchère (Coulonges, 1892 – Paris, 1956), premier grand prix de Rome de sculpture en 1925 pour La vendange. Il existe en fait au moins quatre versions de cette œuvre, trois si j’en crois le catalogue de l’exposition de 1987 (voir la référence complète en fin d’article). La première est un plâtre préparatoire réalisé en 1936 et donné par Mme Jonchère en 1976 au département de Haute-Savoie, qui l’a déposé au conservatoire d’art et d’histoire d’Annecy (d’autres œuvres données au conseil général de Haute-Savoie sont à voir ici, le couple ayant habité près d’Annecy). Sur la base de ce plâtre, Évariste Jonchère a été chargé de réaliser un bronze pour le fronton de scène du théâtre du palais de Chaillot réalisé pour l’exposition internationale de 1937. Mais il a pris du retard pour confier son œuvre au fondeur Alexis Rudier (je vous ai montré sa marque de fondeur pour sur la statue du maréchal Joffre à Paris, je ne l’ai pas trouvée ici). Aussi, c’est une version en plâtre patiné qui a été réalisée et qui se trouve aujourd’hui au musée de Mont-de-Marsan (voir dans le dossier sans photographie dans la base Joconde). L’artiste a néanmoins terminé son œuvre qui a été fondue en 1938. C’est celle-ci qui se trouve à Poitiers. Elle diffère légèrement du plâtre patiné. Certains historiens de l’art ont donné comme titre à cette œuvre Apollon musagète, titre réfuté par Mme Jonchère. Le musée des années 1930 de Boulogne-Billancourt présente un autre plâtre préparatoire de cette œuvre, j’en ai trouvé par hasard la mention page 42 du livret pédagogique du musée. Comme je ne suis pas allée la voir, je ne peux pas préciser de quelle variante il s’agit.
Entrons dans la visite de cette œuvre qui porte la signature « E. JONCHERE ».
Le personnage central est encadré des deux femmes des groupes de droite et de gauche.
Le voici de plus près. Il s’agit d’Apollon, dieu de la beauté, tenant une lyre, représenté de face, en position comme assise (mais sans siège) avec sa jambe gauche écartée. Il est nu, mais un drap couvre pudiquement son sexe.
De chaque côté se trouvent les arts liés à la musique, à la poésie et au théâtre. A gauche se trouvent autre femmes debout et un personnage allongé. La première femme à gauche est torse nu avec une robe drapée autour des reins. La seconde a un voile qui lui couvre partiellement la poitrine. La troisième, à l’arrière-plan, regarde les deux premières. La dernière à droite porte des ailes.
Un sonneur de trompe est allongé au sol. C’est le seul personnage qui semble être un homme (à part Apollon au centre).
Enfin, le groupe de droite. La première femme à gauche, à côté d’Apollon, torse nu et avec une grande jupe qui lui arrive sous les fesses, tient une sorte de palme. Il s’agit de l’inspiration poétique. Une grande aile semble partir de son épaule, mais il s’agit peut-être juste d’un fond à la scène.
Derrière elle se tiennent deux femmes debout. Celle de gauche est torse nu, les seins bien visibles, les jambes drapées dans une robe. Ses cheveux sont coiffés en longues tresses. La seconde porte également un vêtement en haut et tient un masque dans la main gauche : il s’agit de la comédie.
Et enfin le dernier personnage assis tout à droite. C’est une femme, la tête effondrée sur ses genoux, en partie cachée par son bras. Elle tient de la main gauche une épée et un masque triste constitue son siège: il s’agit de la tragédie.
PS: à deux pas de là, sur le mur de la cour de la MJC Le Local (rue Saint-Pierre-le-Puellier à Poitiers), vous pouvez voir un peu sur le même thème la frise sculptée de Jean Claro…
Pour en savoir plus : Evariste Jonchère, 1892-1956 : premier Grand Prix de Rome de Sculpture en 1925, catalogue de l’exposition au musée Sainte-Croix à Poitiers, 24 mars – 18 mai 1987, sous la direction de Blandine Chavanne et Bruno Gaudichon.