Après les peintures murales de Marie Baranger dans l’église Sainte-Thérèse à Poitiers (son chemin de croix, les peintures des murs nord et sud du transept et les autels secondaires), je vous propose de découvrir celles qu’elle a réalisées en 1945 dans la mairie de Montreuil-Bonnin, une commune située à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Poitiers, où elle résidait à l’époque. Les scènes illustrent la vie rurale et la vie de famille. Merci à Christian Rome pour ses photographies de 2010 qui illustrent cet article ainsi qu’à Brigitte Montagne, qui m’a permis de consulter l’important dossier qu’elle a recueilli auprès de la famille de Marie Baranger.
Cet ensemble porte la signature « 1945 / peint par / Marie Baranger / conseillère / municipale ».
Je commence par le mur est (vue générale en première photographie de l’article). Sur la partie gauche, un ensemble de champs stylisés avec quelques indications géographiques (dans le cercle, « Montreuil-Bonnin », les routes « vers Poitiers », « vers Vouillé », des hameaux « le Four » et illisibles, la rivière « la Boivre » (oui, celle qui se jette dans le Clain à Poitiers, et une série de visages qui seraient ceux des élus du conseil municipal de 1945 (celui de Marie Baranger, en haut à gauche, est signalé par une croix blanche).
Au-dessus de la porte, la guitare puise son inspiration dans la Guitare, de Pablo Picasso, 1916 [selon ses notes, ou 1918, sur le schéma joint à son projet]. A droite, un texte, « Foyer de la culture ».
La partie droite est occupée par une scène de partage du pain par le père d’une famille… très nombreuse: un bébé avec sa poupée dans les bras de la mère, une silhouette d’enfant à gauche du père, et sur le grand côté de la table, sept enfants (et un chat) classés façon « Dalton », du plus grand au plus petit… sans oublier le cheval qui passe la tête par la porte.
Voici quelques détails, certains touchants, la poupée, la caresse du chat ou l’enfant dessiné au trait qui semble bien isolé et bien triste.
Le mur sud comprend trois panneaux peints très différents.
Sur la gauche, Marie Baranger a écrit qu’elle s’était inspiré d’un dessin, La jeune morte, paru dans un livre de Jean Hannoteaux, 1945 (d’après le site consacré à Jean Hannoteaux, ce recueil date de 1942).
Au centre, autour de la Marianne sont indiqués plusieurs lieux-dits et noms de pièces de terre : « Les justices », « Terre de Grassais », « Terre de Preuille » (sur le boeuf), « Camp de la Motte » et, masqué par le buste, « la fosse », un bœuf et un mouton. Sur la droite, le couple est inspiré des Fiancés (dans les Acrobates du cirque, Bâle, 1918), de Fernand Léger.
Sur la droite, quelques vaches au fond et surtout, au premier plan, la tuerie du cochon avec cette légende : « On fait boucherie ». Dans ses notes, Marie Baranger précise qu’il s’agit de la ferme des Boissonnet.
Le mur ouest est consacré aux travaux de la ferme. Lors d’une restauration par l’artiste en 1968, la cour de ferme a été reprise avec la suppression d’un arbre et des chênes.
Sur la partie gauche, les dépendances de la ferme organisées autour d’une cour avec une fermière qui donne à manger aux poules… regroupées autour du chien.
Sur la partie droite du mur ouest, des veaux paissent et se reposent à l’avant d’un paysage avec une ferme à l’arrière-plan au fond à droite. En bas à droite, ce petit texte : « il était une fois / un berger ».
Le mur nord comprend des scènes assez différentes.
Sur la partie gauche, une jeune femme garde des moutons dessinés au trait, à l’arrière, peut-être l’évocation du château. Au-dessus de la porte, un texte comme Marie Baranger en a écrit beaucoup sur ses peintures religieuses, ici en rapport avec le lieu : « L’organisme social / tout le le corps coordonné / est uni par les liens des / membres qui se prettent [SIC] / un mutuel secours / chacun opère selon sa / mesure d’activité, grandit / et se perfectionne dans la / charité ».
