La semaine dernière, le pape Benoît XVI a annoncé son souhait d’engager le procès en béatification du pape Pie XII, dans un discours prononcé lors de la messe pour le cinquantième anniversaire de sa mort. Il m’a donc semblé urgent de relire Heinrich Böll, qui m’a laissé une forte impression lorsque je l’avais lu – en allemand – en classe préparatoire.
Le livre : Heinrich Böll, Lettre à un jeune catholique suivi de Lettre à un jeune non-catholique, éditions des Mille et une nuits, n° 119, ISBN 2-84205-0726X, 1996, traduction de Josette Collas et Fanette Lepetit (et oui, je deviens fainéante, j’ai relu une traduction).
Les histoires : dans la première lettre, publiée en 1966, Heinrich Böll dénonce la passivité de l’église allemande lors de la seconde guerre mondiale, et surtout le fait que lors de sa préparation à son intégration dans l’armée, l’église l’a mis en garde contre les dérives sexuelles qui risquaient de l’atteindre lors de son service, absolument pas des atrocités de la guerre et encore moins de ses dérives. Dans la seconde, il dénonce le fait que l’église soutient la remilitarisation de l’Allemagne sous les gouvernements dépendant de la CDU (union démocrate chrétienne), sans revenir sur son rôle dans la Seconde Guerre Mondiale.
Éléments de contexte : Pie XII (1876-1958) était pape lors de la Seconde Guerre mondiale. Heinrich Böll, catholique convaincu, a progressivement quitté l’église allemande d’abord en 1968 en dénonçant l’encyclique Humanae vitae publiée le 25 juillet 1968 par Paul VI, encyclique qui condamne l’avortement la contraception dite artificielle. En 1972, il refuse de payer l’impôt religieux prélevé sur les salaires en Allemagne, et rompt définitivement avec l’église en 1973. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1972.
Mon avis : ce n’est pas parce qu’un livre est bref qu’il ne peut pas avoir une profondeur énorme (même si l’inverse peut être vrai, voir Le fiancé de la lune de Eric Genetet, lu dimanche dernier). Ce livre m’a beaucoup marquée en seconde année de classe préparatoire, et à sa relecture, je n’ai pas été déçue ! Je ne résiste pas à la tentation de vous citer cette phrase (p. 52 de mon édition française) :
Il ne s’agit pas de contester la crédibilité de théologiens aussi éminents que Rahner, RATZINGER [c’est moi qui souligne] et Küng, mais la couche de terre où cette théologie pourrait prendre racine n’est pas seulement mince, en Allemagne elle est fertilisée par le pire des engrais, l’obéissance » politique » .
Tiens, Ratzinger, mais c’est cet homme qui est devenu Benoît XVI… Ce livre doit impérativement être relu d’urgence… Je posterais bien sa version allemande au pape, en guise de participation au débat avant le procès en béatification de Pie XII, pape qui a au moins tu le génocide des juifs, s’il ne l’a pas ouvertement soutenu…
Post-scriptum : désolée pour le lapsus sur l’encyclique… Vous pouvez en lire la traduction officielle en français sur le site du Vatican. Ne ratez pas les paragraphes sur La maîtrise de soi et Créer un climat favorable à la chasteté.
Et il y a eu un rappel récent de la condamnation de l’avortement ET de la contraception (et l’euthanasie) en 1995 dans l’encyclique Evangelicum vitae de Jean-Paul II (à lire aussi sur le site du Vatican par ce lien direct). En mai 2008, pour les 40 ans de l’encyclique Humanae vitae, dans un discours à l’université pontificale du Latran, le pape Benoît XVI a réaffirmé ces principes.
J’ai sélectionné ce livre pour le tour du monde en lecture proposé par Livresque.