Je suis allée voir Le client d’Asghar Farhadi, prix du scénario et prix d’interprétation masculine au dernier festival de Cannes (revoir mes avis sur ses films précédents, Une séparation ; Les enfants de Belle Ville ; Le passé).
L’histoire : de nos jours à Téhéran. Un couple de jeunes acteurs, Emad [Shahab Hosseini] et Rana [Taraneh Allidousti], sont contraints d’abandonner dans l’urgence leur appartement, l’immeuble qu’ils habitent est en train de s’effondrer à cause de travaux mitoyens. Babak [Babak Karimi], un acteur de leur troupe qui répète Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller, leur propose un appartement libéré depuis quelques semaines par son ancienne locataire, enfin, presque libéré, elle y a laissé des affaires dans une pièce. Mais alors qu’elle attend son mari en prenant une douche, Rana ouvre la porte à la sonnerie de l’interphone, retourne sous la douche… Elle est retrouvée inanimée par les voisins qui mettent en fuite son agresseur. Dévastée, Rana refuse de porter plainte mais ne veut plus rester dans cet appartement, alors qu’Emad part en quête de cet agresseur qui a abandonné dans sa fuite les clefs de sa camionnette…
Mon avis : au centre du film, Téhéran, en pleine mutation, avec une urbanisation mal maîtrisée, des immeubles neufs mal construits, la vie avec les voisins, qui épient mais s’entraident, que ce soit pour l’évacuation de l’immeuble menaçant de s’effondrer ou pour porter secours à Rana, rapportent à demi-mots ce qu’ils savent de l’ancienne locataire, aux mœurs légères sans jamais prononcer le mot de prostitution. Le parallèle avec la pièce de théâtre d’Arthur Miller est savamment mis en scène, les scènes au théâtre (les répétitions, la première) alternent avec les scènes en ville ou dans l’appartement. Certaines scènes se passent hors champ, comme l’agression ou la visite de la censure avant la première. D’autres non, comme les élèves qui filment avec leur téléphone leur professeur (acteur impose d’avoir un « vrai métier » à côté), épuisé, qui s’est endormi pendant la projection d’un film. Au centre du film reste la vie d’un couple, plein de contradiction, entre refus de porter plainte de la femme, qui ne veut pas étaler sa honte en public, et désir de vengeance du mari, prêt à faire justice lui-même et à utiliser lui-même la honte de l’agresseur pour le punir. Un film qui m’a bien plu.