Halte à la douane! Revue « enfantines » sur Mouchin (1935). 1. Les douaniers

Couverture de la revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à MouchinPeu après l’ouverture de mon blog, en janvier 2008, je vous ai parlé du numéro n° 67 de la revue Enfantines Halte à la douane sur , dans le Nord, paru en 1935. Le numéro est certes publié en ligne, mais c’est en mode image, avec une couverture différente de la mienne. Comme je teste des logiciels de reconnaissance de caractères (il faut quelques corrections), je vous en propose au fil des prochaines semaines une transcription, avec les illustrations réalisées par les enfants en gravure. Oserait-on encore donner des gouges à des enfants de primaire? Bon, visiblement, seuls les garçons y ont eu droit… L’école de filles devait sans doute accéder à d’autres activités plus domestiques (sans commentaire, quoique, vous pouvez toujours revoir mes articles avec la famille modèle du 19e siècle, La défense du foyer… par Emile André Boisseau, ou celui plus « hard » sur ce que l’on peut voir dans nos églises médiévales!). Tant que vous êtes sur le site de la pédagogie Freinet, allez aussi voir les autres numéros de cette revue, ils sont souvent savoureux. Ce numéro est globalement contre la douane, les droits de douane pour les passages à pied, en voiture et même en vélo, sur le trafic de tabac. Toutes les ruses contre les douaniers sont rapportées, jusqu’à l’usage de petits chiens pour passer le tabac. Il n’y avait pas seulement les douaniers au Bas-Préau (les gens du coin comprendront, pour les autres, c’est un chemin qui était jusqu’à l’ouverture des frontières européennes réservé aux riverains, en principe sans marchandise), mais aussi une tranchée pour empêcher le passage ! Pendant la Seconde Guerre mondiale, une tranchée anti-char s’y trouvait. C’est parti pour la première histoire… assez sérieuse dans ce premier épisode, pour la suite, les douaniers n’auront pas toujours le beau rôle… Aujourd’hui, la vie quotidienne des douaniers et la distinction entre les fraudeurs professionnels et les pauvres ouvriers… qui ne peuvent pas faire autrement pour leur tabac! Un pot de vin, au sens propre (en direct ou sur une ardoise, un peu comme dans la mode actuelle des cafés suspendus, mais destinés aux douaniers et pas à ceux qui ne peuvent se le payer, et du plus fort que du café, ou alors arrosé, « à la bistouille »), dans l’un des cafés près de la douane devait pouvoir arranger les choses… Shenghen et la disparition de la douane à Mouchin a fait disparaître la plupart de ces bistrots, il ne reste guère que le gallodrome (salle pour les combats de coq), mais c’est une autre histoire…

Un grand merci à mon père qui est parti en reportage dans le village de Mouchin pour illustrer les lieux avec des photographies! J’en ai aussi ajouté sur les précédents articles, n’hésitez pas à aller les (re)lire, je ferai aussi un article complet pour vous présenter les lieux après la transcription de toutes les pages de la revue!

revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à Mouchin, revers de couverture et page 1

Les douaniers.

Il y a à Mouchin une caserne de douanes. C’est un grand bâtiment composé de petits logements réservés aux douaniers mariés. Il y a aussi un bureau occupé par le brigadier.
La caserne étant beaucoup trop petite pour loger tous les douaniers, bon nombre de ceux-ci louent des petites maisons dans le village.
La caserne des douanes à Mouchin, cliché Lucien DujardinLe nombre total des douaniers affectés au service de la surveillance de la frontière pour le  secteur de Mouchin (de la gare de Bachy Mouchin à Planard, Calvaire) est de 38 hommes. Distance : 3 km 600.
Ces douaniers sont commandés par un Brigadier, aidé dans sa tâche par 4 sous-Brigadiers sous le contrôle d’un Lieutenant.
Les douaniers sont de service à tour de rôle, de jour ou de nuit. Il y a d’abord ceux qui sont de service aux postes fixés de surveillance (Poste frontière de Bercu et route du Bas Préau).
Ils sont logés dans des abris en briques ou en ciment. Leur rôle consiste à fouiller les personnes, arrêter les autos, vérifier les papier, sonder l’intérieur des camions, etc…

Il y a ensuite les douaniers de ronde, les embuscades, les patrouilles.
Une embuscade se compose de 2 douaniers. A un endroit désigné, au moment du départ, par un gradé, les 2 douaniers de service s’en vont se cacher derrière un buisson, un taillis, un talus, et ils y passent la nuit, veillant à tour de rôle.
Ils emportent une couchette. Une couchette, que les douaniers appellent « sac » ou « campement », est faite de 3 peaux de mouton cousues ensemble et formant sac. Elles sont doublées extérieurement de grosse toile verte imperméable, et fixées sur des sangles tendues sur un encadrement de bois posé sur quatre pieds.
Le « sac » peut se replier et se porter à dos avec des bretelles. C’est assez lourd: 18 à 20 kg. Son prix est de 700 francs environ.
Les douaniers en embuscade sont le plus souvent accompagnés d’un chien qui donnera l’éveil si un fraudeur approche.

revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à Mouchin, pages 2 et 3

Bien entendu, les douaniers sont armés. Ils portent sur le côté un gros revolver calibre 7 m/m5. Ils ont aussi une matraque en gros caoutchouc épais.
Comme vous pouvez vous en rendre compte, le métier de douanier est pénible. Passer la nuit à la belle étoile n’est pas toujours gai, surtout en hiver, par les gelées, les pluies torrentielles et les nuits noires.

A droite des arbres, la France, à gauche, la Belgique (au Bas-Préau à Mouchin), cliché Lucien Dujardin

A droite des arbres, la France, à gauche, la Belgique (au Bas-Préau à Mouchin), cliché Lucien Dujardin

Et la surveillance de la frontière n’est pas facile. Aucun obstacle naturel ne sépare la France de la Belgique. De plus, les douaniers sont trop peu nombreux pour surveiller nuit et jour tous les points de la frontière.
revue Enfantines, n° 67, halte à la Douane à Mouchin, première illustration, les douaniers poussent une voitureMalgré tout, les passages de fraudeurs sont relativement rares? Et gare à celui qui se fait prendre! De fortes amendes, de longs mois de prison, l’auto confisquée, voilà ce qui les attend (peines variant de 3 jours à 3 ans, amendes de 500 à 5.000 francs).
Malgré ces menaces, il y a encore des fraudeurs qui tentent l’aventure. les uns réussissent…, d’autres se font prendre, malgré toutes leurs ruses.
Ces fraudeurs « professionnels » ont toutes les audaces et peu de scrupules. Ils n’hésitent pas, le cas échéant, à se servir d’armes. Ils sont dangereux.
Il ne faut pas les confondre avec les ouvriers et les malheureux qui essaient quelquefois de « passer » un paquet de tabac ou une demi-livre de café; ceux-là ne sont pas des fraudeurs, les douaniers n’ont pas l’habitude d’être sévères à leur égard.
Cette petite fraude est dénommée par les douaniers « la pacotille ».

Voir la suite: la circulation, la fraude en auto, la fraude avec les chiens, les gendarmes, une belle ruse, le passage à niveau et un pauvre chien et les dernières pages consacrées à d’autres ruses.

 

2 réflexions sur « Halte à la douane! Revue « enfantines » sur Mouchin (1935). 1. Les douaniers »

  1. NiniDS

    Une découverte, pour moi… les dessins me rappellent ceux faits par la classe de ma grande en 6ème, sur le thème du film « zéro de conduite »… un beau projet (et un prof de français génial).
    Bises, belle journée.

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