J’ai trouvé ce livre parmi les nouvelles acquisitions de la médiathèque.
Le livre : Assommons les pauvres de Sinha Shumona, éditions de l’Olivier, 2011, 155 pages, ISBN 978-2879297866.
L’histoire : dans un commissariat parisien, de nos jours. La narratrice est enfermée dans une cellule de garde à vue pour avoir fracassé une bouteille de vin rouge sur la tête d’un immigré… Elle revient sur ses derniers mois passés en grande partie en banlieue, auprès de demandeurs d’asile, elle y est traductrice dans le cadre des procédures pour les demandes de papiers. Elle y vit la misère du monde, le regard noir des hommes sur cette femme qui ose s’adresser à eux et en plus qui a une position supérieure à la leur, puisqu’elle a des papiers et que de sa traduction peut dépendre leur sort. Elle raconte les mensonges, appris par chœur, qui donne une image d’immense guerre civile en Inde… tout le monde semble y persécuter tout le monde… mais dès que des questions précises sont posées, les récits s’effondrent…
Mon avis : un texte très osé sur l’autre face de l’immigration… Quand il n’est plus possible d’avoir une régularisation pour raison économique, comment naissent les récits d’une persécution, indispensable pour obtenir le statut de réfugié… De récit incroyable en récit improbable, la pression des avocats (et si elle interprétait plutôt un récit en accord avec ce qu’ils vont plaider plutôt que de traduire les hésitations et les incohérences?), le flux de questions des experts (qui est le parti A, le B, qui persécute qui? victime de quoi?), le regard des hommes qui ne supportent pas cette femme qui s’interpose entre leur récit et les autorités qui détiennent peut-être la clef des papiers, un récit au cœur des contradictions que vit cette traductrice. Comment oublier son propre passé? Comment traduire de manière neutre, qui va néanmoins révéler les contradictions et les mensonges? Un livre à lire pour avoir une vision différente des discours entendus sur l’immigration… Ou comment le système broie ces vies déjà en morceaux, obligeant ces personnes à se créer une vie de persécutés pour avoir une maigre chance d’obtenir une carte de réfugié… le tout écrit dans un style très particulier. A découvrir absolument!
Ce livre est le dernier lu dans le cadre du défi 1 % rentrée littéraire 2011, coordonné cette année par Hérisson