Table ronde sur le Paléolithique supérieur récent

Industrie osseuse et parures du Solutréen au Magdalénien en Europe


Angoulême (Charente)


28-30 mars 2003

Résumés

Laurence-Isaline STAHL GRETSCH : L'industrie osseuse de Veyrier (Étrembières, Haute-Savoie)

Le site de Veyrier a été fouillé principalement entre 1833 et 1871. Ces abris sous blocs ont livré d'importantes collections d'artefacts du Magdalénien supérieur mêlés à de la faune et à des restes humains.
L'abondance en vestiges osseux bien conservés est l'une des particularités de ce gisement, fait rare dans le contexte régional, tant en Savoie, dans l'Ain et en Franche-Comté qu'en Suisse romande.
Les collections du Musée d'Art et d'Histoire de Genève comptent une petite centaine d'éléments de sagaies de différents types, façonnés à partir de baguettes de bois de renne ou - plus rarement - de bois de cerf, à double biseau et non décorés. La variété de leur forme et de leurs dimensions laissent supposer des usages cynégétiques différents. Avec quelques ciseaux et poinçons, assez peu standardisés et des aiguilles à chas, ces pièces forment le corps de la série étudiée. Des déchets de fabrication complètent les informations technologiques visibles sur les outils.
Le premier objet découvert en 1833, décrit par son inventeur François Mayor comme une “ tige bardée d'épines ”, a donné lieu à une multitude d'interprétations, allant du harpon à la sculpture végétale. Ses dimensions, la forme et le rythme de ses barbelures et son décor l'intègrent sans problème dans les éléments barbelés magdaléniens. Sa base raccourcie à double biseau montre une (ré-)utilisation comme armature fixe, peut-être d'une sagaie.
Des éléments prestigieux enrichissent cet ensemble d'outillage osseux. C'est le cas notamment de sept bâtons à trou, dont la moitié est décorée de figurations animales (bouquetin, loutres et peut-être d'autres herbivores), végétales ou de motifs géométriques. L'un d'eux constitue même le premier objet d'art paléolithique découvert en Europe, mais identifié qu'en 1868, soit 30 ans après sa mise au jour. Ces artefacts présentent une grande variété de dimensions ; leur longueur s'échelonne entre 15 et 40 cm. Un os long perforé, orné de motifs géométriques, et une plaque osseuse gravée d'un enchevêtrement de lignes gravées complète les manifestations artistiques du gisement.
Une pièce cassée a déjà donné lieu à plusieurs interprétations : navette ou sagaie à base fourchue. La première hypothèse paraît plus plausible. Dès lors, cette hypothèse implique la possibilité d'avoir un Magdalénien à navette à Veyrier. Faut-il y voir une succession d'occupations entre le Magdalénien moyen et supérieur qui n'aurait pas été détectée précédemment ou un faciès local particulier. Dans ce cas, il se placerait après 13000 BP, date d'un niveau scellé par l'éboulement rocheux ayant créé les abris. La comparaison avec le site d'Arlay dans le Jura tend à distinguer le corpus du Veyrier du Magdalénien à navette. Hormis la question de la datation, les industries de ces deux gisements diffèrent beaucoup : absence de sagaies décorées, défaut de sagaies courtes à simple biseau et pièces nettement plus graciles pour les abris du pied du Salève.
Ainsi, l'ensemble des informations apportées par l'industrie osseuse de ce site est cohérent. Tout concorde à inclure ces objets dans un Magdalénien supérieur, tant l'absence d'éléments à connotation plus ancienne - comme les baguettes demi-rondes, les sagaies courtes à simple biseau ou les sagaies décorées - que l'abondance des sagaies à double biseau, la présence de bâtons à trous et la pièce barbelée, sans lien non plus avec l'Épipaléolithique.

Références bibliographiques :

DAVID S. (1996) - La fin du Paléolithique supérieur en Franche-Comté : environnement, culture, chronologie, Gallia préhistoire, 38, p. 111-248.

LE TENSORER J.-M. (1998) - Le Paléolithique en Suisse, L'homme des origines, série Préhistoire de l'Europe, 5, éditions Jérôme Millon, Grenoble.

PION G. dir. (2000) - Le Paléolithique supérieur récent : nouvelles données sur le peuplement et l'environnement, table ronde (12-13 mars1999, Chambéry), Mémoire de la Société préhistorique française, 28.

PITTARD E., REVERDIN L. (1929) - Les stations magdaléniennes de Veyrier, Genava, 7, p. 43-104.

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© Véronique DUJARDIN

Dernière mise à jour : 27 décembre 2002