Sur la partie droite, le long de la porte, un ensemble d’outils (échelle, pince, équerre, marteau, faucille). Plus à droite, au-dessus de la cheminée, le Coq gaulois inspiré d’après ses notes du Coq de Joan Miró, publié en 1940 dans la revue Verve, n° 8. En bas à droite, un texte en « patois »: « En bas à droite du coq: « Eh ma boune / tchi quole / tcheu ? ».
Dans l’ébrasement des porte-fenêtres, des motifs ethniques inspirés de « tous les peuples du monde », ces peuples qu’elle a longuement visité, notamment en Afrique et en Asie, dans les années suivantes…
Photographies de 2010, de Chistian Rome, que je remercie beaucoup.
Etonnant foisonnement ! j’en aime certains aspects, d’autres me parlent moins…
Bises et bon dimanche.
je suis un peu comme Nini 79.Personnellement les couleurs ne me parlent pas et le style pas trop non plus mais le côté ethnologique est extraordinaire surtout expliqué par toi car il y a tellement d e choses que je serais passée à côté de beaucoup…
C’est un très beau décor ; ses multiples sources d’inspiration sont utilement documentées par les notes de l’artiste réunies dans un dossier, dont tout l’intérêt est évidemment de pouvoir être consulté.
Mais comment a-t-on pu laisser courir des gaines plastiques aussi disgracieuses? Carton rouge à Montreuil-Bonnin pour cette faute de goût inexcusable.
La CRPS a estimé que cet ensemble ne méritait aucune protection… Je ne donne pas cher de sa conservation à court ou moyen terme…
Beaucoup de rouges sanguins, des scènes de la vie, une bien jolie décoration de cette mairie!!!!
Grégory fait la remarque que je viens de me faire en lisant l’article, l’électricité et le panneau « sortie »… enfin c’est le lot de la « modernité »? moi j’aime bien le ton chaleureux finalement, mais je suis « interrogée » par la fréquence de l’expression « inspiré de »; elle n’a pas son style à elle?… pour la phrase en « patois » comme tu dis, »eh! ma bonne, qu’est-ce que c’est que ça? », je ne saisis pas trop… une moquerie? envers qui ou quoi??? en tout cas, je découvre et je me demandais si c’est accessible au public?
Étonnant et intéressant ! Côté conservation par contre, en effet, c’est plus hasardeux…
J’aime bien le style de ces peintures qui fait penser à d’autres artistes par les formes ou les couleurs…
Les couleurs sont belles mais l’ensemble me parait bien chargé!
je préfère quand c’est classique ! bises cath
je trouve cet ensemble émouvant. j’aime bien les annotations au milieu des peintures. Comment est-ce peint ? Bonne journée !
A fresco, dans l’enduit frais, avec des dessins préparatoires sur kraft.
on peut en effet déplorer la pose des gaines posées il y a plusieurs années et pour lesquelles il n’y a plus de remèdes, mais la commune est très attentive au devenir des fresques, s’efforce de ne toucher aucun murs et bien que l’inscription ait été refusée, le maire et l’ensemble du conseil municipal actuel sont très sensibles à la conservation de ce site historique et artistique.
Adjointe à la communication de Montreuil Bonnin
Quel ensemble remarquable : c’est génial !
Vite une protection, sinon officielle du moins affective et reconnaissante des habitants de la commune qui ont bien de la chance d’avoir un aussi bel ensemble.
Un restaurateur habile pourrait sans doute remédier aux mochetés provoquées par l’installation électrique.
En Limousin, un beau projet se met en place autour de Cécile Sabourdy, femme artiste autodidacte…
Reconnaissance de la passion et de l’art singulier de femmes inspirées.
Merci pour votre article qui est très intéressant. J’ai entendu parler de l’existence d’une propriété à Montreuil-Bonnin dont les murs sont presque totalement recouverts des peintures de Marie Baranger, savez-vous ce qu’il en est ?