La belle lucarne de l’hôtel de Jean Beaucé à Poitiers

Poitiers, hôtel Jean Beaucé, 3, les deux travées de gaucheEn janvier 2010, je vous ai présenté l’hôtel de Jean Beaucé (1554) à Poitiers dans un état bien sale. J’ai complété l’article avec des photographies après restauration, prises en janvier 2014.

L'hôtel Jean Beaucé après restauration, en janvier 2014La pierre est désormais bien blanche, avec sur la série de photographies de janvier quelques algues vertes, réaction normale après restauration quand la pierre n’est plus protégée par son calcin, qui va se reformer peu à peu. J’ai déjà parlé de ce phénomène à propos de l’hôtel de ville tout vert.

L'hôtel Jean Beaucé après restauration, en juin 2014, détail de la lucarne gaucheDu coup, la lucarne gauche est désormais bien lisible, elle m’a un peu surprise dans sa composition, et j’ai demandé à Grégory ce qu’il en pensait… Nous y sommes passés jeudi (19 juin 2014, plus d’algues mais un peu trop de lumière cette fois) et voici son analyse réalisée à chaud!


L'hôtel Jean Beaucé après restauration, en janvier 2014, les trois lucarnesEn façade, l’ornementation se concentre traditionnellement sur la porte d’entrée et sur les lucarnes, dont la richesse décorative exprime celle du bâtisseur de la demeure, son importance sociale comme son opulence financière.

L'hôtel Jean Beaucé après restauration, en janvier 2014, les deux travées gauchesLa lucarne d’angle est très intéressante. D’abord il s’agit d’une lucarne double, comportant une ouverture sur chaque façade.

L'hôtel Jean Beaucé après restauration, en janvier 2014, détail de la lucarne gauche

Surtout son couronnement se distingue des frontons habituels, comme par exemple ceux, également ornés de petits personnages, des lucarnes du logis de François Ier au château de Blois.

L'hôtel Jean Beaucé après restauration, en janvier 2014, d'atil de la lucarne gauche, détail du satyre à gauche

En façade principale on observe les vestiges de trois personnages. La partie inférieure du corps d’un satyre (ou d’un silène) occupe l’angle de gauche, dans une sorte d’anneau, tandis qu’à droite se tient un personnage masculin dont le manteau gonflé par le vent ne masque pas la nudité.

L'hôtel Jean Beaucé après restauration, en janvier 2014, détail de la lucarne gauche, détail du personnage à droite

Il semble désigner de son bras aujourd’hui disparu le personnage central, très original, dont le corps est pris dans un cartouche à volutes, un peu à la manière d’un condamné au pilori.

L'hôtel Jean Beaucé après restauration, en janvier 2014, d'atil de la lucarne gauche, détail du colosse central

Ses jambes écartées évoquent la posture du Colosse de Rhodes.

Sa tête, très mutilée, émergeait d’une ouverture circulaire, mais l’on distingue toujours les mains reposant sur ce qui est peut-être un autel antique sur lequel sont accrochés des festons de fruits.

À noter le long ruban ondulant, tenu de la main droite.

À titre de comparaison on peut signaler ce satyre qui émerge d’un cartouche, gravé par Jean Mignon.

Merci à l’amie Véronique d’avoir attiré mon attention sur cette lucarne très intéressante, et de m’avoir proposé d’en partager mes toutes premières observations sur son blog. En espérant pouvoir aller plus loin, en identifiant les personnages, d’autres exemples comparables, ou une estampe qui aurait pu servir de modèle à cette composition, dont l’autre face reste aussi à découvrir (elle est à peu près invisible de la rue).

5 réflexions sur « La belle lucarne de l’hôtel de Jean Beaucé à Poitiers »

  1. Dane

    Merci de nous faire voir toutes ces merveilles que l’on ne peut que distinguer (et encore) d’en bas. Cette ville est un joyau d’architecture, pour moi.
    Bon dimanche à toi.

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    1. Grégory

      Merci beaucoup.
      Evelyne Thomas, la meilleure spécialiste de cette question, qui est l’auteur du très remarquable « Vocabulaire illustré de l’ornement », me répond :
      « Surprenant montage Grégory! Il existe bien des variations sur le thème de la figure prise dans un cartouche, souvent limitée à une tête et des mains (ou des pattes si la figure est animale). Mais ici elle est d’une étonnante complexité, avec des jambes musclées qui évoquent plutôt la statuaire et des figures latérales qui s’ajoutent à cette composition quelque peu théâtrale. Je ne connais pas d’exemple semblable. L’ensemble paraît couronner « librement » l’architecture, en ce sens que l’on ne voit pas de cadre (fronton de lucarne par exemple), ce qui est inhabituel », et ajoute très justement que « L’imagination des sculpteurs est sans limites ».
      Une nouvelle preuve découverte ici grâce à Véronique!

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  2. Maryse

    Dès mon retour j’irai voir de plus près cette merveille…Poitiers est plein de merveilles surprenantes, de bons yeux sont nécessaires parfois. Merci à toi et à Grégory pour ses commentaires précieux.

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